Cour d'appel de Paris, du 31 octobre 2003

Date31 octobre 2003
CourtCourt of Appeal (Paris)
La CJCE a reconnu le principe d'égalité de traitement comme un principe général du droit communautaire, qui se décline dans un certain nombre de champs tels que la liberté de circulation des biens et personnes, le droit de la concurrence, la politique sociale etc. Le principe de l'égalité entre les sexes a été inscrit par le Traité d'Amsterdam (article 3OE2 TCE) comme un principe devant être pris en compte par les politiques de l'Union (clause transversale). I - GENERALITES 1.1. Définitions Il importe tout d'abord de définir un certain nombre de notions déterminantes pour le suivi de la jurisprudence : la notion de discrimination et ses déclinaisons :
discrimination directe, discrimination indirecte, et discrimination positive (que l'on peut relier à celle de discrimination à rebours). Discrimination : La discrimination constitue une violation du principe d'égalité de traitement, qui intervient lorsque deux catégories de personnes dont les situations juridiques et factuelles ne présentent pas de différence essentielle se voient appliquer un traitement différent ou lorsque des situations différentes sont traitées de manière identique (arrêt Apostolidis du 2 avril 1998, affaire T-86/97, pour une définition récente plus précise que dans certains arrêts antérieurs). Ce principe d'égalité de traitement est transposable dans différents domaines autres que le sexe. Discrimination directe : Il est fait référence au terme de discrimination directe lorsque la discrimination est directement fondée sur le sexe ; c'est la plus évidente. Il est expressément fait référence à un sexe pour lui appliquer un traitement différent de celui de l'autre sexe (exemple le plus marquant : l'interdiction du travail de nuit des femmes en France jusqu'à une date récente, alors que celui des hommes ne l'était pas). Discrimination indirecte : La directive 97/80 (article 2, OE2) a défini cette notion, en reprenant la jurisprudence de la CJCE en la matière : une discrimination
Arrêt Defrenne c/ Sabena du 8 avril 1976 (affaire 43/75) et du 15 juin 1978 (Affaire 149/77), posant l'applicabilité directe de l'article 119 (141 nouveau) du Traité de Rome, consacrant l'égalité comme un principe général du droit communautaire. À
Arrêt Jenkins du 31 mars 1981 (Affaire 96/80), donnant une définition de la discrimination indirecte et inversant la charge de la preuve, jurisprudence reprise et synthétisée dans l'arrêt Kowalska du 27 juin 1990 (Affaire C-33/89). À
Arrêt X... du 15 mai 1986 (Affaire 222/84) sur l'interprétation stricte qui doit être faite des dérogations prévues à l'article 2 de la directive 76/207 (cf infra pour une présentation de cette directive). À
Arrêt Stoeckel du 25 juillet 1991 (Affaire C-345/89) sur l'interdiction des discriminations directes, l'effet direct de l'article 5 de la directive 76/207. À
Arrêt Kalanke du 17 octobre 1995 (Affaire C-450/93) sur la condamnation des droits préférentiels automatiques (dans ce cas au bénéfice des femmes) en tant que ces discriminations positives dépassent le cadre autorisé par les dérogations (article 2 de la directive 76/207). À
Arrêt Marshall du 11 novembre 1997 (Affaire C-409/95) délimitant des cas de discriminations positives tolérées. À
Arrêt Y... du 11 janvier 2000 (Affaire C-285/98) sur la détermination des limites de la compétence des États membres lorsqu'ils veulent exclure certaines professions du champ d'application de la directive 76/207. À
Arrêt Z... du 30 avril 1998 (Affaire C-136/95) concernant les femmes enceintes et l'impossibilité de leur faire subir un préjudice professionnel duÀ
Arrêt Z... du 30 avril 1998 (Affaire C-136/95) concernant les cela impliquerait que l'application et la portée d'une règle aussi fondamentale du droit communautaire que celle de l'égalité entre hommes et femmes puissent varier, dans le temps et l'espace, selon l'état des finances publiques des États-membres .que celle de l'égalité entre hommes et femmes puissent varier, dans le temps et l'espace, selon l'état des finances publiques des États-membres . La Cour admet dans ses conclusions que cependant, une différence de traitement entre hommes et femmes peut-être justifiée, le cas échéant, par d'autres raisons que celles invoquées lors de l'adoption de la mesure qui a introduit cette différence de traitement . Cet arrêt récent permet de constater que la jurisprudence de la Cour ne semble pas s'infléchir sur la question des justifications acceptables apportées à une situation d'où est tirée une présomption de
discrimination indirecte, sur le point de l'invocation de raisons budgétaires, de limitation des dépenses publiques. La Cour a fermement insisté sur ce point dans son cet arrêt. Le fait qu'elle accepte que d'autres raisons que celles invoquées lors de l'adoption de la mesure mise en cause puissent être utilisées pour justifier une différence de traitement entre hommes et femmes apparaît comme une ouverture en contre-partie, certes réduite. A l'issue de l'étude de ces différents arrêts dans les domaines de la discrimination directe ou indirecte, on ne relève pas de véritables changements d'orientation de la jurisprudence de la CJCE, tout au plus des précisions. Les orientations antérieures restent confirmées, et si la Cour n'a pas toujours voulu reconnaître dans les affaires traitées qu'il y avait bien une discrimination indirecte, chacune de ces affaires a cependant servi, sur un point ou un autre, à au moins rappeller des grands principes de la Cour en matière de discrimination hommes-femmes et sur la manière de les appréhender. III - Les différences de traitement autorisées dans le cadre de

indirecte existe lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre affecte une proportion nettement plus élevée de personnes d'un sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit -approprié(e) et nécessaire et puisse être justifié(e) par des facteurs objectifs indépendants du sexe des intéressés . Discrimination positive : Ce type de discrimination avantage expressément un sexe. Elle est autorisée par l'article 2 alinéa 4 de la directive 76/207 mais doit viser à promouvoir l'égalité des chances entre hommes et femmes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes . (Notion introduite dans le Traité aujourd'hui à l'article 141 alinéa 4). On peut la notion de discrimination positive à celle de discrimination à rebours. Celle-ci se retrouve surtout dans la doctrine et encore assez peu souvent dans celle qui concerne l'égalité hommes-femmes. Elle correspond à la situation où les nationaux d'un État-membre se trouvent dans une situation moins favorable (du fait de la legislation de cet État) que les ressortissants d'un autre État-membre (du fait de l'application à leur égard de la législation communautaire). 1.2. Les articles de

référence du Traité Article 2 TCE La Communauté a pour mission, par l'établissement d'un marché commun, d'une Union économique et monétaire et par la mise en ouvre des politiques ou des actions communes visées aux articles 3 et 4, de promouvoir dans l'ensemble de la Communauté un développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques, un niveau d'emploi et de protection sociale élevé, l'égalité entre les hommes et les femmes, une croissance durable et non inflationniste, un haut degré de compétitivité et de convergence des performances économiques, un niveau élevé de protection et d'amélioration de la qualité de l'environnement, le relèvement du niveau et de la qualité de vie, la cohésion économique femmes enceintes et l'impossibilité de leur faire subir un préjudice professionnel du fait de leur état. À
Arrêt Grant du 17 février 1998 (C-249/96) sur la question de l'orientation sexuelle et la manière dont la Cour souhaite l'appréhender (son attitude est encore assez conservatrice). II - Les discriminations a priori interdites en droit communautaire 1.1.
L'interdiction de toute forme de discrimination directe. Selon
l'approche classique suivie par la Cour dans sa jurisprudence, une discrimination indirecte peut dans certains cas être justifiée, alors que la discrimination directe est, par principe, interdite. Aujourd'hui les cas de discrimination directe sont devenus rares, d'autant que le principe d'égalité est un principe de droit commun à tous les Etats membres. Mais certaines discriminations directes, dans la mesure où elles couvrent des domaines dans lesquels les compétences sont partagées ou exclusives pour l'État, sont acceptées (parce que faisant partie des exceptions prévues), comme dans le cas des forces armées (cf infra deuxième partie). Quatre arrêts couvrent la discrimination directe en France de 1989 à 2001 sur le travail de nuit des femmes. 1.1.1.
Arrêt Commission c/ France le 25 octobre 1988 (affaire C-312/86) (arrêt de manquement) La loi n°83-635 du 13 juillet 1983 (avec plusieurs années de retard sur le délai de transposition) a transposé la directive 76/207 du 9 février 1976, relative à la mise en ouvre du principe de l'égalité de traitement entre hommes et femmes pour l'accès à l'emploi, la formation et la promotion professionnelle et
les conditions de travail. La Commission a saisi la CJCE en décembre 1986 d'un recours en manquement, estimant que la transposition de la directive en droit français était imparfaite. La Commission contestait en particulier l'article 19 de la loi de transposition, qui permettait le maintien de dispositions favorables aux femmes certaines professions L'alinéa 2 de l'article 2 de la directive 76/207 du Conseil, du 9 février 1976 dispose que : la présente directive ne fait pas obstacle à la faculté qu'ont les États-membres d'exclure de son champ d'application les activités professionnelles et, le cas échéant, les formations y conduisant, pour lesquelles, en raison de leur nature ou des conditions de leur exercice, le sexe constitue une condition déterminante . Cette dérogation n'est pas définitive car elle est soumise à une...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT