CAA de PARIS, 8ème chambre, 31/01/2019, 17PA02591, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. LAPOUZADE
Judgement Number17PA02591
Record NumberCETATEXT000038082599
Date31 janvier 2019
CounselSEBBAN
CourtCour administrative d'appel de Paris (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Unigram a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 30 octobre 2015 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris lui a ordonné, dans son article 2, le versement au Trésor public de la somme de 986 446, 22 euros au titre des formations non réalisées, dans son article 3, le versement au Trésor public, solidairement avec son dirigeant de droit, M. A..., et sa dirigeante de fait, MmeA..., de la somme de 555 634, 67 euros correspondant aux dépenses exposées non rattachables à l'activité de formation professionnelle continue, dans son article 4, le versement au Trésor public, solidairement avec son dirigeant de droit, M. A... et sa dirigeante de fait, MmeA..., de la somme de 986 446, 22 euros en raison de l'établissement et de l'utilisation de documents portant des mentions inexactes en vue de faire accroire à la réalisation de formations et d'en obtenir indûment paiement et a annulé, dans son article 7, l'enregistrement de la déclaration d'activité de la société.
Par un jugement n° 1600425/3-2 du 9 juin 2017, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'article 2 de la décision du 30 octobre 2015 en tant qu'elle met à la charge de la société la somme de 5 700,70 euros au titre de l'exercice 2013, l'article 3 de cette décision en tant qu'elle met à la charge de la société la somme de 6 054 euros au titre des exercices 2012 et 2013, l'article 4 de cette décision en tant qu'elle met à la charge de la société la somme de 5 700,70 euros au titre de l'exercice 2013 et a rejeté le surplus de la demande de la société Unigram.
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 juillet 2017 et le 4 juillet 2018, la société Unigram, représentée par Me Sebban, doit être regardée comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1600425/3-2 du 9 juin 2017 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il ne fait pas droit à l'intégralité de sa demande ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en date du 30 octobre 2015 ;

3°) d'ordonner la décharge des sommes figurant sur l'avis de mise en recouvrement notifié le 20 décembre 2016 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'avis de mise en recouvrement notifié le 20 décembre 2016 comporte une indication erronée quant à la nature de l'imposition mise en recouvrement, en méconnaissance de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales ;

- la décision du 30 octobre 2015 est insuffisamment motivée dès lors qu'elle n'identifie pas les actions de formation ayant fait l'objet d'une décision de rejet et le montant que chacune représente dans le montant total mis à sa charge ;

- la décision en litige est intervenue au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'elle procède au rejet de la quasi-totalité des actions de formation à la suite du constat d'anomalies dans certains dossiers seulement et doit par suite être regardée comme une procédure d'évaluation d'office, qui n'était pas justifiée et qui n'a pas été conduite dans les conditions prévues par les articles R. 6362-1-1 et suivants du code du travail ;

Sur l'obligation de reversement au Trésor public des montants reçus pour des formations regardées comme non réalisées :

- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit en tant qu'elle porte rejet d'actions réalisées au cours des années 2012-2013 mais payées ultérieurement et rejet d'actions payées au cours des années 2012-2013 mais réalisées antérieurement ;

En ce qui concerne les actions dispensées dans le cadre de contrats de professionnalisation :

- la décision en litige méconnaît l'article L. 6362-6 du code du travail en tant qu'elle porte rejet de formations portant sur des enseignements généraux, professionnels et technologiques qui ne relèvent pas de la formation professionnelle continue ;
- en tout état de cause, la réalité de l'exécution des prestations de formation dispensées dans le cadre de contrats de professionnalisation est justifiée pour un montant de 64 550, 83 euros ;
En ce qui concerne les actions dispensées au titre de périodes de professionnalisation :

- les pièces qu'elle produit attestent suffisamment de l'exécution des actions de formation ;
- aucun des éléments relevés dans la décision en litige n'est de nature à remettre en cause cette justification ; l'administration ne peut en particulier pas se fonder sur des demandes de prise en charge qui n'ont pas été établies par elle, sur des règles conventionnelles qui ne lui sont pas opposables, ou sur l'insuffisance de l'employeur dans l'action de formation professionnelle de son salarié, pas davantage que sur des dispositions de l'article L. 6353-2 du code du travail pour ce qui concerne les factures de ses sous-traitants ;
En ce qui concerne les actions dispensées dans le cadre de plans de formation d'entreprises clientes :

- le fait qu'elle n'aurait pas respecté l'obligation de remettre aux stagiaires les documents énumérés à l'article L. 6353-8 du code du travail n'est pas de nature à établir que les prestations de formation correspondantes n'auraient pas été réalisées ;
- les feuilles d'émargement attestent de la réalité de l'exécution de ces formations, les factures présentées par les prestataires de service sont suffisamment précises et correspondent aux programmes et elles sont corroborées par d'autres justificatifs ;
Sur la somme due au titre de l'établissement et de l'usage de documents avec mentions inexactes pour obtenir indûment paiement de prestations de formation :

- les dispositions de l'article L. 6362-7-2 du code du travail ne permettent pas de prononcer le versement au Trésor public de l'ensemble des produits perçus par l'organisme prestataire de formation ;
- la décision en litige est entachée d'une erreur de droit en tant qu'elle se fonde sur l'absence de locaux de formation en propre, sur une prétendue situation de confusion des intérêts entre la société Unigram et son sous-traitant la société Esic et sur une prétendue impossibilité de rattacher les dépenses de la société Unigram à l'activité exclusive de cette dernière, motifs qui ne sont pas de nature à caractériser les faits susceptibles du prononcé d'une telle sanction ;
- l'administration n'établit nullement que les documents transmis aux organismes payeurs seraient des documents de circonstance et ne démontre pas l'existence d'un " mode opératoire " ; aucune conclusion ne saurait être tirée à son encontre de déclarations de tiers, de manquements d'employeurs à l'égard de leurs salariés ou d'insuffisances de ses propres sous-traitants ;
- à titre subsidiaire, le versement indu caractérisé par les termes de la décision contestée ne saurait excéder 229 570 euros ;

Sur la décision d'annulation de l'enregistrement de déclaration d'activité :

- la société a bien transmis aux stagiaires des attestations de formation suffisantes ;
- l'absence de remise qui lui est reprochée ne saurait en tout état de cause établir l'absence de réalité de son activité ;

Sur l'obligation de reversement au Trésor public des dépenses regardées comme non rattachables à l'activité :

- la décision en litige ne saurait en tout état de cause légalement considérer comme non rattachables à l'activité de formation professionnelle des dépenses de la société tout en les considérant également comme des recettes non justifiées en l'absence de réalisation des actions de formation ;
- à supposer que les enseignements dispensés dans le cadre des contrats de professionnalisation relèvent du champ de la formation professionnelle continue, les actions correspondantes sont justifiées dans leur exécution ;
- les interventions de la société Esic à son profit sont justifiées ;
- l'intégralité des prestations de la société Callshine Ltd est justifiée ;
- le rattachement à son activité de prestataire de formation des dépenses figurant au compte de charges 625700 est justifié ;
- les dépenses engagées au profit d'entreprises clientes ont été réalisées et la décision attaquée ne remet d'ailleurs pas en cause la réalisation de l'ensemble des actions de formation correspondantes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2017, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 30 mai 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 9 juillet 2018.

Par courrier du 19 décembre 2018, les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin de décharge des sommes figurant sur l'avis de mise en recouvrement notifié le 20 décembre 2016.

La société Unigram a présenté des observations sur le moyen relevé d'office par la Cour le 2 janvier 2019.

Elle soutient qu'elle est recevable à invoquer pour la première fois en appel l'inexistence juridique de l'avis de mise en recouvrement, moyen d'ordre public.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :

- le code du travail,
- les décisions du Conseil constitutionnel n° 2012-273 QPC du 21 septembre 2012 et n° 2016-619 QPC du 16 mars 2017,
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Guilloteau,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- et les observations de Me Sebban, avocat de la société Unigram.

Considérant ce qui suit :

1. La société Unigram, qui a fait enregistrer une déclaration d'activité portant sur la réalisation de formation professionnelle continue, a fait l'objet en 2014 d'un contrôle de son activité portant sur les exercices...

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