Décision judiciaire de Conseil Constitutionnel, 1 août 2001 (cas Loi organique relative aux lois de finances)

Date de Résolution 1 août 2001
Estado de la SentenciaJournal officiel du 2 août 2001, p. 12490
Numéro de DécisionCSCL0105031S
JuridictionConstitutional Council (France)
Nature Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 29 juin 2001, par le Premier ministre, conformément aux dispositions des articles 46 et 61, alinéa 1er, de la Constitution, de la loi organique relative aux lois de finances ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution, notamment ses articles 34 et 47 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment le chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 modifiée portant loi organique relative aux lois de finances ;

Vu le code des juridictions financières ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

  1. Considérant que le texte de la loi organique soumise à l'examen du Conseil constitutionnel comporte soixante-huit articles répartis sous six titres distincts ;

    - SUR LA PROCÉDURE D'ADOPTION DE LA LOI :

  2. Considérant que la loi organique a été adoptée dans le respect des règles de procédure fixées par l'article 46 de la Constitution ;

    - SUR LA PORTÉE DE L'HABILITATION CONSTITUTIONNELLE ET LES NORMES DE RÉFÉRENCE APPLICABLES :

  3. Considérant que l'article 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 proclame que "tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée" ; que l'examen des lois de finances constitue un cadre privilégié pour la mise en oeuvre du droit garanti par cet article de la Déclaration ;

  4. Considérant qu'en vertu du dix-huitième alinéa de l'article 34 de la Constitution, "les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique" ; que le constituant a ainsi habilité la loi organique à prévoir, d'une part, les modalités selon lesquelles les recettes et les charges budgétaires ainsi que les autres ressources et charges de l'Etat sont évaluées et autorisées par les lois de finances, et d'autre part, les dispositions inséparables de ladite autorisation ; qu'en outre, l'emploi par le constituant du terme de "réserves" implique qu'il a donné compétence à la loi organique pour prévoir des dérogations au principe de détermination des ressources et des charges de l'Etat par les lois de finances ;

  5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 47 de la Constitution : "Le Parlement vote les projets de loi de finances dans les conditions prévues par une loi organique" ; que les autres alinéas du même article déterminent les délais d'examen des projets de loi de finances dans le but de permettre qu'interviennent en temps utile, et plus spécialement avant le début d'un exercice, les mesures d'ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale ; qu'eu égard à la finalité ainsi poursuivie, le constituant a habilité la loi organique à fixer des modalités d'examen et de vote des lois de finances qui peuvent, le cas échéant, apporter des tempéraments aux règles de droit commun de la procédure législative ; que la loi organique a également reçu habilitation pour organiser les procédures d'information et de contrôle sur la gestion des finances publiques nécessaires à un vote éclairé du Parlement sur les projets de lois de finances, et notamment sur les projets de lois de règlement destinés à suivre l'emploi des contributions publiques ;

  6. Considérant que, dans l'exercice de la compétence qui lui est ainsi dévolue tant par le dix-huitième alinéa de l'article 34 que par le premier alinéa de l'article 47 de la Constitution, le législateur organique doit respecter les principes et les règles de valeur constitutionnelle ;

    - SUR LE TITRE 1ER :

  7. Considérant que le titre premier, intitulé : "Des lois de finances", comporte un article unique ; que celui-ci énonce d'abord l'objet des lois de finances conformément au dix-huitième alinéa de l'article 34 de la Constitution ; qu'il prévoit ensuite que le principe de l'annualité de la loi de finances, qui découle de l'article 47 de la Constitution, s'applique dans le cadre de l'année civile ; qu'il reconnaît enfin le caractère de loi de finances à la loi de finances de l'année et aux lois de finances rectificatives, à la loi de règlement, ainsi qu'aux lois prévues par l'article 45 de la présente loi organique ; que ce dernier article organise des procédures d'urgence destinées, conformément au quatrième alinéa de l'article 47 de la Constitution, à l'adoption de mesures d'ordre financier nécessaires pour assurer la continuité de la vie nationale, lorsque la loi de finances de l'année ne peut être adoptée en temps utile pour être promulguée avant le début de l'année ; que ni les dispositions de l'article premier, ni celles de l'article 45 ne contreviennent à aucun principe ni à aucune règle de valeur constitutionnelle ;

    - SUR LE TITRE II :

  8. Considérant que le titre II, intitulé "Des ressources et des charges de l'Etat", se compose des articles 2 à 31 ; que les articles 3 à 31 sont regroupés en cinq chapitres ;

    - Quant à l'article 2 :

  9. Considérant qu'en application du dix-huitième alinéa de l'article 34 de la Constitution, le premier alinéa de l'article 2 dispose : "Les ressources et les charges de l'Etat comprennent les ressources et les charges budgétaires ainsi que les ressources et les charges de trésorerie" ;

  10. Considérant qu'il ressort du second alinéa de l'article 2, combiné avec les dispositions des articles 34, 36 et 51, que la loi ne peut affecter directement à un tiers des impositions de toutes natures "qu'à raison des missions de service public confiées à lui", sous la triple condition que la perception de ces impositions soit autorisée par la loi de finances de l'année, que, lorsque l'imposition concernée a été établie au profit de l'Etat, ce soit une loi de finances qui procède à cette affectation et qu'enfin le projet de loi de finances de l'année soit accompagné d'une annexe explicative concernant la liste et l'évaluation de ces impositions ; que ces dispositions respectent à la fois les articles 13 et 14 de la Déclaration de 1789 et le premier alinéa de l'article 47 de la Constitution, lequel habilite la loi organique à prévoir de telles conditions ;

  11. Considérant qu'il s'ensuit que l'article 2, le 1° du I de l'article 34, l'article 36 et le 1° de l'article 51 ne méconnaissent aucune règle de valeur constitutionnelle ;

    . En ce qui concerne le chapitre Ier du titre II :

  12. Considérant que le chapitre premier regroupe quatre articles sous l'intitulé "Des ressources et des charges budgétaires" ;

    - Quant aux articles 3 et 5 :

  13. Considérant que l'article 3, qui énumère sept catégories de ressources budgétaires de l'Etat, et l'article 5, qui détermine les titres sous lesquels sont regroupées les charges budgétaires de l'Etat ainsi que les dépenses qui y figurent, n'appellent aucune remarque quant à leur conformité à la Constitution ;

    - Quant à l'article 4 :

  14. Considérant que l'article 4 de la loi organique dispose : "La rémunération des services rendus par l'Etat peut être établie et perçue sur la base de décrets en Conseil d'Etat pris sur le rapport du ministre chargé des finances et du ministre intéressé. Ces décrets deviennent caducs en l'absence d'une ratification dans la plus prochaine loi de finances afférente à l'année concernée" ;

  15. Considérant que la procédure de ratification résultant de ces dispositions ne vise que les décrets en Conseil d'Etat instituant la rémunération d'un service rendu par l'Etat, à l'exclusion des actes pris sur la base de ces décrets ; qu'elle n'a pour objet que d'autoriser, au-delà de la date d'entrée en vigueur de la prochaine loi de finances, la perception de ces rémunérations, lesquelles sont, en vertu du 2° de l'article 3, des ressources budgétaires de l'Etat distinctes des revenus courants de ses activités industrielles et commerciales ainsi que de ceux de son domaine ; que l'article 4 n'est pas contraire à la Constitution ;

    - Quant à l'article 6 :

  16. Considérant que les principes de l'annualité, de l'universalité et de l'unité du budget répondent au double impératif d'assurer la clarté des comptes de l'Etat et de permettre un contrôle efficace par le Parlement ; que leur rappel par les trois premiers alinéas de l'article 6 est conforme à la Constitution ;

  17. Considérant que le quatrième alinéa de l'article 6 est ainsi rédigé : "Un montant déterminé de recettes de l'Etat peut être rétrocédé directement au profit des collectivités territoriales ou des Communautés européennes en vue de couvrir des charges incombant à ces bénéficiaires ou de compenser des exonérations, des réductions ou des plafonnements d'impôts établis au profit des collectivités territoriales. Ces prélèvements sur les recettes de l'Etat sont, dans leur destination et leur montant, définis et évalués de façon précise et distincte" ;

  18. Considérant que ces dispositions dérogent à la règle générale rappelée par le premier alinéa de l'article 6, selon lequel : "Les ressources de l'Etat sont retracées dans le budget sous forme de recettes..." ; que, dans l'exercice des compétences qu'il tient de l'article 34 de la Constitution, le législateur organique a pu prévoir une telle dérogation, dès lors que sont précisément et limitativement définis les bénéficiaires et l'objet des prélèvements sur les recettes de l'Etat, et que sont satisfaits les objectifs de clarté des comptes et d'efficacité du contrôle parlementaire ; qu'à cet effet, le 4° du I de l'article 34 prévoit que chacun de ces prélèvements est évalué dans la première partie de la loi de finances ;

  19. Considérant, toutefois, qu'aux mêmes fins, les documents joints au projet de loi de finances de l'année en application de l'article 51 devront comporter des justifications aussi précises qu'en matière de recettes et de dépenses ; qu'en outre, l'analyse des prévisions de chaque prélèvement sur les recettes de l'Etat devra figurer dans une...

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