CAA de NANTES, 1ère chambre, 10/10/2019, 17NT03819, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. BATAILLE
Date10 octobre 2019
Judgement Number17NT03819
Record NumberCETATEXT000039209703
CounselLE MOIGNE
CourtCour Administrative d'Appel de Nantes (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Normandy Tank Museum a, par trois requêtes, demandé au tribunal administratif de Caen de surseoir à statuer et saisir la Cour de justice de l'Union européenne de questions préjudicielles portant sur l'interprétation des articles 13, 16, 17, 20, 21 et 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, des articles 107 à 109 et 167 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, des articles 9, 52 et 59 du Traité de Rome et des dispositions de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, de condamner l'Etat à lui restituer le montant des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contribution économique territoriale ainsi que des droits de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux années 2013 à 2016 et à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis.

Par un jugement n° 1602134-1700060-1700156 du 18 octobre 2017, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 décembre 2017, 21 décembre 2018 et 4 avril 2019, la SAS Normandy Tank Museum, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) avant dire-droit, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne et de surseoir à statuer dans l'attente des réponses apportées aux questions qui lui seront posées ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler la décision du 7 novembre 2016 du directeur départemental des finances publiques de la Manche ;

4°) d'ordonner la décharge et le remboursement de l'intégralité des impositions perçues à tort, soit 175 000 euros ;

5°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 240 000 euros au titre du préjudice financier ;

6°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 60 000 euros au titre de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative dès lors que ses motifs sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation et de contradiction en estimant que le seul problème provient de la part déductible du don bénéficiant au contribuable donateur alors que le montant du don est une recette imposable pour un musée géré par une personne morale de droit privé et non pour le musée public et qu'il constitue une aide d'Etat au moins indirecte ;
- le jugement est irrégulier au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative dès lors que sa motivation est insuffisante en l'absence de précisions sur les raisons pour lesquelles l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée ne méconnaîtrait pas les objectifs poursuivis par la sixième directive et ses motifs sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que, dans la mesure où l'aide d'Etat est constituée par le montant du don que récupère le donataire et la déduction fiscale et que ce dispositif n'est pas ouvert aux musées gérés par des personnes morales de droit privé, il y a bien une inégalité de traitement et une discrimination entre les différents types de personnes morales ;
- le jugement est irrégulier au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative dès lors que ses motifs sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une erreur de droit dans la mesure où, le non-assujettissement des personnes morales de droit public et organismes d'utilité générale gérant des musées étant le principe, il y a un assujettissement asymétrique entre les musées gérés par une personne morale de droit privé et les musées gérés par une personne morale de droit public ou " Musées de France " et que l'avantage fiscal accordé a manifestement un caractère sélectif constitutif d'une aide d'Etat ;
- le jugement est irrégulier au regard des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative dès lors qu'il a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'article 1er de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002, en excluant les musées gérés par des personnes morales de droit privé du régime des " Musées de France " et des différents avantages fiscaux afférents, constitue une discrimination et une inégalité de traitement ;
- ses conclusions aux fins indemnitaires sont recevables dès lors que la requête enregistrée le 5 novembre 2016 porte uniquement sur une demande d'indemnisation et que la requête enregistrée le 13 janvier 2017 porte sur une demande de décharge et de remboursement ;
- l'intervention de la direction départementale des finances publiques du Calvados au lieu et place de celle de la Manche est contraire aux dispositions de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts ;
- les règles de procédure n'ont pas été rigoureusement respectées ;
- l'administration fiscale a méconnu son devoir de loyauté et de neutralité en appliquant les textes et sa doctrine de manière incohérente, en dénaturant les faits et en commettant erreur d'appréciation et erreur de droit ;
- elle subit une inégalité de traitement devant l'impôt, devant la loi fiscale et les charges publiques dès lors que les dispositions des articles 256 B, du 1° de l'article 261-7, des alinéas 1 bis et 5 de l'article 206, des 5 et 5 bis de l'article 207-1, du II de l'article 1447, du 1° de l'article 1449, des articles 1382 et 1394 du code général des impôts constituent une dérogation au régime fiscal commun et un avantage fiscal exclusivement accordé aux musées gérés par une personne morale de droit public ou associatif, en méconnaissance du principe d'égalité prévu aux articles 1er, 2, 4 et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de l'alinéa premier du Préambule de 1946, de l'article 1er de la Constitution de 1958 et des stipulations combinées de l'article 1er du premier protocole et de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle subit une discrimination économique dans la mesure où les deux catégories d'opérateurs économiques sont en concurrence directe sur le marché de l'offre muséale ;
- bien qu'exerçant la même activité muséale et répondant à la définition de l'article L. 410-1 et aux missions prévues à l'article L. 441-2 du code du patrimoine, les musées gérés par une personne morale de droit privé sont exclus du régime favorable des " Musées de France " prévu par la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 ;
- en méconnaissance des articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de l'article 1er du premier protocole de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne qui garantissent le droit de propriété et du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 167 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, de l'article 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et des articles 1-a-VII, 1-a-IX et 3 de l'Acte final d'Helsinki du 1er août 1975 qui garantissent le droit d'accéder et de participer à la vie culturelle, elle subit une discrimination et inégalité de traitement tant en matière de respect de son droit de propriété sur ses biens qu'au regard du respect de son droit aux loisirs et à la vie culturelle dès lors qu'elle exerce une activité de musée identique à celle que pourrait exercer un musée public ou associatif ; l'impossibilité de bénéficier des dons déductibles de mécènes ou d'une exonération de taxe sur les objets d'arts, de collection ou d'antiquité l'ont empêchée de pouvoir acquérir plus facilement des objets pour ses collections ;
- en méconnaissance de la liberté d'entreprendre, du commerce et de l'industrie et de la libre concurrence, les musées privés sont systématiquement désavantagés par le fait d'être exclus des avantages fiscaux alloués au secteur culturel en raison de leur seule forme sociale ;
- en méconnaissance des dispositions de l'article 1er de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et des articles 85 et 86 du Traité de Rome, le jeu de la concurrence est dénaturé dès lors que l'exclusion des musées gérés par des personnes morales de droit privé du régime de faveur accordé aux activités culturelles n'est pas conditionnée au fait de ne pas remplir l'une des conditions requises pour leur exercice et que le simple fait d'assujettir à la taxe sur la valeur ajoutée les musées gérés par des personnes morales de droit privé et les avantages fiscaux, sociaux et en nature ont un impact sur le prix du billet d'entrée ;
- compte tenu du caractère disproportionné des avantages fiscaux accordés par l'Etat français aux musées publics ou associatifs ou " Musées de France ", ces mesures constituent une aide d'Etat déguisée de nature à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché commun en violation des articles 5 à 7 et 85 à 94 du Traité instituant la Communauté européenne ; les articles du code général des impôts, du code du patrimoine et de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 accordant des avantages fiscaux aux musées gérés par les personnes morales de droit public ou associatif et en en excluant les musées gérés par les personnes morales de droit privé sont contraires aux dispositions du n) du 1 de l'article 132 de la directive TVA n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006 et aux articles 85 à 94 du Traité instituant la Communauté européenne (articles 101 à 109 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne) ainsi qu'à l'article 151 de ce même Traité et aux articles 16, 17, 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; l'Etat français n'a pas notifié à la Commission le régime d'aide dont bénéficient les musées publics ; l'absence de proportionnalité des...

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