Décision 2018-761 DC - Loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, 21-03-2018

ECLIECLI:FR:CC:2018:2018.761.DC
Case OutcomeNon conformité partielle - réserve
Record NumberCONSTEXT000036858860
Date21 mars 2018
Appeal Number2018-761
CourtConstitutional Council (France)
Docket NumberCSCL1808048S
Publication au Gazette officielJORF n°0076 du 31 mars 2018 texte n°2
Procedure TypeDC04
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL A ÉTÉ SAISI, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, de la loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social, sous le n° 2018-761 DC, le 21 février 2018, par MM. Olivier FAURE, Mmes Éricka BAREIGTS, Delphine BATHO, Marie-Noëlle BATTISTEL, Gisèle BIÉMOURET, MM. Christophe BOUILLON, Jean-Louis BRICOUT, Luc CARVOUNAS, Alain DAVID, Mme Laurence DUMONT, MM. Guillaume GAROT, David HABIB, Christian HUTIN, Régis JUANICO, Mme Marietta KARAMANLI, MM. Jérôme LAMBERT, Stéphane LE FOLL, Serge LETCHIMY, Mmes Josette MANIN, George PAU-LANGEVIN, Christine PIRES BEAUNE, MM. Dominique POTIER, Joaquim PUEYO, François PUPPONI, Mme Valérie RABAULT, M. Hervé SAULIGNAC, Mmes Cécile UNTERMAIER, Hélène VAINQUEUR-CHRISTOPHE, M. Boris VALLAUD, Mme Michèle VICTORY, M. Bruno-Nestor AZEROT, Mme Huguette BELLO, MM. Moetai BROTHERSON, Jean-Philippe NILOR, Gabriel SERVILLE, Alain BRUNEEL, Mme Marie-George BUFFET, MM. André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, Jean-Paul DUFRÈGNE, Mme Elsa FAUCILLON, MM. Sébastien JUMEL, Jean-Paul LECOQ, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Hubert WULFRANC, Mme Clémentine AUTAIN, MM. Ugo BERNALICIS, Éric COQUEREL, Alexis CORBIÈRE, Mme Caroline FIAT, MM. Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Jean-Luc MÉLENCHON, Mmes Danièle OBONO, Mathilde PANOT, MM. Loïc PRUD'HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Mmes Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, M. François RUFFIN et Mme Bénédicte TAURINE, députés.


Au vu des textes suivants :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels ;
- la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social ;
- l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective ;
- l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales ;
- l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail ;
- l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 relative à la prévention et à la prise en compte des effets de l'exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention ;
- l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social ;
- les observations du Gouvernement, enregistrées le 12 mars 2018 ;
Et après avoir entendu le rapporteur ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL S'EST FONDÉ SUR CE QUI SUIT :

1. Les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social. Ils contestent ses articles 1er, 3, 10, 17 et 18 en tant qu'ils ratifient respectivement certaines dispositions des ordonnances nos 2017-1385, 2017-1386, 2017-1387 et 2017-1389 du 22 septembre 2017 mentionnées ci-dessus et de l'ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017 mentionnée ci-dessus. Ils contestent également l'article 7 et certaines dispositions de ses articles 2, 6 et 11. Ils contestent enfin la procédure d'adoption de son article 18.
- Sur l'article 1er et certaines dispositions de l'article 2 de la loi déférée :
2. L'article 1er de la loi déférée ratifie l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017. L'article 2 de cette même loi modifie certaines des dispositions résultant de cette ordonnance.
. En ce qui concerne les articles L. 2232-21 et L. 2232-23 du code du travail, dans leur rédaction résultant de l'article 2 de la loi déférée :
3. Les articles L. 2232-21 et L. 2232-23 du code du travail permettent à l'employeur, dans une entreprise comptant moins de vingt salariés, de soumettre à la consultation des salariés, sous certaines conditions, un projet d'accord ou un avenant de révision portant sur les thèmes ouverts à la négociation collective d'entreprise.
4. Les députés requérants reprochent à ces dispositions de permettre à l'employeur de soumettre à la consultation directe des salariés un projet de convention, sans négociation préalable ni a fortiori d'accord, avec les représentants du personnel. Il en résulterait une méconnaissance du principe de participation des travailleurs par l'intermédiaire de leurs délégués à la détermination collective des conditions de travail et à la gestion des entreprises, ainsi qu'une atteinte disproportionnée à la liberté syndicale. Ils soutiennent en outre que les dispositions contestées seraient entachées d'incompétence négative, dans la mesure où le législateur n'aurait entouré cette consultation des salariés d'aucune garantie propre à mettre en œuvre le principe de participation.
5. Aux termes du sixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 : « Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale ... ». Aux termes du huitième alinéa du même préambule : « Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ». Si ces dispositions confèrent aux organisations syndicales vocation naturelle à assurer, notamment par la voie de la négociation collective, la défense des droits et intérêts des travailleurs, elles ne leur attribuent pas pour autant un monopole de la représentation des salariés en matière de négociation collective.
6. Il appartient au législateur, compétent en application de l'article 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail et du droit syndical, de fixer les conditions de mise en œuvre du droit des travailleurs de participer, par l'intermédiaire de leurs délégués, à la détermination des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises.
7. En premier lieu, en permettant sous certaines conditions à l'employeur, dans les entreprises employant jusqu'à vingt salariés, de proposer un projet d'accord collectif à la consultation du personnel, le législateur a souhaité développer les accords collectifs dans les petites entreprises en prenant en compte l'absence fréquente de représentants des salariés pouvant négocier de tels accords dans ces entreprises.
8. En deuxième lieu, les dispositions contestées ne prévoient la possibilité pour l'employeur de soumettre un projet d'accord collectif à la consultation du personnel que si l'entreprise est dépourvue de délégué syndical et, dans les entreprises de onze à vingt salariés, en l'absence, en outre, de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique.
9. En dernier lieu, conformément à l'article L. 2232-22 du code du travail, le projet d'accord doit être communiqué par l'employeur à chaque salarié et un délai minimum de quinze jours doit s'écouler entre cette communication et l'organisation de la consultation. En outre, le projet d'accord n'est validé que s'il recueille une majorité des deux tiers du personnel. Enfin, les modalités d'organisation de la consultation doivent en tout état de cause respecter les principes généraux du droit électoral.
10. Il résulte de ce qui précède que les articles L. 2232-21 et L. 2232-23 du code du travail ne méconnaissent ni le principe de participation des travailleurs, ni la liberté syndicale et qu'ils ne sont pas entachés d'incompétence négative. Ces articles, qui ne sont contraires à aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution.
. En ce qui concerne certaines dispositions de l'article L. 2232-23-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l'article 2 de la loi déférée :
11. L'article L. 2232-23-1 du code du travail fixe les modalités de négociation des accords d'entreprise ou d'établissement dans les entreprises dépourvues de délégué syndical comptant entre onze et quarante-neuf salariés. Les trois premiers alinéas de son paragraphe I prévoient que ces accords peuvent être négociés, conclus, révisés ou dénoncés soit par des salariés expressément mandatés par des organisations syndicales représentatives dans la branche ou, à défaut, par des organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel, soit par des membres titulaires de la délégation du personnel du comité social et économique. Pour être valide, l'accord négocié avec des membres de la délégation du personnel, qu'ils soient ou non mandatés, doit être signé par des membres du comité social et économique représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles. S'il a été négocié par des salariés mandatés qui ne sont pas membres de la délégation du personnel du comité social et économique, l'accord doit être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés.
12. Les requérants font grief à ces dispositions de n'instituer aucune priorité en faveur des salariés mandatés par une organisation syndicale et de laisser ainsi à l'employeur le choix unilatéral de son interlocuteur pour négocier un accord d'entreprise. Il en résulterait une violation de la liberté syndicale et du principe de participation des travailleurs.
13. Si les dispositions des sixième et huitième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 confèrent aux organisations syndicales vocation naturelle à assurer, notamment par la voie de la négociation collective, la défense des droits et intérêts des...

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