CAA de PARIS, 8ème chambre, 10/07/2018, 16PA03523, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. LAPOUZADE
Judgement Number16PA03523
Record NumberCETATEXT000037188622
Date10 juillet 2018
CounselSKADDEN ARPS SLATE MEAGHER FLOM LLP
CourtCour administrative d'appel de Paris (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Mory SA a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 26 février 2007 par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a rejeté ses demandes, formées par courrier du 3 janvier 2007, visant, d'une part, l'émission d'un arrêt de débet contre le Sernam pour la récupération de l'aide de 41 millions d'euros déclarée incompatible avec le marché commun par la Commission européenne dans sa décision du 20 octobre 2004 et, d'autre part, l'émission d'un arrêt de débet contre celui des bénéficiaires qui dispose aujourd'hui des aides à la restructuration du Sernam en vue de sa cession.

Par un jugement avant dire droit du 29 juillet 2011, le Tribunal administratif de Paris a ordonné un supplément d'instruction contradictoire, à l'effet de demander à la Commission européenne d'adresser au tribunal les informations mentionnées dans les motifs dudit jugement, dans un délai de trois mois suivant sa notification.

Par un jugement n° 0706278/4-1 du 29 septembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision attaquée mais a rejeté la demande tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de l'économie et des finances de récupérer les aides déclarées incompatibles avec le marché commun par la Commission européenne.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire enregistrée le 30 novembre 2016, un mémoire ampliatif enregistré le 2 février 2017 et deux mémoires récapitulatifs enregistrés les 19 juillet et 15 décembre 2017, et un nouveau mémoire enregistré le 27 mars 2018, la société Mory SA, représentée par Me C...et Me Loubières, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0706278/4-1 du 29 septembre 2016 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté la demande tendant à que soit prononcée une injonction de récupération des aides déclarées incompatibles par la décision Sernam 3 et la demande tendant à ce qu'il soit procédé avant dire droit à un renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union européenne en appréciation de validité de la décision Sernam 4 ;

2°) de constater que la décision Sernam 4 soulève des doutes quant à sa validité en premier lieu au regard de la compétence de la Commission pour l'adopter, en deuxième lieu au regard du respect de la procédure et de la sauvegarde des droits fondamentaux des parties, et en troisième lieu au regard de l'absence de base légale et des erreurs manifestes de fait et de droit qu'elle est susceptible de comporter ;

3°) d'ordonner le renvoi préjudiciel devant la Cour de justice de l'Union européenne sur le fondement de l'article 267 TFUE et de soumettre à la Cour de justice la question de la validité de la décision de la Commission européenne du 4 avril 2012, dite Sernam 4, au regard des dispositions TFUE et du droit dérivé relatif aux aides d'Etat ;

4°) de surseoir à statuer sur la demande d'injonction de récupération objet du présent litige dans l'attente de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne statuant sur renvoi préjudiciel ;

5°) de condamner l'Etat au versement d'une somme de 30 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas suffisamment motivé son refus d'opérer un renvoi préjudiciel et a violé les droits procéduraux de la requérante tirés tant du droit de l'Union que de l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle n'a pas pu répondre aux conclusions de l'avocat général devant la Cour ;
- le jugement attaqué omet de répondre à de nombreux moyens soulevés par la partie appelante dans sa requête introductive d'instance devant le Tribunal de l'Union européenne, alors que l'appelante se réfère explicitement à cette requête dans son mémoire récapitulatif ;
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a rejeté l'existence de tout doute sérieux quant à la décision Sernam 4 et a considéré que celle-ci ne présentait pas de difficultés sérieuses ;
- le tribunal administratif a excédé sa compétence pour apprécier la validité de la décision Sernam 4, ignoré le monopole de décision de la Cour de justice et dénaturé l'arrêt de la Cour en date du 17 septembre 2005 ;
- le tribunal administratif a porté atteinte aux droits garantis par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en matière de protection des droits procéduraux dans les procédures communautaires et nationales ;
- l'absence de diligence du tribunal administratif et la durée anormale de la procédure emportent des conséquences importantes sur l'état présent de la procédure.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 avril 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'économie et des finances fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par deux mémoires, présentés le 25 octobre 2017 et le 15 mars 2018, la société Géodis Calberson, représentée par Me Autret, conclut au rejet de la requête de la société Mory S.A et à ce que cette dernière soit condamnée à lui verser la somme de 5 000 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Géodis Calberson fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
- le code de commerce,
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Luben,
- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,
- les observations de Me Loubières, avocat de la société Mory S.A,
- et les observations de Me Autret, avocat de la société Géodis Calberson.
Considérant ce qui suit :

1. Depuis sa création en 1970 sous la forme d'un département interne de la SNCF, le Sernam effectuait principalement des activités de transport de colis sur le marché du groupage qui inclut essentiellement les services de messagerie traditionnelle ou expresse, ainsi que, dans une moindre mesure, sur le marché de l'affrètement et de la logistique. Cette activité reposait sur des moyens d'infrastructures (plateformes de groupage) et de transport (location de trains et/ou moyens de traction et, principalement, flotte de camions). Le réseau d'infrastructures est demeuré jusqu'en 2000 un service interne de la SNCF, identifié sous le nom deF..., tandis qu'à compter de 1993, Sernam Transport SA, filiale à 100 % de la SNCF, et les vingt-quatre filiales qu'elle comptait en 2000, assuraient la part transport de l'activité. Au 1er février 2000, l'ensemble de l'activité a été filialisée sous la dénomination SCS Sernam, rassemblant les actifs immobilisés de Sernam Domaine et les titres de participation de Sernam Transport dans ses vingt-quatre filiales. En 2001, cette entité a pris la forme d'une société holding, Sernam SA. Les pertes enregistrées sur une longue période par Sernam Domaine ont conduit la SNCF à élaborer à compter de 1996 un projet de restructuration de l'activité d'ensemble de Sernam SA...

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