CAA de BORDEAUX, 6ème chambre - formation à 3, 17/12/2018, 16BX03829, 16BX03843, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. LARROUMEC
Judgement Number16BX03829, 16BX03843
Record NumberCETATEXT000037851809
Date17 décembre 2018
CounselROUX
CourtCour administrative d'appel de Bordeaux (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté urbaine de Bordeaux (CUB), à laquelle s'est substituée Bordeaux Métropole à compter du 1er janvier 2015, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux, à titre principal, de condamner in solidum le groupement de maîtrise d'oeuvre (les sociétés Ville et architecture, Egis bâtiments sud-ouest et Cosil) et les entreprises chargées des travaux (sociétés Novello et Cie et Colas sud-ouest), sur le fondement de leur responsabilité décennale, à lui verser la somme de 4 149 580,78 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des désordres affectant la place de la Victoire et, à titre subsidiaire, de condamner in solidum le seul groupement de maîtrise d'oeuvre, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, à lui verser ladite somme.

Par un jugement n° 1400907 en date du 3 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné in solidum les sociétés Ville et architecture, Egis bâtiments sud-ouest, Cosil, Novello et Cie et Colas sud-ouest à verser à Bordeaux Métropole la somme totale de 949 161,87 euros TTC en réparation de trois chefs de préjudice et la somme de 13 547,35 euros correspondant à 70 % des frais et honoraires d'expertise, condamné les sociétés Ville et architecture, Egis bâtiments sud-ouest et Cosil à garantir les sociétés Novello et Cie et Colas sud-ouest à hauteur de 60 % des condamnations prononcées contre elles et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête et deux mémoires complémentaires enregistrés les 2 décembre 2016, 13 février 2018 et 16 mai 2018 sous le n° 16BX03829, la société Egis bâtiments Sud-ouest, représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 3 octobre 2016 du tribunal administratif de Bordeaux en tant qu'il a retenu la responsabilité décennale in solidum du groupement de maitrise d'oeuvre ainsi que des constructeurs concernés ;

2°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont prononcé la condamnation du groupement de maîtrise d'oeuvre sur le fondement de sa garantie décennale dès lors que, d'une part, il ne pouvait attirer l'attention du maître d'ouvrage sur des vices de conception et de mise en oeuvre ignorés et qu'il n'est donc pas en défaut dans l'exercice de son obligation d'assistance et de conseil et que, d'autre part, Bordeaux Métropole, dont la taille lui interdit de ne pas être normalement précautionneux et qui dispose nécessairement de services compétents, aurait dû réaliser diverses analyses au stade de la réception et faire procéder à des vérifications et études en cours d'exécution avant la réception ;
- en outre, le critère de l'impropriété à sa destination n'était pas rempli en l'espèce dès lors que la circulation n'était pas empêchée de façon excessive sur l'ouvrage en cause et que l'expert a seulement relevé une atteinte partielle à la solidité de l'ouvrage ;
- en tout état de cause, à supposer que la cour considérerait que les désordres affectant la chaussée autour de la place de la Victoire revêtiraient un caractère décennal, il conviendrait d'en exclure la partie piétonne ;
- c'est également à tort que les premiers juges n'ont pas laissé à la charge de Bordeaux Métropole une part plus importante des conséquences dommageables des désordres affectant la place de la Victoire dès lors que le rapport d'expertise ne retient pas explicitement une faute de conception de la maîtrise d'oeuvre mais une faute du maître d'ouvrage et des erreurs d'exécution des entreprise chargées des travaux, que l'ouvrage n'est pas impropre à sa destination en ce que les véhicules peuvent circuler dessus et ne s'est dégradé que huit ans après la réception, et que s'il n'est pas contesté que des désordres sont imputables à la maîtrise d'oeuvre, en revanche l'obligation de vigilance du maître d'ouvrage a été réalisée avec une certaine inattention, tant au stade de la définition de ses besoins que de la modification insuffisante du mortier demandé (OS n° 6) et de la réception, ce qui constitue un comportement fautif au regard de la taille de la métropole ;
- en outre, alors que la garantie décennale vient sanctionner une obligation de résultat, en l'espèce, le résultat était, du fait du cadre contractuel erroné dès l'origine, impossible à atteindre, et l'est demeuré malgré la rectification intervenue par l'OS n° 6, ce qui impactera à la baisse le pourcentage de responsabilité laissé in solidum à la charge de la maîtrise d'oeuvre et majorera à l'inverse celui de la maîtrise d'ouvrage ;
- ainsi, la faute commise par Bordeaux Métropole est de nature à exonérer et, à défaut, à minorer la part de responsabilité de la maîtrise d'oeuvre, qui devra être fixée à un pourcentage plus raisonnable que celui retenu par les juges du premier degré ;
- s'agissant des appels en garantie, les sociétés Colas Sud-Ouest et Novello devront la relever indemne de toute condamnation et, en cas de condamnation, la cour répartira les pourcentages d'imputabilité également entre les cinq parties, à hauteur de 20 % chacune ;
- contrairement à ce que fait valoir la société Colas, il résulte du rapport d'expertise de M. I...que la cause prépondérante des désordres réside dans la sous-évaluation du trafic routier journalier imputable à la CUB ainsi que la substitution du mortier dans le lit de pose par un sable ciment pas assez résistant du fait des sociétés Novello et Colas ;
- si, en appel, le maître d'ouvrage tente de s'exonérer de toute responsabilité dans la survenance des désordres, il convient de rappeler, d'une part, qu'au stade de la conception, les documents (DCE et CCTP) mis par elle à la disposition des entreprises sont basés sur ses estimations et ont été nécessairement validés par ses services qui auraient pu, en temps utile, formuler des observations sur le volume de circulation prévu et que, d'autre part, alors qu'il est reproché à la société Egis un défaut de suivi du chantier, son OS n° 6 a très précisément eu pour objet de tenter de rectifier l'erreur de prévision en cours de marché ;
- à cet égard, Bordeaux Métropole prétend ne pas avoir commis d'erreur d'estimation initiale et ne pas avoir eu à réagir à l'OS n° 6 en arguant de ce que ses services ne disposaient pas de l'ensemble des compétences en la matière, sans craindre d'affirmer parallèlement qu'elle aurait pu assurer la maîtrise d'oeuvre en interne ;
- par ailleurs, son argumentation portant sur l'entretien des ouvrages pendant les années ayant suivi la réception, notamment pour la partie piétonne, ne trompera pas la cour, dans la mesure où la date d'apparition des désordres liés ne peut pas être rattachée à la responsabilité décennale, ainsi que l'a estimé le tribunal ;
- s'agissant de la responsabilité contractuelle invoquée par Bordeaux Métropole à titre subsidiaire, il importe de relever que dès lors que la pose du mortier sur la partie piétonne de la place remplissait les exigences techniques, la maîtrise d'oeuvre n'avait pas à attirer l'attention du maître d'ouvrage sur une éventuelle inadéquation à l'usage attendu ;
- alors que le rapport d'expertise ne permet pas d'individualiser les tâches des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre et, partant, les fautes éventuellement commises par chacun d'eux, il est établi que le maître d'ouvrage était, si ce n'est depuis l'origine des travaux, au moins depuis l'émission de l'OS n° 6, informé de l'inadéquation des prévisions de trafic initiales et qu'il disposait lui-même de la compétence de ses services techniques, de sorte que le maître d'oeuvre n'avait pas à l'alerter spécifiquement sur ce point.



Par un mémoire en défense et deux mémoires complémentaires enregistrés les 5 mai 2017, 16 mai 2018 et 27 juin 2018, la société Colas Sud-Ouest, représentée par Me G..., conclut :

1°) à titre principal, à la réformation du jugement attaqué du tribunal administratif de Bordeaux en ce qu'il a retenu la responsabilité des deux entreprises de travaux dans la survenance des désordres et alloué une indemnité à Bordeaux Métropole au titre des deux chefs de préjudice portant sur la surveillance de chantier ainsi que la pose d'un enrobé à module élevé (EME) ;

2°) à titre subsidiaire, à la réformation de ce jugement en ce qu'il a condamné les sociétés Ville et architecture, Egis bâtiments sud-ouest et Cosil à garantir les sociétés Novello et Cie et Colas Sud-ouest à hauteur de 60 % des condamnations prononcées contre elles ;

3°) à ce que les sociétés Ville et architecture, Egis bâtiments Sud-ouest et Cosil soient condamnées in solidum à la relever intégralement indemne de l'ensemble des condamnations qui pourraient être formulées à son encontre ;

4°) à ce que soit mise à la charge de Bordeaux Métropole ou de toute partie succombante à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, outre les entiers dépens.

Elle fait valoir que :
- la requête des sociétés Cosil et Ville et Architecture est irrecevable dès lors qu'en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, ces deux sociétés n'indiquent pas leur siège social et les personnes qui les représentent ;
- en outre, dès lors que la société Ville et Architecture a fait l'objet d'un jugement du tribunal de commerce de Paris du 12 novembre 2014 portant ouverture de la procédure de liquidation judiciaire puis un jugement du 11 février 2016 de ce même tribunal prononçant la clôture pour insuffisance d'actif, c'est-à-dire antérieurement au dépôt de sa requête en appel, elle n'avait alors plus de personnalité morale, sachant, de surcroit, que la requête n'a pas été présentée par une personne habilitée, à savoir le mandataire liquidateur ;
- les demandes contenues dans...

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