Décision judiciaire de Conseil Constitutionnel, 6 décembre 2013 (cas Loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière)

Date de Résolution 6 décembre 2013
Estado de la SentenciaJORF du 7 décembre 2013 page 19958
Numéro de DécisionCSCL1329786S
JuridictionConstitutional Council (France)
Nature Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, le 6 novembre 2013, par MM. Jean-Claude GAUDIN, Pierre ANDRÉ, Gérard BAILLY, Philippe BAS, René BEAUMONT, Christophe BÉCHU, Michel BÉCOT, Mme Françoise BOOG, MM. Pierre BORDIER, Joël BOURDIN, Mme Marie-Thérèse BRUGUIÈRE, MM. François-Noël BUFFET, François CALVET, Christian CAMBON, Jean-Pierre CANTEGRIT, Jean-Noël CARDOUX, Jean-Claude CARLE, Gérard CÉSAR, Pierre CHARON, Alain CHATILLON, Jean-Pierre CHAUVEAU, Marcel-Pierre CLÉACH, Gérard CORNU, Jean-Patrick COURTOIS, Philippe DALLIER, Serge DASSAULT, Mme Isabelle DEBRÉ, MM. Francis DELATTRE, Gérard DÉRIOT, Mme Catherine DEROCHE, MM. Éric DOLIGÉ, Philippe DOMINATI, Michel DOUBLET, Alain DUFAUT, André DULAIT, Louis DUVERNOIS, Jean-Paul ÉMORINE, Louis-Constant FLEMING, Jean-Paul FOURNIER, Yann GAILLARD, René GARREC, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Jacques GAUTIER, Patrice GÉLARD, Bruno GILLES, Mme Colette GIUDICELLI, MM. Alain GOURNAC, Francis GRIGNON, François GROSDIDIER, Charles GUENÉ, Pierre HÉRISSON, Michel HOUEL, Jean-François HUSSON, Jean-Jacques HYEST, Mmes Sophie JOISSAINS, Christiane KAMMERMANN, M. Roger KAROUTCHI, Mme Elisabeth LAMURE, MM. Gérard LARCHER, Daniel LAURENT, Jean-René LECERF, Antoine LEFÈVRE, Dominique de LEGGE, Jean-Pierre LELEUX, Jean-Claude LENOIR, Philippe LEROY, Gérard LONGUET, Roland du LUART, Michel MAGRAS, Philippe MARINI, Pierre MARTIN, Mme Hélène MASSON-MARET, MM. Jean-François MAYET, Mme Colette MÉLOT, MM. Alain MILON, Philippe NACHBAR, Louis NÈGRE, Philippe PAUL, Jackie PIERRE, Rémy POINTEREAU, Christian PONCELET, Ladislas PONIATOWSKI, Mmes Sophie PRIMAS, Catherine PROCACCIA, MM. Jean-Pierre RAFFARIN, Henri de RAINCOURT, André REICHARDT, Bruno RETAILLEAU, Charles REVET, René-Paul SAVARY, Michel SAVIN, Bruno SIDO, Mme Esther SITTLER, M. André TRILLARD, Mme Catherine TROENDLE, MM. François TRUCY, Hilarion VENDEGOU, Jean-Pierre VIAL, Jean-Paul AMOUDRY, Jean ARTHUIS, Jean-Marie BOCKEL, Jean BOYER, Vincent CAPO-CANELLAS, Vincent DELAHAYE, Yves DÉTRAIGNE, Mme Muguette DINI, MM. Daniel DUBOIS, Jean-Léonce DUPONT, Mmes Françoise FÉRAT, Jacqueline GOURAULT, Sylvie GOY-CHAVENT, Chantal JOUANNO, M. Jean-Jacques LASSERRE, Mme Valérie LÉTARD, MM. Hervé MARSEILLE, Hervé MAUREY, Jean-Claude MERCERON, Michel MERCIER, Aymeri de MONTESQUIOU, Mme Catherine MORIN-DESAILLY, MM. Yves POZZO DI BORGO, Gérard ROCHE, Henri TANDONNET, Jean-Marie VANLERENBERGHE et François ZOCCHETTO, sénateurs.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code des douanes ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 ;

Vu la loi organique relative au procureur de la République financier, adoptée définitivement par le Parlement le 5 novembre 2013, ensemble la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-680 DC du 4 décembre 2013 ;

Vu l'arrêté du 12 février 2010 modifié pris en application du deuxième alinéa du 1 de l'article 238-0 A du code général des impôts ;

Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 19 novembre 2013 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

  1. Considérant que les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière ; qu'ils contestent la conformité à la Constitution de dispositions de ses articles 1er, 3, 5, 9, 15, 37, 38, 44, 57, 61 et 65 ;

    - SUR LE PARAGRAPHE I DE L'ARTICLE 1er :

  2. Considérant que le paragraphe I de l'article 1er insère dans le code de procédure pénale un article 2-23 qui reconnaît à toute association agréée déclarée depuis au moins cinq ans, se proposant par ses statuts de lutter contre la corruption, la possibilité d'exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne certaines infractions en lien avec cet objet ; que cet article énumère ces infractions et renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les conditions dans lesquelles ces associations peuvent être agréées ;

  3. Considérant que, selon les requérants, l'insuffisance des garanties entourant le droit reconnu à des associations de mettre en oeuvre l'action publique porte atteinte au droit au respect de la vie privée et à la présomption d'innocence ; qu'il en résulterait également une « privatisation de l'action publique » contraire à la Constitution ;

  4. Considérant, en premier lieu, que l'exercice, par une association, des droits reconnus à la partie civile ne met pas en cause la présomption d'innocence ; que, pour les infractions énumérées à l'article 1er, il ne met pas en cause le droit au respect de la vie privée ; que les griefs tirés de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles sont inopérants ;

  5. Considérant, en second lieu, que, d'une part, seules pourront exercer les droits reconnus à la partie civile les associations déclarées depuis au moins cinq ans et qui auront reçu, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État, un agrément de l'autorité administrative ; que cet agrément ne pourra être délivré qu'après vérification du respect, par ces associations, des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables ; que, d'autre part, il ressort des articles 88 et 392-1 du code de procédure pénale que la recevabilité de la plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction et l'action de la partie civile devant le tribunal correctionnel qui n'est pas jointe à celle du ministère public sont subordonnées au dépôt, par la partie civile, d'une consignation dont le montant est fixé par le juge ou le tribunal à moins qu'il n'en prononce la dispense ; qu'il ressort des articles 91, 472 et 516 du même code que lorsque, après mise en mouvement de l'action publique par la partie civile, une décision de non-lieu ou de relaxe est rendue, les personnes visées dans la plainte peuvent, sans préjudice d'une poursuite pour dénonciation calomnieuse, obtenir des dommages-intérêts soit devant la juridiction civile soit dans les formes prévues par ces articles ; que l'article 800-2 du même code prévoit également que la juridiction peut, à la demande de l'intéressé, accorder à la personne poursuivie une indemnité qu'elle détermine au titre des frais irrépétibles et mettre cette indemnité à la charge de la partie civile qui a mis en mouvement l'action publique ; que les articles 177-2 et 212-2 du même code permettent la condamnation à une amende civile de l'auteur d'une plainte avec constitution de partie civile jugée abusive ; que, dans ce cas, le deuxième alinéa de l'article 800-1 prévoit que les frais de justice correspondant aux expertises ordonnées à la demande de l'auteur de la constitution de partie civile peuvent être mis à sa charge ; qu'il résulte de ce qui précède que manque en fait le grief tiré de ce que la faculté pour une association de mettre en mouvement l'action publique au titre des droits reconnus à la partie civile ne serait pas entourée de garanties appropriées de nature à assurer le respect des exigences qui résultent de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

  6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 1er doit être déclaré conforme à la Constitution ;

    - SUR L'ARTICLE 3 :

  7. Considérant que l'article 3 modifie l'article 131-38 du code pénal, pour instaurer, dans certains cas, un nouveau critère alternatif de détermination de la peine criminelle ou correctionnelle encourue par les personnes morales ; qu'il prévoit que, pour un crime ou un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect, le maximum de la peine est soit le quintuple du taux maximum de l'amende prévu pour les personnes physiques soit le dixième du chiffre d'affaires moyen annuel de la personne morale, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits ; qu'il prévoit que, pour un crime pour lequel aucune peine d'amende n'est prévue à l'encontre des personnes physiques et lorsque le crime a procuré un profit direct ou indirect, le maximum de la peine est soit un million d'euros soit le cinquième du chiffre d'affaires moyen annuel de la personne morale, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits ;

  8. Considérant que, selon les requérants, le nouveau mode de calcul du quantum des peines délictuelles et criminelles encourues par les personnes morales, fondé uniquement sur leurs capacités financières, est contraire à la fois au principe de proportionnalité des peines et au principe d'individualisation des peines, qui découlent tous deux de l'article 8 de la Déclaration de 1789 ; que les dispositions de l'article 3, en retenant le chiffre d'affaires comme critère de calcul du quantum de la peine, institueraient une différence de traitement entre les personnes morales contraire au principe d'égalité devant la loi ; qu'en ne déterminant pas avec suffisamment de précision les cas dans lesquels le critère alternatif de calcul du quantum de la peine est applicable, ces dispositions ne respecteraient pas l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ; que le législateur aurait également ainsi méconnu l'étendue de sa compétence ;

  9. Considérant que l'article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires. . .» ; qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant. . . la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables » ; que l'article 61 de la Constitution ne confère pas au...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT