Cour de cassation, Assemblée plénière, 13 mars 2020, 19-86.609, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Arens, première présidente
ECLIECLI:FR:CCASS:2020:CR90652
CitationN1>S'agissant de la compatibilité de l'arrêt de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République statuant sur la régularité des actes de l'information qu'elle a conduite avec l'article 6 § 1 de la convention  : Ass. plén., 6 juin 2003, pourvois n° 01-87.092, 03-80.734, Bull. crim. 2003, n° 2
Case OutcomeRejet
Date13 mars 2020
Appeal NumberC2090652
Docket Number19-86609
CounselSCP Spinosi et Sureau
CourtAssemblée Plénière (Cour de Cassation de France)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


COUR DE CASSATION LM


ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE


Audience publique du 13 mars 2020


Mme ARENS, première présidente Rejet

Arrêt n° 652 P+B+R+I
Pourvois n° G 19-86.609
E 18-80.162
H 18-80.164
et G 18-80.165 Jonction



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, DU 13 MARS 2020

M. P... R..., domicilié chez Me X... D..., SCP W..., société d'avocats, [...] , a formé les pourvois n° E 18-80.162, H 18-80.164 et G 18-80.165, contre les arrêts de la commission d'instruction de la Cour de justice de la République en date du 21 décembre 2017 qui, dans l'information suivie contre lui des chefs de complicité et recel d'abus de bien sociaux, en premier lieu a prononcé sa demande d'annulation de pièces de la procédure, en deuxième lieu a déclaré irrecevable sa requête en modification de la composition de ladite commission et a rejeté sa demande en annulation de sa mise en examen, en troisième lieu a rejeté sa requête aux fins de constatation de la prescription de l'action publique, et a formé le pourvoi n° G 19-86.609 contre l'arrêt rendu le 30 septembre 2019 par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République qui l'a renvoyé devant la formation de jugement de la Cour de justice de la République.

Les pourvois sont examinés par l'assemblée plénière en application de l'article 24 de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.

M. R... invoque, devant l'assemblée plénière, les moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Spinosi et Sureau, avocat de M. R..., le 29 novembre 2019.

Le rapport écrit de M. Guéry, conseiller, et l'avis écrit de M. Desportes, premier avocat général et de M. Salomon, avocat général, ont été mis à la disposition des parties.

Sur le rapport de M. Guéry, conseiller, assisté de Mme N..., auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Spinosi et Sureau, l'avis de M. Desportes, premier avocat général et de M. Salomon, avocat général, auquel Me Spinosi et Me Sureau, invités à le faire, ont répliqué, après débats en l'audience publique du 28 février 2020 où étaient présents Mme Arens, première présidente, Mmes Batut, Mouillard, MM. Chauvin, Soulard, Cathala, présidents, Mme Gelbard-Le Dauphin, conseiller faisant fonction de président, Mme Kamara, MM. Huglo, Maunand, Rémery, doyens de chambre, Mmes de La Lance, Martinel, conseillers faisant fonction de doyens de chambre, M. Parneix, Mme Vieillard, M. Pietton, Mmes Daubigney, Poinseaux, conseillers, M. Desportes, premier avocat général, M. Salomon, avocat général, Mme Mégnien, greffier fonctionnel-expert,

la Cour de cassation, siégeant en assemblée plénière, composée de la première présidente, des présidents, des doyens de chambre et des conseillers précités, et après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

En raison de leur connexité, les pourvois n° G 19-86.609, E 18-80.162, H 18-80.164 et G 18-80.165 sont joints.

I. Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.

2. En 1994, plusieurs contrats de coopération et d'assistance militaire ont été conclus entre la France et deux Etats, l'Arabie Saoudite d'une part, le Pakistan d'autre part, portant notamment sur le carénage et l'entretien de bâtiments militaires, la fourniture de missiles, la livraison de trois frégates, d'un pétrolier ravitailleur et de trois sous-marins. La conclusion de ces accords a été précédée de contrats de consultance liant la [...] (DCNI) à des intermédiaires chargés de convaincre les autorités étrangères de traiter avec la France. Parallèlement, est venu se greffer un autre réseau, souvent dénommé « réseau K », regroupant trois personnes : M. J..., M. QE... et M. IO... , auquel ont été versées des commissions.

3. Il est apparu que la participation de ces nouveaux intermédiaires pouvait avoir été inutile et n'avoir eu pour finalité que la mise en place de rétro-commissions. Au printemps 1996, les autorités françaises ont donné pour instructions d'interrompre le versement des commissions au « réseau K ».

4. Le 8 mai 2002, à Karachi (Pakistan), une voiture piégée lancée sur un autobus transportant notamment des salariés de la DCNI, travaillant à la construction d'un sous-marin, a explosé, entraînant la mort de quatorze personnes et faisant plusieurs blessés. Une information concernant ces faits a été ouverte le 27 mai 2002 au tribunal de grande instance de Paris. C'est au cours de cette information qu'a été mise en évidence l'existence possible d'infractions à caractère financier, justifiant l'ouverture d'une enquête puis d'une autre information judiciaire.

5. Les sommes versées au « réseau K » ont transité par des circuits financiers opaques et sur des comptes ouverts à Genève, Vaduz ou à Madrid, avant de faire l'objet d'importants retraits en espèces, tandis que, dans le même temps, le compte de l'Association pour le financement de la campagne d'P... R... (AFICEB) était alimenté par des versements de même nature, notamment, le 26 avril 1995, de 10 050 000 francs, somme identique à l'un des retraits précités.

6. Par une ordonnance du 12 juin 2014, les juges d'instruction ont renvoyé plusieurs personnes devant le tribunal correctionnel de Paris. Avant de clôturer leur information, par une ordonnance du 6 février 2014, ils se sont déclarés incompétents pour connaître des faits susceptibles d'être imputés, notamment, à M. R..., ces faits ayant pu avoir été commis par l'intéressé dans l'exercice de ses fonctions de Premier ministre.

7. Le 19 juin 2014, la commission des requêtes de la Cour de justice de la République a émis un avis favorable à la saisine de la commission d'instruction de cette Cour. Le 26 juin 2014, le procureur général près la Cour de cassation a requis cette commission d'informer, notamment contre M. R..., en sa qualité de membre du Gouvernement, Premier ministre, sous les qualifications d'abus de biens sociaux, complicité et recel, détournement de fonds publics, complicité et recel.

8. M. R... a contesté toute illégalité dans le financement de sa campagne électorale.

9. Le 29 mai 2017, M. R... a été mis en examen pour avoir d'une part, concouru au sens de l'article 121-7 du code pénal, à la préparation et à la réalisation des abus de biens ou du crédit des sociétés DCNI et Sofresa, en donnant, alors qu'il avait autorisé l'exportation de matériels de guerre vers le Pakistan et l'Arabie Saoudite, des instructions, comme celle notamment du 1er décembre 1994 tendant à ce que le ministre du Budget, qui s'est exécuté le 19 décembre suivant, consente à ce que l'Etat donne sa garantie à hauteur de 485 millions de francs dans le contrat K..., déficitaire du fait des commissions versées, ou celle ayant conduit à l'arbitrage du 22 octobre 1994 qui a validé, sans que les directeurs du Trésor et du Budget n'aient été consultés, le sous-financement du contrat L... II, le découvert garanti ayant été porté à 1,812 milliard de francs pour trois frégates, d'autre part, bénéficié, au sens de l'article 321-1 du même code, des produits de ces délits.

10. Après cette mise en examen, M. R... s'est pourvu en cassation contre l'arrêt rendu, le 28 septembre 2016, par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République, se prononçant sur la prescription de l'action publique. Sa requête en admission immédiate du pourvoi a été acceptée. Par arrêt du 13 octobre 2017, l'assemblée plénière de la Cour de cassation a jugé son pourvoi irrecevable.

11. Entre le 22 septembre et le 28 novembre 2017, les avocats de M. R... ont saisi la commission de l'instruction de la Cour de justice de la République de trois requêtes tendant à ce qu'elle constate la prescription de l'action publique pour les faits déclarés non prescrits par l'arrêt du 28 septembre 2016, et à ce qu'elle prononce l'annulation de diverses pièces, notamment le procès-verbal de mise en examen de M. R....

12. Par trois arrêts du 21 décembre 2017, ladite commission a rejeté ces demandes.

13. M. R... a formé un pourvoi en cassation contre chacune de ces décisions. Le 30 janvier 2018, le premier président de la Cour de cassation a rendu trois ordonnances disant n'y avoir lieu à examen immédiat des pourvois.

14. Par arrêt du 30 septembre 2019, la commission d'instruction de la Cour de justice de la République a ordonné le renvoi de M. R... devant la formation de jugement de cette Cour des chefs de complicité et de recel d'abus de biens sociaux.

II. Examen des moyens

Sur le premier moyen dirigé contre l'arrêt n° 1 rendu le 21 décembre 2017 par la commission d'instruction de la Cour de justice de la République

Enoncé du moyen

15. Le moyen est pris de la violation des articles 68-1 de la Constitution et de la loi organique n° 93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.

16. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la requête de M. R... aux fins de nullité des actes et pièces de la procédure d'instruction de droit commun alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article 68-1 de la Constitution que l'instruction des crimes et délits susceptibles d'avoir été commis par les membres du Gouvernement dans l'exercice et pendant la durée de leurs fonctions relèvent exclusivement de la Cour de justice de la République ; qu'en écartant le moyen pris de la violation de la compétence exclusive de la Cour de justice de la République lorsqu'elle constatait que l'information conduite par les magistrats instructeurs parisiens portait sur des infractions en lien avec des contrats de vente d'armement, à l'occasion desquels la DCN-I et la Sofresa auraient versé indûment au « réseau » de M. U... J... des commissions susceptibles d'avoir généré des rétro-commissions au profit, notamment de M. R..., dont la campagne...

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