CAA de BORDEAUX, 5ème chambre - formation à 3, 12/06/2018, 16BX02151, 16BX02253, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeMme JAYAT
Judgement Number16BX02151, 16BX02253
Date12 juin 2018
Record NumberCETATEXT000037076153
CounselCAMBOT
CourtCour administrative d'appel de Bordeaux (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. H...J..., E...D..., L...D...et MmeI...K...ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler, d'une part, l'arrêté du 2 avril 2015 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a déclaré d'utilité publique l'expropriation au profit de la commune d'Ainharp des terrains nécessaires à l'aménagement du chemin d'accès à la réserve d'incendie et à la fontaine sises lieu-dit " fontaine d'Ainharp " et à la création d'une aire de retournement pour les véhicules d'incendie, d'autre part, l'arrêté du 21 mai 2015 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques a déclaré cessibles au profit de la commune d'Ainharp les terrains nécessaires à cette opération.

Par un jugement n° 1501165,1501498 du 10 mai 2016, le tribunal administratif de Pau a fait droit à ces demandes.




Procédure devant la cour :

I - Par une requête et des mémoires enregistrés sous le n° 16BX02151, les 30 juin 2016, 5 septembre 2017, 30 novembre 2017, 14 décembre 2017 et 15 janvier 2018, la commune d'Ainharp, prise en la personne de son maire, représentée par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 mai 2016 du tribunal administratif de Pau ;

2°) de rejeter la demande de première instance de MM. H...J..., E...D..., L...D...et deMmeI...K... ;

3°) de condamner solidairement les mêmes à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu le caractère d'utilité publique du projet ;
- le tribunal administratif s'est mépris en limitant l'utilité de l'accès à la ressource en eau au seul abreuvement du bétail ;
- l'utilité publique à préserver l'accès à la réserve à eau est avérée en ce qui concerne la lutte contre les incendies ainsi que le préconise le service d'incendie et de secours des Pyrénées-Atlantiques ; le SAEP n'envisage pas de renforcer le réseau existant ;
- la défense incendie ne peut être assurée à moindre frais et dans les mêmes conditions par l'installation d'une simple " membrane " dont le procédé n'est en aucune façon équivalent au principe de la réserve ;
- l'utilité publique à préserver l'accès à la réserve à eau est également avérée en ce qui concerne l'activité agricole ; en effet, la vocation agricole de la commune est manifeste et se concrétise par le fait que deux tiers des établissements économiques de son périmètre ont une activité agricole et que la nécessité d'être alimenté en eau est cruciale, en particulier pour l'élevage ; alors même que ces établissements sont desservis par le réseau public d'eau potable, la fontaine dont l'eau est gratuite permet d'éviter d'alourdir les charges des exploitants ; par ailleurs, l'eau est aussi indispensable pour diluer le lisier répandu dans les champs à des fins agricoles pour favoriser la pousse des végétaux en qualité d'engrais organique ; l'eau potable captée, traitée pour garantir sa potabilité puis distribuée pour garantir l'alimentation humaine n'a pas vocation à être répandue dans les champs avec des déjections animales ; la réserve d'eau constante de cette source et du captage réalisé et entretenu par la commune a permis d'étendre son utilisation pour suppléer aux insuffisances du réseau d'eau consacré à la lutte contre les incendies ; le nécessaire soutien de l'agriculture de montagne dont la dimension sociale et économique n'est pas contestée et la préservation de l'environnement viennent conforter l'utilité publique de l'expropriation concernée ; il est admis que les fontaines et abreuvoirs jalonnent les villages de montagne pour permettre de répondre aux besoins du bétail et des agriculteurs sans que cela ne soit constitutif d'une aide illégale ; le pastoralisme de montagne étant reconnu d'intérêt général par le législateur ;
- la desserte en eau par le réseau public est directement dépendante du bon état de marche du réseau électrique dans la mesure où c'est par des stations de pompage que l'eau est acheminée vers la commune ; un disfonctionnement de ce réseau de plus de quatre heures, ce qui est arrivé lors de la tempête de février 2010, peut avoir des conséquences désastreuses pour l'activité agricole ;
- la suppression de cet accès contrevient aux dispositions de l'article L. 2212-5 du code général des collectivités territoriales en privant le maire de l'exercice de ses pouvoirs de police ;
- l'alternative constituée par le chemin ancestral dit " chemin de la source " n'est pas opportune dès lors que le coût de la remise en état du chemin rural est prohibitif ; sa réouverture a été évaluée en 2012 à 130 000 euros dans le cadre d'une étude de faisabilité conduite par les services de l'Etat ; le département des Pyrénées-Atlantiques s'est montré réticent à un accès à la voirie départementale à l'endroit supposé en cas de réouverture compte tenu de la configuration des lieux et de la dangerosité d'une telle desserte ;
- le projet public dont l'estimation sommaire des dépenses est évalué à 60 000 euros n'est pas surdimensionné au regard des capacités financières de la commune ;
- il a été démontré que l'assiette du chemin rural a été abandonnée depuis longtemps par les administrés de la commune au profit de l'accès préexistant et détruit depuis par les requérants ; la seule existence de ce chemin rural - même désaffecté - puis la création d'un chemin de substitution témoignent de l'importance communale de l'accès à cette ressource en eau puisque des moyens d'y accéder existaient ;
- le tribunal commet une erreur de droit en se prévalant de circonstances postérieures à la décision attaquée pour relever l'illégalité de cette dernière.

Par un mémoire en défense et des mémoires complémentaires, enregistrés les 30 octobre 2017, 15 décembre 2017 et 16 janvier 2018, MM. H...J..., E...D..., L...D...et MmeI...K..., représentés par la SELARL Etche Avocats, concluent au rejet de la requête et à la condamnation de la commune d'Ainharp et de l'Etat aux entiers dépens ainsi qu'au versement à leur profit d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

En ce qui concerne l'arrêté du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 2 avril 2015 :
- l'affirmation de la commune selon laquelle la source serait située en limite des parcelles A175 et A 176 est inexacte ainsi qu'il a été constaté contradictoirement au cours de la procédure d'expropriation ; la source se situe sur la parcelle des exposants ; les affirmations de la commune selon lesquelles l'abreuvoir destiné au bétail et la fontaine municipale étaient desservis par un chemin trop pentu raison pour laquelle elle aurait financé une autre voie d'accès sur la propriété de M. J...avec son accord sont également fausses ;
- le projet porte atteinte au droit de propriété ; le chemin objet de la déclaration d'utilité publique est le résultat des passages des engins de chantier lors de la construction par la commune en toute illégalité d'une réserve à eau sur leur propriété privée ; la réserve n'ayant été construite que dans les années 1990, il ne peut sérieusement être soutenu que l'usage d'un chemin inexistant présenterait un caractère immémorial ; la réserve avait été créée, au prix d'une voie de fait sur le terrain des consortsD..., pour les besoins des agriculteurs et non pour les besoins de la lutte contre l'incendie ; les rares interventions de pompier ont eu lieu à partir des bornes incendies existantes dans la commune et non en utilisant la réserve d'eau ; M.J..., propriétaire de la parcelle, n'a jamais été consulté et n'a jamais donné son accord pour le passage sur son terrain ;
- ce projet est entaché d'un détournement de pouvoir car il a pour seul but de régulariser une opération constitutive d'une voie de fait commise par la commune dans les années 1990 et l'échec de la commune à tenter de la faire régulariser devant le tribunal de grande instance de Pau ; le principal utilisateur de l'eau de la réserve était le voisin de la citerne, M. C...qui était adjoint au maire en 1989 et dont la fille lui a succédé à ce poste, laquelle a rédigé une attestation au soutien de la commune en première instance pour les besoins de la cause ; cette dernière elle-même agricultrice utilisait l'eau de la réserve ;
- ce projet est dénué d'intérêt général ; les agriculteurs du village disposent de l'eau potable dans tout le village ; au demeurant, l'intervention économique des collectivités locales s'exerce sous réserve du respect de la liberté du commerce et de l'industrie et du principe de l'égalité des citoyens devant la loi ; cette intervention de la commune fausse les règles de la concurrence en favorisant les agriculteurs du village au détriment des agriculteurs de la région et porte atteinte au principe d'égalité des citoyens devant la loi dès lors que cette aide à une catégorie de population constitue une mesure discriminatoire totalement infondée ; l'objet du projet est contraire à la jurisprudence rendue par la CJCE en matière d'aide d'Etat sous l'article 107 § 1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; la fourniture gratuite de l'eau à des agriculteurs ne relève d'aucun cas prévu au code général des collectivités territoriales (CGCT) ;
- l'accès à la fontaine est toujours possible par le chemin rural de la source ; de plus, il ressort des pièces du dossier que le débit de la source est insuffisant et ne couvrira pas les besoins en eau des exploitations agricoles ; la création de fontaine et d'abreuvoir dans les zones de montagne correspond à une époque où il n'existait pas de service public de l'eau ; la pluviométrie est importante dans la région et permet aux agriculteurs de stocker de l'eau pluviale ;
- pour...

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