Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 20 février 2019, 18-80.784, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Soulard
ECLIECLI:FR:CCASS:2019:CR00075
CitationSur les conséquences liées au caractère d'ordre public de l'exception de nationalité, à rapprocher : Crim., 24 juillet 1974, pourvoi n° 74-91.533, Bull. crim. 1974, n° 265 (2) (cassation sans renvoi) ;Crim., 28 mai 1997, pourvoi n° 96-84.750, Bull. crim. 1997, n° 210 (cassation)
Case OutcomeRejet et cassation partielle
CounselSCP Boré,Salve de Bruneton et Mégret
Appeal NumberC1900075
Docket Number18-80784
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)
Date20 février 2019
Publication au Gazette officielBull. crim. 2019, n° 49
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° F 18-80.784 FS-P+B

N° 75

SM12
20 FÉVRIER 2019


CASSATION PARTIELLE
REJET


M. SOULARD président,


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

REJET et cassation partielle sur les pourvois formés par Mme IA... I..., M. YB... P..., contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 13e chambre, en date du 20 décembre 2017, qui, pour aide à l'entrée ou au séjour d'un étranger en France, a condamné la première à six mois d'emprisonnement avec sursis, et pour aide à l'entrée ou au séjour d'un étranger en France en bande organisée et complicité d'usage de faux, a condamné le second à deux ans d'emprisonnement dont six mois avec sursis et 2 000 euros d'amende ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 9 janvier 2019 où étaient présents : M. Soulard, président, M. Guéry, conseiller rapporteur, MM. Castel, Moreau, Mme Drai, M. de Larosière de Champfeu Mme Slove, M. Stephan, conseillers de la chambre, Mme Carbonaro, conseiller référendaire ;

Avocat général : Mme Zientara-Logeay ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de M. le conseiller GUÉRY, les observations de la société civile professionnelle BORÉ, SALVE DE BRUNETON et MÉGRET, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général ZIENTARA-LOGEAY ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à l'occasion d'une enquête ouverte en juillet 2013 pour faux dans un document administratif, à la suite de l'interpellation par la police municipale de Nîmes d'un ressortissant comorien, en possession d'un certificat de nationalité française paraissant douteux, il a été procédé à des investigations en direction du greffe des nationalités du tribunal d'instance de Tarascon, à l'origine de la délivrance de ce document, qu'il est apparu que le fonctionnaire en charge de la préparation des certificats de nationalité, Mme I..., avait établi des certificats de nationalité pour des ressortissants comoriens, dont les numéros de référence étaient fictifs, attribuant la nationalité française à des individus ne pouvant y prétendre, que Mme I... a ainsi dressé 42 certificats de nationalité française à des ressortissants comoriens entre 2010 et 2012, que le président de l'association France Comores, dont le siège social était le domicile personnel de Mme I..., M. P..., a déposé, en échange de contreparties financières, auprès des tribunaux d'instance et essentiellement du tribunal d'instance de Tarascon, des dossiers devant permettre à des personnes qui ne pouvaient y prétendre d'obtenir des certificats de nationalité française ; qu'il a agi avec l'aide de personnes se trouvant en France mais aussi grâce à l'intervention de personnes bien situées au sein de l'administration comorienne qui intervenaient sur les registres d'état civil pour qu'ils soient conformes aux demandes d'authentification des actes de naissance, que l'établissement de certificats d'hébergement a permis ensuite que la demande de certificat de nationalité française soit présentée au tribunal d'instance de Tarascon, que l'audition de la quasi totalité des personnes ayant rédigé les certificats d'hébergement découverts dans les dossiers traités par Mme I... a démontré que ces certificats étaient de pure complaisance, parfois même obtenus à l'insu de la personne supposée, qu'il est également apparu que M. TR... HW..., ami proche de M. P..., a confectionné de faux documents destinés à l'élaboration des dossiers déposés au tribunal ; que le tribunal correctionnel de Tarascon a, par jugement du 31 janvier 2017, renvoyé Mme I... des fins de la poursuite et déclaré coupables MM. P... et HW... ; que ces derniers, et le ministère public, ont interjeté appel de cette décision ;

En cet état :

"Sur le premier moyen de cassation proposé pour Mme I..., pris de la violation des articles L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 29 du code civil, 384, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale :

"en ce que l'arrêt attaqué n'a pas sursis à statuer sur l'action publique et a, en conséquence, infirmé le jugement déféré, déclaré Mme I... coupable des faits qui lui étaient reprochés et l'a condamnée à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis ;

"aux motifs que, sur les faits reprochés à Mme I..., Mme I... demande la confirmation de sa relaxe en soutenant l'absence d'élément matériel et intentionnel ; que s'agissant de ses fonctions et de son rôle au sein du tribunal d'instance Mme I... rappelle qu'elle était adjointe administrative faisant fonction de greffière et n'avait aucun rôle décisionnel ; que son chef de service était au courant notamment pour les certificats d'hébergement, le mode opératoire spécifique aux Comoriens étant validé par la hiérarchie ; que s'agissant de la nationalité des bénéficiaires des certificats de nationalité, il n'est pas démontré que ceux-ci soient étrangers, le certificat de nationalité délivré ayant force probante du contraire ; qu'elle n'a pas édité les certificats de nationalité car seul le greffier en chef pouvait le faire en signant ; que comme le dit M. P... elle ne savait pas ce qui se passait "au-dessous" de sorte qu'elle ne pouvait avoir apporté sciemment une aide directe ou indirecte au séjour irrégulier ; mais qu'il résulte de la procédure et des débats que M. P... a fait appel à Mme I... qui a systématiquement mis en forme les dossiers déposés par son intermédiaire préparant les certificats de nationalité française qu'elle soumettait à la signature d'un greffier un chef qu'elle savait peu au fait des questions de nationalité ; qu'il est établi que les certificats de nationalité française établis par l'intermédiaire de Mme I... au nom de MM. C... HA..., DR... YT..., DR... VL..., DA... G..., G... KQ..., G... LH..., KF... D..., G... PF..., EL... TA..., PH... KX..., ZK... BJ..., PH... HW... puis signés par le greffier en chef M. Y... ont été établis à tort dans la mesure où la filiation des demandeurs n'était pas établie ; que cet élément essentiel apparaissait à l'examen du dossier ; qu'au contraire Mme I... a accepté en toute connaissance de cause que la compétence du tribunal de Tarascon soit rendue possible par la production de certificats d'hébergement douteux et n'a pas tenu compte de la règle selon laquelle la seule filiation reconnue aux Comores était la filiation légitime ; que son ancienneté au service et ses capacités reconnues par ses supérieurs hiérarchiques ne lui permettent pas de se retrancher ni derrière une incompétence ni derrière l'autorité du greffier en chef dont elle savait qu'il lui faisait entièrement confiance ; qu'il convient d'ailleurs de rappeler qu'il ne lui est pas reproché d'avoir elle-même signé les certificats de nationalité mais d'avoir, en les préparant, permis qu'ils soient signés à tort par M. Y... ; qu'aucune explication sérieuse n'a pu être donnée pour justifier l'absence d'enregistrement régulier des dossiers des ressortissants comoriens ; qu'aucun élément du dossier ne permet d'affirmer que MM. C... HA..., DR... YT..., DR... VL..., DA... G..., G... KQ..., G... LH..., KF... D..., G... PF..., EL... TA..., PH... KX..., ZK... BJ..., PH... HW... ne seraient pas étrangers dans la mesure où il n'est pas contesté que les certificats de nationalité ont été établis à tort ; que Mme I... en contrepartie de son intervention a pu, avec ses compagnons, effectuer sans frais des voyages, l'un aux Comores et l'autre à Dubai, le prétexte humanitaire donné à ces déplacements dont le coût peut être fixé au moins à 3 000 euros restant à démontrer ; qu'au regard de ce qui précède la cour infirmera le jugement en ce qu'il n'a pas retenu la culpabilité de Mme I... et la déclarera coupable des faits qui lui sont reprochés ;

"alors que l'exception de nationalité française constitue, devant toute autre juridiction que la juridiction civile de droit commun ou les juridictions répressives comportant un jury criminel, une question préjudicielle qui oblige le juge à surseoir à statuer jusqu'à ce que la question ait été tranchée par la juridiction compétente ; qu'en retenant, pour déclarer Mme I... coupable du délit de facilitation de l'entrée, de la circulation ou du séjour irréguliers d'étrangers en France et écarter le moyen tiré de leur nationalité française, qu'"aucun élément du dossier ne permet d'affirmer [que ces personnes] ne seraient pas étrang[ères] dans la mesure où il n'est pas contesté que les certificats de nationalité ont été établis à tort", cependant que, saisie d'une contestation portant sur la nationalité, dont dépendait la solution du litige, la juridiction correctionnelle avait l'obligation de surseoir à statuer et de renvoyer les parties à se pourvoir jusqu'au jugement sur la question préjudicielle par la juridiction compétente, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. P..., pris de la violation des articles L. 622-1 et L. 622-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, 29 du code civil, 384, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale :

"en ce que l'arrêt attaqué n'a pas sursis à statuer sur l'action publique et a, en conséquence, déclaré M. P... coupable des faits qui lui étaient reprochés pour les faits d'aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irréguliers d'un étranger en France, en bande organisée, commis du 2 janvier 2010 et jusqu'au 17 mars 2014 à Arles Tarascon et pour les faits de complicité d'usage de faux en écriture commis du 2 janvier 2010 et jusqu'au 17 mars 2014 à Arles Tarascon et l'a condamné à un emprisonnement délictuel de deux ans, a dit qu'il serait sursis partiellement pour une durée de six mois et a...

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