Décision 2019-1-9 RIP - Observations du Conseil constitutionnel sur les opérations de recueil des soutiens à la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris, 18-06-2020

ECLIECLI:FR:CC:2020:2019.1.9.RIP
Date18 juin 2020
Docket NumberCSCX2015936S
Appeal Number09 janvier 2019
Record NumberCONSTEXT000042053929
Procedure TypeRIP
CourtConstitutional Council (France)
Publication au Gazette officielJORF n°0156 du 25 juin 2020, texte n° 98




La proposition de loi, présentée en application de l'article 11 de la Constitution, visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris a été la première à faire l'objet de la procédure dite du référendum d'initiative partagée (RIP).

Instituée par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, cette procédure est régie par les troisième à sixième alinéas de l'article 11 de la Constitution et précisée par la loi organique n° 2013-1114 du 6 décembre 2013 portant application de l'article 11 de la Constitution, qui a modifié l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel.

Dans sa décision n° 2019-1 RIP du 9 mai 2019[1], le Conseil constitutionnel a jugé que cette proposition de loi était conforme aux conditions fixées par l'article 11 de la Constitution et par l'article 45-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958.

En application de l'article 3 de la loi organique du 6 décembre 2013, le ministre de l'intérieur a ensuite mis en œuvre, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, le recueil des soutiens apportés par les électeurs à la proposition de loi. Cette période de recueil des soutiens a été ouverte pour neuf mois, à compter du 13 juin 2019 à zéro heure, et a pris fin le 12 mars 2020 à minuit [2].

Dans sa décision n° 2019-1-8 RIP du 26 mars 2020[3], le Conseil constitutionnel a constaté que la proposition de loi n'avait pas obtenu le soutien d'au moins un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, ainsi que le requiert l'article 11 de la Constitution pour permettre la poursuite de la procédure devant le Parlement et, le cas échéant, conduire à l'organisation d'un référendum.

Le 26 mai 2020, le Gouvernement a détruit les données collectées dans le cadre des opérations de recueil des soutiens, conformément à l'article 7 de la loi organique du 6 décembre 2013 (qui fixe un délai de deux mois pour cette destruction à compter de la publication au Journal officiel de la déclaration par le Conseil constitutionnel du nombre de soutiens obtenus, soit en l'espèce au plus tard le 27 mai 2020).

À l'issue de cette première mise en œuvre, partielle, de la procédure de référendum d'initiative partagée, le Conseil constitutionnel a estimé nécessaire, à l'instar de la pratique suivie en matière électorale et référendaire, de formuler des observations.

1. - Les résultats des opérations de recueil des soutiens
Comme l'indique la décision n° 2019-1-8 RIP précitée, la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris a recueilli 1 093 030 soutiens d'électeurs inscrits sur les listes électorales.

Au total, 1 148 337 soutiens avaient été enregistrés, qu'il s'agisse des soutiens directement apportés par les électeurs sur le site internet du ministère de l'intérieur consacré à cette procédure, de ceux déposés auprès d'une mairie ou d'un consulat ou encore de ceux ajoutés à la suite d'une décision de la formation d'examen des réclamations (voir le point 4.b. ci-dessous).

Parmi ces soutiens, 55 307 ont été invalidés par le ministère de l'intérieur dans le cadre de ses opérations de contrôle prévues à l'article 4 du décret du 11 décembre 2014[4] . Ces contrôles visent à s'assurer de la validité du numéro de carte nationale d'identité ou de passeport renseigné lors du dépôt du soutien, de l'absence de double soutien et, le cas échéant, de la qualité d'électeur de la personne (par interrogation du répertoire électoral unique ou du fichier général des électeurs de Nouvelle-Calédonie). Ils doivent être effectués dans un délai de cinq jours, délai au terme duquel le soutien est soit rejeté, soit réputé valide et alors publié.

La plupart des invalidations ont résulté du fait que la personne avait déjà apporté son soutien (36 442 cas) ou qu'elle avait commis une erreur dans la saisie du numéro de sa pièce d'identité (18 019 cas).

2. - Le recueil des soutiens par voie électronique

Le législateur organique de 2013 a fait le choix d'une procédure de recueil des soutiens presque totalement électronique. Dès 2014, le ministère de l'intérieur, en lien avec le Conseil constitutionnel, a conçu un site internet afin de mettre en œuvre cette procédure. C'est ce site qui a été utilisé pour recueillir les soutiens à la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de l'exploitation des aérodromes de Paris.

a. - Pour sa première application, cette procédure électronique s'est révélée suffisamment efficace pour garantir la fiabilité des résultats constatés à l'issue de la période de recueil des soutiens.

En particulier, la vérification préalable de l'inscription de l'internaute dans le répertoire électoral unique (REU), par un premier formulaire informatique dédié[5], a permis de s'assurer de la qualité d'électeur de l'auteur du soutien (ce qui a néanmoins occasionné plusieurs difficultés, évoquées plus bas).

En outre, si pendant les neuf mois de recueil, le site internet a connu quelques indisponibilités du fait de problèmes techniques ou de mises à jour, elles ont été finalement peu nombreuses. Certaines d'entre elles ont résulté de perturbations affectant l'application, gérée par l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), permettant de consulter le REU. D'autres moments d'indisponibilité, à chaque fois d'une durée brève, ont été la conséquence de mises à jour du site visant à corriger certains de ses dysfonctionnements ou à actualiser le référentiel des communes répertoriées par l'Insee. Les citoyens en ont, autant que possible, été informés par un message figurant sur le site, qui les invitait à réitérer leur démarche plus tard. De même, le site a fait l'objet de peu d'attaques informatiques, que les dispositifs de sécurité ont permis de parer.

Enfin, les opérations de contrôle ont conduit à ne recenser que très peu de tentatives d'usurpation d'identité. Si quelques rares réclamations formées devant le Conseil constitutionnel ont porté sur ce point, celles-ci étaient insuffisamment étayées (voir le point 4.b. ci-dessous). Quelques tentatives d'utilisation frauduleuse du nom d'une tierce personne ont été décelées avant même que le soutien soit rendu public. Elles ont été signalées par le secrétaire général du Conseil constitutionnel au procureur de la République, sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale.

b. - Toutefois, cette procédure électronique de recueil des soutiens a également présenté certaines insuffisances et plusieurs défauts. Si ceux-ci n'ont pas eu de conséquences déterminantes sur l'issue des opérations, elles ont pu contribuer à altérer la confiance des citoyens dans cette procédure.

Les points suivants, d'inégale importance, méritent ainsi d'être signalés :

- le manque d'ergonomie générale du site internet, souvent perçu comme étant d'un usage complexe, peu intuitif et insuffisamment adapté à une consultation destinée à un large public ;

- les problèmes techniques de compatibilité du site avec certains navigateurs internet ;

- la difficulté pour les citoyens, en particulier dans les premiers mois, à pouvoir renseigner sur le site leur commune d'inscription sur les listes électorales (ce qui a suscité de nombreuses réclamations auprès du Conseil constitutionnel) ;

- la difficulté, plus généralement, à être reconnu comme électeur inscrit au REU, en raison notamment des nombreuses discordances entre les éléments d'état civil du citoyen et les données figurant dans le REU (date de naissance, orthographe de son nom, masculinisation ou féminisation de son prénom, ordre de ses prénoms, etc.). À supposer qu'il ait compris qu'une telle discordance était à l'origine de l'impossibilité d'être reconnu comme électeur et donc d'apporter son soutien, le citoyen devait alors choisir entre renseigner un état civil erroné mais conforme au REU ou bien demander à l'Insee, au préalable, de corriger son état civil tel qu'il figure au REU[6] ;

- l'absence de confirmation du dépôt du soutien à l'issue de la procédure de saisie, alors pourtant qu'une adresse électronique était demandée au citoyen (laquelle n'avait vocation à servir qu'en cas de réclamation). Cela a conduit de nombreux électeurs à douter de la réussite de l'enregistrement de leur soutien, cette incertitude n'étant levée que lorsque celui-ci apparaissait publiquement, ce qui pouvait prendre jusqu'à cinq jours compte tenu du délai réglementaire déjà mentionné. Dans le doute, certains citoyens ont réitéré leur soutien, créant ainsi des doublons auxquels les autorités de contrôle ont dû ensuite remédier ;

- la difficulté pour l'électeur de vérifier que son soutien a bien été validé au bout de cinq jours, soit en consultant la liste publique classée par ordre alphabétique, opération rendue fastidieuse par les nombreux tests de reconnaissance humaine[7], soit en essayant de s'identifier grâce à son numéro de récépissé de dépôt, s'il l'avait conservé ;

- le refus de l'application informatique de considérer comme valides certaines pièces d'identité en raison par exemple de leur ancienneté ou de leur délivrance outre-mer ou à l'étranger ;

- l'impossibilité de contrôler, avant le dépôt du soutien, la qualité d'électeur des personnes se présentant comme inscrites sur les listes électorales en Nouvelle-Calédonie, ces listes n'étant pas intégrées au REU.

La plupart de ces difficultés n'ont cependant pas eu de conséquences déterminantes sur l'issue des opérations.

En premier lieu, les électeurs qui s'y sont heurtés ont parfois renouvelé, cette fois avec succès, la procédure d'enregistrement de leur soutien.

En deuxième lieu, il a été remédié à certaines de ces difficultés au cours de la période de recueil. D'une part, des correctifs informatiques ont permis des améliorations : mises à jour de la liste des communes ; réparation...

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