Cour d'appel de Versailles, du 29 mars 2001, 1998-5727

Presiding Judge- Avocat général :
Docket Number1998-5727
Date29 mars 2001
CourtCourt of Appeal of Versailles (France)
FAITS ET PROCEDURE : La Société ASTA MEDICA est une société holding détenant des marques et des autorisations de mise sur le marché de médicaments, notamment une autorisation de mise sur le marché de " Bétadine ". La Société LABORATOIRE ASTA MEDICA est un laboratoire pharmaceutique ayant pour activité la fabrication et la vente de tous produits pharmaceutiques, en particulier la vente de spécialités pharmaceutiques remboursables. Les Sociétés ASTA MEDICA et LABORATOIRE ASTA MEDICA sont notamment spécialisées dans la fabrication et la vente de médicaments antiseptiques ; à ce titre, elles commercialisent depuis 1967 une gamme de produits antiseptiques sous l'appellation " Bétadine ", couramment utilisés en milieu hospitalier, et incluant les produits suivants : "Bétadine dermique 10 % ", caractérisée par son emballage de couleur jaune (" Bétadine jaune) ; " Bétadine scrub solution moussante ", caractérisée par son emballage de couleur rouge (" Bétadine " rouge). Pour sa part, suivant autorisation de mise sur le marché en date du 28 novembre 1994, la Société GIFRER BARBEZAT, venue aux droits de la Société LABORATOIRE PARIS CHEMICAL, a reçu agrément pour la commercialisation des spécialités pharmaceutiques suivantes : " Poliodine " (solution dermique) ; " Poliodine solution scrub " (solution moussante). La fabrication de ces produits est réalisée par la Société GIFRER BARBEZAT, et leur distribution par la Société LABORATOIRE AGUETTANT. Aux motifs que les signes distinctifs utilisés sur les bouteilles de " Poliodine " copiaient ceux des bouteilles de " Bétadine ", et qu'en outre les Sociétés GIFRER BARBEZAT et LABORATOIRE AGUETTANT avaient eu recours à des manouvres déloyales pour le lancement sur le marché de leurs produits, la Société LABORATOIRE ASTA MEDICA a, par lettre recommandée du 11 avril 1996, mis en demeure ces deux autres sociétés d'avoir à cesser immédiatement la commercialisation des bouteilles de " Poliodine " sous leur emballage actuel et à l'avenir, de reproduire

sur les bouteilles de " Poliodine " les signes distinctifs des bouteilles de " Bétadine ". Cette mise en demeure étant restée sans effet, les Sociétés ASTA MEDICA et LABORATOIRE ASTA MEDICA ont, par acte d'huissier en date du 06 septembre 1996, fait assigner devant le Tribunal de Commerce de VERSAILLES les Sociétés GIFRER BARBEZAT et LABORATOIRE AGUETTANT, pour voir condamner celles-ci à arrêter la fabrication, la commercialisation et la distribution des bouteilles de " Poliodine " sous leur emballage actuel, pour leur faire interdiction de reproduire et d'utiliser les signes distinctifs des bouteilles de " Bétadine ", et pour les voir condamner à indemniser leur entier préjudice. Par jugement en date du 20 mai 1998, relevant que les sociétés défenderesses ne s'étaient pas rendues coupables d'actes de concurrence déloyale ou d'actions parasitaires, le Tribunal a : Î débouté les Sociétés ASTA MEDICA et LABORATOIRE ASTA MEDICA de leur action en concurrence déloyale et en dommages-intérêts ; Î reçu les Sociétés GIFRER BARBEZAT et LABORATOIRE AGUETTANT en leur demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour dénigrement, et débouté celles-ci de leur prétention ; Î condamné solidairement les Sociétés ASTA MEDICA et LABORATOIRE ASTA MEDICA à payer à chacune des Sociétés GIFRER BARBEZAT et LABORATOIRE AGUETTANT la somme de 30.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Î condamné solidairement les Sociétés GIFRER BARBEZAT et LABORATOIRE AGUETTANT aux dépens. Les Sociétés ASTA MEDICA SA et LABORATOIRE ASTA MEDICA SA ont interjeté appel de ce jugement. Elles font valoir qu'est constitutive d'un acte de concurrence déloyale l'imitation par un concurrent des signes distinctifs arbitraires d'un produit, dès lors que cette imitation crée ou risque de créer une confusion dans l'esprit de la clientèle. Elles exposent que, sous prétexte qu'il s'agit de produits aux compositions identiques, la mise sur le marché de produits génériques n'autorise pas pour autant

leurs fabricants à se livrer à des actes de concurrence déloyale, notamment en copiant les signes distinctifs (emballages et autres) des produits princeps. Elles indiquent que l'attitude des sociétés intimées caractérise leur volonté d'imitation des produits " Bétadine ", imitation destinée à créer une confusion d'autant plus facile que les produits " Poliodine " étaient présentés comme produits génériques des produits " Bétadine ". D'abord, les sociétés appelantes font grief aux Sociétés GIFRER BARBEZAT et LABORATOIRE AGUETTANT d'avoir copié les signes distinctifs des bouteilles de " Bétadine ", ce au moyen des procédés suivants : Î reprise des couleurs jaune et rouge pour distinguer la solution " dermique " de la solution " scrub " ; Î choix d'un nom similaire pour désigner les produits, avec la reprise du suffixe " Dine " ; Î identité du pas de vis des flacons de " Poliodine " avec celui des flacons de " Bétadine " ; Î identité du réducteur de goulot de flacon. Elles considèrent qu'aucun des signes distinctifs des bouteilles de " Bétadine " ne résulte d'un impératif technique, d'une recommandation ou d'un usage particulier, que la clientèle assimilait les produits " Bétadine " à leur présentation et à leurs caractéristiques qui en constituaient les signes distinctifs, et que ces signes représentent donc pour les appelantes une valeur économique, résultat d'un investissement considérable en recherche et en argent. Elles font observer qu'il n'est pas justifié d'une quelconque prescription ou recommandation pour une uniformisation des couleurs des produits en cause en fonction de leurs caractéristiques, et elles relèvent que, d'ailleurs, par mesure de précaution, les sociétés intimées ont commencé à adopter la couleur verte pour la présentation de leur produit " Poliodine " dermique en petit conditionnement. Elles expliquent que, dans le milieu médical, le suffixe " DINE " demeure original pour les produits concernés, c'est-à-dire pour les produits

antiseptiques pour l'homme, et qu'une confusion pouvait d'être d'autant plus aisément entretenue que les sociétés intimées présentaient leur produit comme un produit générique du produit " Bétadine ". Elles précisent que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que : " la présence d'un pas de vis est nécessaire pour adapter les flacons sur un distributeur ou une pompe, permettant l'utilisation du produit sans manipulation de celui-ci, c'est-à-dire en main libre ", dès lors que, si un pas de vis est nécessaire pour adapter un flacon sur une pompe ou sur un distributeur, cet accessoire ne revêt d'utilité que pour les solutions permettant le lavage des mains du personnel soignant, et que tel n'est pas le cas du produit " Poliodine solution scrub ", lequel ne bénéficie pas d'indications thérapeutiques autorisant le lavage des mains, de telle sorte que l'utilisation d'une pompe ou d'un distributeur pour ce produit n'est absolument pas justifié. Elles ajoutent que, si le réducteur de goulot présente un intérêt sur le plan fonctionnel, il n'en demeure pas moins que différents types de goulots de flacon sont utilisés sur le marché, et que, curieusement là encore, celui adopté pour " Poliodine " est identique à celui de " Bétadine ", et elles soulignent que c'est également à tort que les premiers juges ont tenu compte de la présence d'une bague blanche à la base des goulots des flacons " Bétadine ", alors que cette bague blanche constitue un élément insignifiant en ce qu'il est dénué de tout intérêt pour la fonctionnalité du réducteur de goulot. Ensuite, les Sociétés ASTA MEDICA et LABORATOIRES ASTA MEDICA reprochent aux Sociétés GIFRER BARBEZAT et LABORATOIRE AGUETTANT d'avoir volontairement entretenu une confusion sur les qualités de " Poliodine ". A cet égard, elles exposent que, si la composition d'un produit générique est identique au produit de base, cette identité se limite aux propriétés du produit, mais ne permet en aucun cas d'imiter les messages

commerciaux, dénominations du produit, couleurs, caractéristiques d'un emballage, sauf à éliminer définitivement la commercialisation d'un produit de base, et, par voie de conséquence, l'entreprise qui le fabrique. Elles relèvent que les agissements de concurrence déloyale se trouvent en l'occurrence aggravés par le fait qu'au-delà des divers éléments de similitudes ci-dessus rappelés, le produit " Poliodine solution scrub ", bien que qualifié de produit générique, revendiquait des indications thérapeutiques dont il ne bénéficiait pas, à savoir le " lavage chirurgical des mains ". De plus, les sociétés appelantes font grief à la décision entreprise d'avoir méconnu la spécificité du parasitisme, lequel, s'il constitue le prolongement de l'action en concurrence déloyale, ne suppose nullement que la preuve soit rapportée d'une confusion ou d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle. Elles constatent en l'occurrence que la copie des signes distinctifs des produits " Bétadine " démontre bien la volonté affichée par les sociétés intimées de se placer dans le sillage des sociétés appelantes, et elles réfutent l'allégation adverse d'une absence de savoir-faire particulier, d'efforts continus, ou encore d'investissements notables susceptibles de mériter protection, alors que le produit " Bétadine " n'est pas arrivé le premier sur le marché, mais qu'il a conquis sa place sur ce marché par sa qualité, ses investissements promotionnels effectués pour sa reconnaissance, et les efforts de formation médicale réalisés auprès des milieux concernés à l'aide d'une...

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