CAA de NANTES, 5ème chambre, 25/07/2017, 16NT03263, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. LENOIR
Judgement Number16NT03263
Record NumberCETATEXT000035299361
Date25 juillet 2017
CounselSCP DE NERVO & POUPET
CourtCour Administrative d'Appel de Nantes (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I) La société en nom collectif (SNC) Lactalis Ingrédients, venue aux droits de la société Besnier Bridel Alimentaire (BBA), a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler trois décisions de l'Office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (Onilait) lui demandant de lui reverser une somme totale de 471 383,99 euros correspondant à des aides communautaires perçues par la société BBA dans le cadre de restitutions à l'exportation.

Par un jugement n° 99-3578 en date du 6 janvier 2003, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 03NT00515 en date du 30 décembre 2005, la Cour a confirmé ce jugement.

Par une décision du 27 juillet 2009, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et rejeté la requête de la SNC Lactalis Ingrédients.

La SNC Lactalis Ingrédients a alors adressé au Garde des Sceaux, ministre de la justice, le 16 juin 2011, une demande préalable d'indemnisation afin de réparer le préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de cette décision.

Le ministre ayant rejeté cette demande, la SNC Lactalis Ingrédients a alors formé un recours indemnitaire devant le tribunal administratif de Rennes qui, par un jugement n° 1201703 du 11 avril 2014, a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 14NT01471 en date du 29 octobre 2015, la Cour a annulé ce jugement pour incompétence et a transmis le dossier au Conseil d'Etat.

La SNC Lactalis Ingrédients s'étant pourvue contre cette décision, le Conseil d'Etat a joint les requêtes dont il se trouvait saisi et, par une décision n° 394360,395548 en date du 26 septembre 2016, a annulé l'arrêt de la Cour en lui renvoyant l'affaire.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 juin 2014, 8 avril et 2 octobre 2015 et le 4 novembre 2016, la société Lactalis Ingrédients, représentée par Me Poupet, avocate au Conseil d'Etat, demande à la cour, dans le dernier état de ses conclusions :

1°) d'annuler le jugement n° 1201703 du tribunal administratif de Rennes du 11 avril 2014 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 471 383,99 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 6 janvier 2003, en réparation du préjudice qu'elle a subi, ainsi que la somme de 4 500 euros au titre des frais qu'elle a dû engager dans le cadre des précédentes instances contentieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Lactalis Ingrédients soutient que :
- il y a lieu, avant de statuer sur le fond, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) en application de l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, car il n'existe en droit interne aucune disposition organisant une procédure spécifique en ce qui concerne la responsabilité de l'Etat du fait d'une décision d'une juridiction nationale statuant en dernier ressort en contradiction avec le droit communautaire, le cadre procédural actuel faisant du juge national celui qui doit statuer in fine sur une violation du droit communautaire qu'il a lui-même mis en oeuvre de manière erronée étant ainsi de nature à mettre en doute le principe d'impartialité, méconnaissant en cela les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des doits de l'homme et des libertés fondamentales, et plus précisément du principe du droit à un procès équitable ainsi qu'à la théorie des apparences en résultant ;
- il appartient à la CJUE de trancher la question de savoir si, par sa décision du 27 juillet 2009, le Conseil d'Etat a méconnu le droit communautaire ;
- c'est à tort que les premiers juges ont tenu compte de la postériorité de l'arrêt de la CJUE du 5 mai 2011 Ze Fu Fleischandel pour estimer que le Conseil d'Etat n'avait pas commis une violation manifeste du droit communautaire, toute interprétation d'une disposition du droit communautaire donnée par la CJUE ayant, selon l'arrêt Denkavit Italia de la CJCE du 27 mars 1980, un effet rétroactif, et cette interprétation s'incorporant à la norme à la date de son entrée en vigueur ;
- eu égard à cet effet rétroactif, la décision du Conseil d'Etat du 27 juillet 2009 a nécessairement méconnu l'arrêt rendu par la CJUE le 5 mai 2011 ;
- les dispositions de l'article 3 du règlement n°2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers de la communauté ont été méconnues car la règle nationale de prescription trentenaire prévue à l'article 2262 du code civil alors applicable devait être écartée par le Conseil d'Etat au profit de la règle communautaire de prescription quadriennale du fait de sa contrariété au principe de proportionnalité du droit communautaire ;
- en statuant le 27 juillet 2009 par une réduction jurisprudentielle à 5 ans du délai de prescription trentenaire, le Conseil d'Etat a méconnu le principe de sécurité juridique auquel ont droit les opérateurs ;
- cette juridiction a également commis une faute en méconnaissant l'article 234 du traité instituant la communauté européenne dès lors qu'il avait l'obligation, dans l'affaire sur laquelle il a statué, de poser une question préjudicielle à la CJUE ;
- la violation manifeste du droit communautaire ne constitue pas un critère pertinent d'engagement de la responsabilité de l'Etat à raison du contenu d'une décision juridictionnelle dès lors que les dispositions du droit communautaire applicables ont pour objet de conférer des droits aux particuliers ;
- la jurisprudence doit évoluer vers une violation simple du droit communautaire ;
- l'évolution jurisprudentielle de fond constatable depuis des années pour réduire le champ de la faute lourde pousse à une redéfinition...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT