Cour d'appel de Fort-de-France, 25 mai 2012, 12/00018

Case OutcomeInfirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Docket Number12/00018
Date25 mai 2012
CourtCour d'appel de Fort-de-France (France)

ARRÊT No

R. G : 12/ 00018

GERMANY

COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 25 MAI 2012

Décision déférée à la Cour : Décision du Conseil de discipline des Barreaux de la Guyane et de la Martinique, décision attaquée en date du 02 Décembre 2011

APPELANT :

Maître Georges-Emmanuel X...
...
97200 FORT-DE-FRANCE
Comparant à l'audience, et assistés de :

Barreau de la Guadeloupe

Me FALLAH, Me Philippe LOUIS, M. Le bâtonnier ROLLAND EZELIN, Me Patrice TACITA, Sarah ARISTIDE, Evita CHEVRY, Jenny MORVAN, Me HAUDEBOURG, avocats présents

Barreau de la Martinique
Me URSULE Frédérique, Me MONOTUKA, Me MAUZOLE, Me ATHANASE-VADELEUX, Me BOULOGNE-YANG TING, Me DUHAMEL Maryse, Me DUHAMEL Claudette, Me CHANTALOU, Me MANVILLE, Me DUCOMMUN-RICOUX, Me ROMER, Me VIAGBO, avocats présents

Me EDMOND-MARIETTE, Me MOUSSEAU, Me LEBON, Me BANGUIO, Me SENART, Me COULIBALY, Me LEROUX, avocats absents

Intervention volontaire à l'audience du SYANNA, (syndicat des avocats de la Martinique) représenté par Me CHANDEY

Intervention et constitution de Me PLACIDE représentant l'Union des Jeunes Avocats de la Martinique

EN PRÉSENCE DE :

- MONSIEUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR D'APPEL DE FORT DE FRANCE, comparant en la personne de M. Christian GUERY, avocat général

-LE BÂTONNIER DE L'ORDRE DES AVOCATS AU BARREAU DE FORT DE FRANCE représenté par Maître RENIA, bâtonnier en exercice assistée de M. Le Bâtonnier CONSTANT, Me RIOUAL-ROSIER, Me RODAP, Me RICHARD MERIL
35 Boulevard Général de Gaulle
97200 FORT-DE-FRANCE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue les 19 et 26 mars 2012 à l'audience solennelle, en audience publique, devant la cour, composé de :

M. EXPERT, Premier Président
M. FAU, Président de Chambre
Mme GOIX, Président de chambre
M. CHEVRIER, Conseiller
Mme TRIOL, Conseillère

qui en ont délibéré, les parties ayant été avisées de la date du prononcé de l'arrêt fixé au vingt-cinq mai deux mille douze.

Greffier : lors des débats du 19 mars 2012 : Mme SOUDOROM
et du 26 mars 2012 : Mme RIBAL

ARRÊT :

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile ;

FAITS ET PROCEDURE

Les faits

Rodrigue Clotaire Y..., ressortissant camerounais domicilié à Garges-Les-Gonesse, a été présenté le dimanche 26 octobre 2008 à un juge d'instruction de Fort-de-France sur mandat d'amener. Il était assisté initialement de Me Gaspardo, de garde pénale, qui était accompagnée de Me X...dont elle partage la vie.

Me Garrido dirigeait M. Y...vers Me X...et, après discussion, l'avocat et son client se mettaient d'accord pour un montant d'honoraires de 8 000 euros. Sur ce montant, Mme Manowogbo Z... , compagne de M. Y..., adressait 1 500 euros par mandat cash le 28 octobre 2008.

M. Y...a été mis en examen et placé en détention provisoire.

Le 27 janvier 2009, le juge d'instruction ordonnait la remise en liberté de M. Y...et le plaçait sous contrôle judiciaire en l'astreignant au versement préalable d'un cautionnement de 5 000 euros.

Sur l'appel d'une ordonnance du juge d'instruction ayant refusé de modifier le contrôle judiciaire, la chambre de l'instruction, par arrêt du 29 avril 2009, a réduit le cautionnement à la somme de 2 500 euros.

Le cautionnement, fixé initialement à 5 000 euros et réduit ensuite à 2 500 euros, n'a pas été versé et M. Y...est resté détenu jusqu'au non-renouvellement de son mandat de dépôt le 25 juin 2009.

Le 20 février 2009, Mme Z... a accepté l'offre d'un prêt à la consommation d'un montant de 10 000 euros qui a été débloqué le 3 mars 2009. Le 10 mars 2009 elle faisait un virement de la somme de 6 500 euros sur le compte professionnel de Me X..., virement qui sera crédité le 23 mars 2009 sur le compte professionnel de cet avocat.

La plainte et son instruction

Par lettre du 27 août 2009, M. Y...portait plainte
auprès du bâtonnier contre Me X...auquel il reprochait de n'être jamais venu le voir en détention et de ne pas avoir versé la caution.

Informé de cette plainte, Me X...écrivait le 1er octobre 2009 au bâtonnier qu'il avait bien été convenu de la somme de 8 000 euros pour ses honoraires. Il détaillait et transmettait copie de ses diligences en indiquant avoir sollicité et obtenu la copie du dossier, un permis de visite, avoir visité M. Y...en prison, l'avoir assisté devant le juge d'instruction, le juge des libertés et de la détention et la chambre de l'instruction, avoir déposé des mémoires et formé un pourvoi en cassation. Il ajoutait qu'il avait effectué toutes ces diligences pendant plusieurs mois sans recevoir paiement des honoraires convenus et que, lorsqu'il avait finalement reçu partie des sommes dues, il avait été contacté par un visiteur de prison venu à son cabinet lui demander de payer la caution en indiquant que M. Y...le rembourserait une fois libéré et revenu en France, ce qu'il avait refusé.

Le 13 octobre 2009, le bâtonnier déléguait Me Rodap pour procéder à une enquête déontologique.

L'enquêtrice a entendu Me X...le 24 février 2010 et rédigé son rapport le 12 avril 2010. Me Rodap retient qu'il n'y a pas de discussion sur le principe du versement de la somme de 6 500 euros, mais qu'il existe une divergence entre l'avocat et son client quant à la nature juridique du versement et sa finalité, les versions étant radicalement opposées. Elle conclut que dans ce dossier il existe encore des zones d'ombre qui devront être levée en invitant les parties à produire certaines pièces.

Au résultat de l'enquête déontologique, complétée par ses propres diligences, le bâtonnier décidait, le 3 janvier 2011, de l'ouverture d'une instance disciplinaire contre Me X....

Dans son acte de saisine, après le rappel des faits et des étapes de l'instruction de la plainte, le bâtonnier relève que sur le fond, on est présence de deux thèses totalement contradictoires, Me X...soutenant que le virement de 6 500 euros, s'ajoutant au mandat de 1 500 euros, représentait l'exact montant de ses honoraires, M. Y...soutenant que s'il y avait bien un accord sur la somme de 8 000 euros, il n'était pas question d'un paiement intégral avant sa sortie de prison, et que la somme virée de 6 500 euros représentait à la fois un versement complémentaire d'honoraires et le montant de la caution de 5 000 euros.

Après avoir analysé les éléments extérieurs aux déclarations du plaignant, de sa compagne et de Me X..., il déduit qu'il existe de nombreux éléments permettant de penser que Me X...a reçu le 23 mars 2009 la somme de 6 500 euros pour payer entre autres la caution de 5 000 euros, et qu'ainsi M. Y...serait resté incarcéré pendant plusieurs mois du fait de son conseil. Pour le bâtonnier ce comportement constituerait une atteinte à la délicatesse et à la probité, infractions qui pèsent sur l'avocat, telles que définies par la loi, le règlement intérieur du barreau et les usages de la profession.

Sur convocation du bâtonnier, le conseil de l'Ordre désignait le 25 février 2011 Me Gourlat-Rousseau pour procéder à l'instruction du dossier disciplinaire. Cette avocate a obtenu du président du conseil de discipline la prorogation du délai pour déposer son rapport d'un mois à compter du 25 juin 2011.
Le 20 juillet 2011, Me X...présentait une requête en récusation de Me Gourlat-Rousseau, visant l'article 6 & 1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'exigence du tribunal impartial, au motif qu'il ressortait d'un e-mail qu'un entretien avait eu lieu le 16 mai 2011 entre le rapporteur et Mme Z... , sans que cet entretien donne lieu à aucun avis préalable de l'avocat poursuivi et sans qu'un procès-verbal ne soit dressé.

Me Gourlat-Rousseau a établi son rapport d'enquête le 25 juillet 2011. Elle conclut qu'il semble résulter en toutes hypothèses de l'ensemble des faits que Me X...a manqué aux obligations de délicatesse, de dignité, de diligence et de probité édictées par les règles régissant la profession d'avocat :

en devenant l'avocat de M. Y...en violation des dispositions de l'article 15 du décret no 2005-790 du 12 juillet 2005 lequel interdit dans son alinéa 3 toute offre de service personnalisée à un client potentiel ;

en percevant la somme de 6 500 euros sur son compte professionnel en violation des dispositions de l'article L441-3 du code de commerce, le cas échéant, violation des dispositions concernant le maniement de fonds des clients, fonds qui ne peuvent en aucun cas transiter par le compte professionnel de l'avocat.

L'instance disciplinaire
Le 22 août 2011, le bâtonnier a dénoncé à Me X...l'acte de saisine du conseil de discipline en date du 3 janvier 2011, le rapport de l'instruction disciplinaire du 25 juillet 2011 et l'a cité à comparaître devant le conseil de discipline des barreaux de Fort-de-France et de Cayenne le vendredi 9 septembre 2011 pour y répondre des faits résultant de l'acte de saisine et de l'enquête du rapporteur, détaillés sur dix-sept pages, faits selon la citation dont il résulte que Me X...a manqué aux obligations de délicatesse, de dignité, de diligence et de probité et qui constituent des infractions aux obligations strictes pesant sur l'avocat telles que définies par la loi, le règlement intérieur du barreau de Fort-de-France et les usages de la profession.

A la demande des avocats assurant la défense de Me X..., le conseil de discipline a, le 9 septembre 2011, renvoyé l'examen de l'affaire au 18 novembre 2011.

Le 18 novembre 2011 Me X...a présenté une requête en récusation de Me Alexandrine, président du conseil de discipline, sur le fondement de l'article 6 & 1 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, au motif que lui-même était intervenu devant le tribunal correctionnel de Fort-de-France pour défendre une personne poursuivie pour vol d'un chèque au cabinet de Me Alexandrine.

Il déposait également le même jour des conclusions de...

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