Décision judiciaire de Conseil Constitutionnel, 19 novembre 2004 (cas Traité établissant une Constitution pour l'Europe)

Date de Résolution19 novembre 2004
Estado de la SentenciaJournal officiel du 24 novembre 2004, p. 19885
Numéro de DécisionCSCX0407769S
JuridictionConstitutional Council (France)
Nature Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Le Conseil constitutionnel a été saisi par le Président de la République le 29 octobre 2004, en application de l'article 54 de la Constitution, de la question de savoir si l'autorisation de ratifier le traité établissant une Constitution pour l'Europe, signé à Rome le même jour, doit être précédée d'une révision de la Constitution ;

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son titre XV : « Des communautés européennes et de l'Union européenne » ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le traité sur l'Union européenne ;

Vu les autres engagements souscrits par la France et relatifs aux Communautés européennes et à l'Union européenne ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les décisions du Conseil constitutionnel nos 2004-496 DC du 10 juin 2004, 2004-497 DC du 1er juillet 2004, 2004-498 DC et 2004-499 DC du 29 juillet 2004 ;

Vu l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme n° 4774/98 (affaire Leyla Sahin c. Turquie)du 29 juin 2004 ;

Le rapporteur ayant été entendu ;

- SUR LES NORMES DE RÉFÉRENCE APPLICABLES :

  1. Considérant que, par le préambule de la Constitution de 1958, le peuple français a proclamé solennellement « son attachement aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946 » ;

  2. Considérant que, dans son article 3, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen énonce que « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation » ; que l'article 3 de la Constitution de 1958 dispose, dans son premier alinéa, que « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum » ;

  3. Considérant que le préambule de la Constitution de 1946 proclame, dans son quatorzième alinéa, que la République française se « conforme aux règles du droit public international » et, dans son quinzième alinéa, que « sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l'organisation et à la défense de la paix » ;

  4. Considérant que, dans son article 53, la Constitution de 1958 consacre, comme le faisait l'article 27 de la Constitution de 1946, l'existence de « traités ou accords relatifs à l'organisation internationale » ; que ces traités ou accords ne peuvent être ratifiés ou approuvés par le Président de la République qu'en vertu d'une loi ;

  5. Considérant que la République française participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne dans les conditions prévues par le titre XV de la Constitution ; qu'en particulier, aux termes de son article 88-1 : « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences » ;

  6. Considérant que ces textes de valeur constitutionnelle permettent à la France de participer à la création et au développement d'une organisation européenne permanente, dotée de la personnalité juridique et investie de pouvoirs de décision par l'effet de transferts de compétences consentis par les Etats membres ;

  7. Considérant, toutefois, que, lorsque des engagements souscrits à cette fin contiennent une clause contraire à la Constitution, remettent en cause les droits et libertés constitutionnellement garantis ou portent atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale, l'autorisation de les ratifier appelle une révision constitutionnelle ;

  8. Considérant que c'est au regard de ces principes qu'il revient au Conseil constitutionnel de procéder à l'examen du traité « établissant une Constitution pour l'Europe » signé à Rome le 29 octobre 2004, ainsi que de ses protocoles et annexes ; que sont toutefois soustraites au contrôle de conformité à la Constitution celles des stipulations du traité qui reprennent des engagements antérieurement souscrits par la France ;

    - SUR LE PRINCIPE DE PRIMAUTÉ DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE :

  9. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des stipulations du traité soumis au Conseil constitutionnel, intitulé « Traité établissant une Constitution pour l'Europe », et notamment de celles relatives à son entrée en vigueur, à sa révision et à la possibilité de le dénoncer, qu'il conserve le caractère d'un traité international souscrit par les Etats signataires du traité instituant la Communauté européenne et du traité sur l'Union européenne ;

  10. Considérant, en particulier, que n'appelle pas de remarque de constitutionnalité la dénomination de ce nouveau traité ; qu'en effet, il résulte notamment de son article I-5, relatif aux relations entre l'Union et les Etats membres, que cette dénomination est sans incidence sur l'existence de la Constitution française et sa place au sommet de l'ordre juridique interne ;

  11. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 88-1 de la Constitution : « La République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences » ; que le constituant a ainsi consacré l'existence d'un ordre juridique communautaire intégré à l'ordre juridique interne et distinct de l'ordre juridique international ;

  12. Considérant qu'aux termes de l'article I-1 du traité : « Inspirée par la volonté des citoyens et des Etats d'Europe de bâtir leur avenir commun, la présente Constitution établit l'Union européenne, à laquelle les Etats membres attribuent des compétences pour atteindre leurs objectifs communs. L'Union coordonne les politiques des Etats membres visant à atteindre ces objectifs et exerce sur le mode communautaire les compétences qu'ils lui attribuent » ; qu'en vertu de l'article I-5, l'Union respecte l'identité nationale des Etats membres « inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles » ; qu'aux...

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