Décision judiciaire de Conseil Constitutionnel, 11 juillet 2013 (cas Observations du Conseil constitutionnel relatives aux élections législatives des 10 et 17 juin 2012)

Date de Résolution11 juillet 2013
JuridictionConstitutional Council (France)

L'article 59 de la Constitution donne compétence au Conseil constitutionnel pour statuer, en cas de contestation, sur la régularité de l'élection des députés et des sénateurs. Sur ce fondement, le Conseil a été saisi, à la suite des élections législatives de juin 2012, de 108 réclamations formées par des candidats ou des électeurs, ainsi que de 238 saisines de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Ces chiffres sont nettement inférieurs à ceux qui avaient été constatés à l'issue des élections de juin 2007 (592 réclamations et 507 saisines de la CNCCFP).

- S'agissant du nombre des réclamations, cette baisse s'explique par le fait qu'en 2007, 461 réclamations, pour la plupart identiques, tendaient à contester la délimitation des circonscriptions législatives. La révision de cette délimitation, que le Conseil constitutionnel avait appelée de ses voeux dans ses observations faisant suite aux élections législatives de 2002 et 2007, a été réalisée par l'ordonnance n° 2009-935 du 29 juillet 2009 portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l'élection des députés, ratifiée par la loi n° 2010-165 du 23 février 2010. À la suite de cette réforme, le Conseil n'a été saisi en 2012 d'aucun grief sur la question de l'égalité devant le suffrage. Pour le reste, si on écarte la question du découpage électoral, le nombre des réclamations enregistrées en 2012 n'est pas très différent de celui des réclamations enregistrées en 2007.

- S'agissant du nombre des saisines de la CNCCFP, la baisse s'explique principalement par la modification de l'article L. 52-12 du code électoral, opérée par l'article 10 de la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011 portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique, qui a dispensé de déposer un compte de campagne les candidats qui ont obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés et qui n'ont pas reçu de dons de personnes physiques conformément à l'article L. 52-8 du code électoral.

Dans ses observations faisant suite aux élections de 2007, le Conseil constitutionnel avait proposé une telle réforme et calculé que, appliquée aux élections de 2007, une telle dispense de dépôt du compte de campagne pour les candidats ayant obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés aurait entraîné une réduction de 2421 dossiers soumis à la CNCCFP et de 315 saisines du Conseil constitutionnel. En 2012, 6603 candidats se sont présentés aux élections législatives ; 2221 candidats étaient dispensés de déposer un compte. L'effet attendu de cette réforme a donc été atteint.

- La baisse du nombre de saisines du Conseil constitutionnel s'explique en outre, dans une moindre mesure, par la disparition des cas d'absence de désignation du mandataire financier par les candidats (en 2007, le Conseil constitutionnel avait été saisi de 37 cas). En effet, l'article 12 de la loi du 14 avril 2011 a complété l'article L. 154 du code électoral par un troisième alinéa qui conditionne la recevabilité de la candidature à la désignation du mandataire financier. Cette réforme, que le Conseil constitutionnel avait appelée de ses voeux dans ses observations relatives aux élections de juin 2007, a produit l'effet escompté.

Bien que la loi ne lui impose aucun délai, le Conseil constitutionnel s'est fixé pour objectif de traiter ce contentieux le plus rapidement possible. Il a procédé à l'examen de ces réclamations et saisines en quatre étapes et a ainsi jugé :

- dès juillet et août 2012 les 53 réclamations qui ne nécessitaient pas d'instruction contradictoire dès lors que soit elles étaient irrecevables, soit elles ne contenaient que des griefs qui ne pouvaient manifestement pas avoir d'incidence sur le résultat du scrutin ;

- en octobre 2012, les réclamations soumises à instruction contradictoire mais ne comportant pas de grief financier. Dans cette série, il a annulé les opérations électorales dans trois circonscriptions [1] ;

- de novembre 2012 à janvier 2013, les réclamations pour lesquelles, en raison de griefs financiers, le Conseil constitutionnel, devait attendre la décision de la CNCCFP sur les comptes de campagne. Il a confirmé le rejet des comptes de campagne de trois députés, les a déclarés inéligibles et a annulé en conséquence les opérations électorales [2]. Il a également annulé les opérations électorales dans une autre circonscription pour des motifs non financiers [3] ;

- de janvier à mai 2013, les saisines de la CNCCFP. À cette occasion, le Conseil était notamment saisi du rejet des comptes de campagne de trois députés. Dans un cas, il a infirmé ce rejet [4] , et dans les deux autres, tout en le confirmant, il n'a pas prononcé l'inéligibilité des députés élus [5].

En définitive, le Conseil constitutionnel a donc annulé les opérations électorales dans sept circonscriptions, ce qui a conduit à l'organisation d'élections partielles.

Pour l'examen de ces affaires, le Conseil a, lorsqu'il s'estimait insuffisamment informé par les pièces de la procédure, procédé à diverses mesures d'instruction. Il a ainsi saisi de demandes d'information le président de la CNCCFP, le président de l'Assemblée nationale, le ministère de l'Intérieur, un préfet et un éditeur.

Le Conseil a procédé à l'audition des parties dans douze affaires.

À l'issue de ce contentieux, le Conseil constitutionnel a estimé nécessaire, comme par le passé, de formuler des observations s'agissant en particulier, des règles de financement des campagnes électorales et de l'examen par le Conseil constitutionnel des saisines de la CNCCFP.

  1. La campagne électorale et les opérations de vote

    1. - Les requêtes électorales contenaient notamment des griefs qui, pour l'essentiel, ne manifestaient pas l'existence de problèmes particuliers posés par les règles relatives à la campagne électorale.

      Le Conseil constitutionnel relève toutefois le fait que l'usage d'internet est susceptible de poser des questions nouvelles au juge électoral.

      L'utilisation de listes de diffusion par internet est, toutes choses égales par ailleurs, du même ordre que l'usage de listes de diffusion postale. Ainsi, le Conseil prend en compte les irrégularités pouvant résulter de l'envoi par internet de documents [6]. De la même manière, il admet que des sites internet usurpant l'identité d'un candidat puissent constituer des manoeuvres excédant les limites de la polémique électorale [7]. Toutefois, pour prendre en compte ces manoeuvres au regard de l'écart des voix, le Conseil doit disposer d'éléments produits par le requérant relatifs à l'ampleur de la diffusion, ou à l'importance de l'audience du site.

      Des griefs relatifs au « blog » d'une personne candidate aux élections législatives et de liens vers ce blog sur des sites officiels (du conseil général du département ou de l'Assemblée nationale) ont également été soulevés. Le Conseil constitutionnel, adoptant une approche pragmatique, a considéré que de tels liens ne pouvaient être considérés, « en l'absence de tout élément faisant la promotion du candidat », comme un concours prohibé par l'article L. 52-8 du code électoral [8]. Il en va de même pour la publication d'une lettre du candidat au président d'une association sur le site internet de cette association [9]. De même, les éléments d'information figurant sur le site internet du candidat élu ne peuvent être regardés comme une campagne de promotion publicitaire [10].

      Ainsi, bien que l'usage d'internet pose des questions nouvelles, celles-ci paraissent pouvoir trouver une solution dans le cadre de l'application des règles générales qui encadrent la campagne électorale et ne semblent pas rendre nécessaire, à ce stade, une adaptation de la législation pour prendre en compte de manière spécifique ces nouvelles technologies de la communication et les usages qui peuvent en être faits.

    2. - Les requêtes électorales contenaient également des griefs relatifs aux opérations de vote. Si les contestations habituelles relatives à la régularité des bulletins de vote, des procurations, des listes d'émargement ou des procès-verbaux établis n'appellent pas de remarques particulières, le Conseil constitutionnel relève que la tenue des bureaux de vote pose parfois quelques difficultés. Il importe de rappeler les obligations de neutralité qui s'imposent aux personnes tenant les bureaux de vote, cette neutralité devant normalement se traduire jusque dans leur habillement [11], et qui est exigeante en cas d'usage de machines à voter [12]. Pour autant, dans le silence de la législation, certains requérants semblent penser, à tort, que des agents municipaux ne sauraient être assesseurs, alors que rien ne fait obstacle à cela dès lors qu'ils sont électeurs dans la commune ou dans le département. Or, comme le Conseil constitutionnel l'a rappelé, ce qui importe est la neutralité de leur comportement [13]. Toutefois, dans...

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