CAA de PARIS, 8ème chambre, 10/07/2020, 18PA01712, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. LAPOUZADE
Date10 juillet 2020
Record NumberCETATEXT000042113902
Judgement Number18PA01712
CounselZRANN
CourtCour administrative d'appel de Paris (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) de Villeneuve-Saint-Georges à lui verser une somme de 2 959 910,42 euros à parfaire, avec intérêts moratoires à compter de la présentation de sa demande, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises à l'occasion de sa prise en charge par cet établissement public.

Par un jugement n° 1606708 du 2 mars 2018, le tribunal administratif de Melun a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à verser à Mme A... la somme de 297 321,35 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2014 et a rejeté les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne.


Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 mai 2018 et 20 février 2019, Mme A..., représentée par Me C..., demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de réformer le jugement n° 1606708 du 2 mars 2018 du tribunal administratif de Melun en toutes ses dispositions ;

2°) d'ordonner avant dire droit une expertise pour déterminer notamment les causes et les origines des conséquences dommageables subies par Mme A... lors de sa prise en charge par le CHI de Villeneuve-Saint-Georges ainsi que le taux d'incapacité issu de l'erreur médicale commise et de procéder à l'évaluation de ses préjudices ;

3°) de condamner le centre hospitalier intercommunal (CHI) de Villeneuve-Saint-Georges, le cas échéant solidairement avec l'ONIAM, à lui verser une somme de 2 959 910,42 euros à parfaire, avec intérêts moratoires à compter de la présentation de sa demande préalable en réparation des préjudices ou de l'enregistrement de sa demande contentieuse qu'elle estime avoir subis du fait des fautes commises à l'occasion de sa prise en charge par cet établissement public ;

4°) de prendre acte de la contestation du rapport d'expertise du 30 mars 2015 qui conclut à l'existence " très vraisemblablement d'une affection iatrogène " ;

5°) d'accorder l'indemnisation du préjudice sous forme de capital ou sous forme de versement d'une rente et, dans ce cas, d'indexer celle-ci conformément à l'article L. 1142-14 alinéa 3 du code de la santé publique ;

6°) à titre subsidiaire, si la responsabilité du CHI de Villeneuve-Saint-Georges n'était pas engagée, de condamner l'ONIAM à l'indemniser de l'ensemble de ses préjudices avec intérêts et frais ;

7°) de mettre à la charge du CHI de Villeneuve-Saint-Georges une somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour la première instance et l'appel ;

8°) de condamner le CHI de Villeneuve-Saint-Georges aux dépens.

Elle soutient que :

- dès lors que des fautes ont été commises par l'anesthésiste du CHI de Villeneuve-Saint-Georges, il ne s'agit pas d'une affection iatrogène ;
- l'anesthésie locorégionale réalisée le 20 février 2012, responsable de l'atteinte du nerf crural et de la paralysie complète du quadriceps du membre inférieur droit, a été réalisée sans que, alors qu'elle était mineure, sa mère ait préalablement été informée de l'administration de ce traitement et des risques de lésions nerveuses qu'il comportait ; ce manquement à l'obligation d'information, lui-même constitutif d'un manquement à l'obligation de consentement, est à l'origine d'une perte de chance de se soustraire à la lésion nerveuse qui en a résulté ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le risque était suffisamment connu pour faire l'objet d'une information ;
- une faute a été commise lors de la réalisation du bloc fémoral, en l'absence préalablement à l'anesthésie loco-régionale, d'évaluation neurologique et de repérage préalable du nerf fémoral, du fait que cet acte a été réalisé contre l'avis ou les instructions du chirurgien, que l'acte médical n'est pas conforme et que sa pratique sur un patient sous anesthésie générale n' a pas permis de détecter et prévenir la complication neurologique ;
- une faute a été commise du fait du retard de diagnostic dès lors que l'injection a occasionné une douleur dont la nature aurait dû conduire à prescrire immédiatement des examens neurologiques, faute qui est à l'origine d'une perte de chance de recouvrer l'usage de la jambe droite ;
- la date de consolidation a été fixée au 15 avril 2014, alors qu'une évolution défavorable était encore possible après cette date ;
- les sommes qui doivent être allouées au titre des différents préjudices subis sont celles dont elle a sollicité l'indemnisation en première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2019, le centre hospitalier intercommunal (CHI) de Villeneuve-Saint-Georges, représenté par Me D..., demande à la Cour :

A titre principal :

1°) de confirmer le jugement n° 1606708 du 2 mars 2018 du tribunal administratif de Melun en toutes ses dispositions ;

2°) d'homologuer le rapport d'expertise déposé par les docteurs Bakouche et Gizardin ;

3°) de rejeter la demande d'expertise avant dire-droit formulée par Mme A..., en l'absence d'utilité d'une telle mesure ;

4°) de rejeter la demande indemnitaire de la requérante, en ce qu'elle est dirigée à l'encontre du CHI Villeneuve-Saint-Georges ;

5°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens ;

À titre subsidiaire :

6°) si la Cour estimait que le CHI de Villeneuve Saint Georges a commis un manquement à son obligation d'information de constater que ce dernier n'est à l'origine d'aucune perte de chance et de constater l'existence du seul préjudice d'impréparation ;

7°) d'allouer à Mme A... de ce chef de préjudice une somme qui ne saurait excéder 3 000 euros ;

8°) de rejeter toutes autres demandes en ce qu'elles seraient dirigées à l'encontre du CHI de Villeneuve Saint Georges ;

9°) de statuer ce que de droit quant aux frais irrépétibles et aux dépens ;


A titre infiniment subsidiaire :

10°) si la Cour estimait que le CHI de Villeneuve Saint Georges a commis un manquement à son obligation d'information à l'origine d'une perte de chance de se soustraire au risque : de dire que le taux de perte de chance ne saurait excéder 2 % et de limiter l'indemnisation allouée à Mme A... à 2 % de la somme totale de 292 233,01 euros, soit 5 845 euros, auquel s'ajoute la somme de 3 000 euros pour le préjudice d'impréparation, soit une condamnation totale limitée au versement de la somme de 8 845 euros ;

11°) de statuer ce que de droit quant aux frais irrépétibles et aux dépens.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense et en appel incident, enregistré le 21 février 2019, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par son directeur et ayant pour avocat Me F..., demande à la Cour :

1°) de juger que l'ONIAM s'en rapporte à l'appréciation de la Cour sur l'ouverture du droit à indemnisation par la solidarité nationale, étant précisé que si la responsabilité pour faute du CHI de Villeneuve Saint George est retenue, elle sera exclusive de toute indemnisation au titre de la solidarité nationale et le jugement sera réformé en ce sens ;

2°) de juger que toute indemnisation mise à la charge de l'ONIAM s'entend déduction faite des prestations reçues par les organismes sociaux pour les mêmes chefs de préjudice ;

3°) de rejeter, à défaut de production des créances des organismes sociaux de Mme A..., les demandes indemnitaires portant sur les dépenses de santé actuelles ou subsidiairement, de réduire à de plus justes proportions cette indemnisation sans que celle-ci n'excède la somme de 301,50 euros ;

4°) de réduire à de plus justes proportions les demandes indemnitaires sans que ces montants n'excèdent les sommes suivantes :
- 141 611,60 euros au titre de l'assistance par une tierce personne permanente,
- 81 141 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
- 8 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

5°) de rejeter l'indemnisation sollicitée au titre du préjudice esthétique temporaire ;

6°) de juger que le point de départ des intérêts au taux légal applicable aux indemnisations allouées à Mme A... est la date du prononcé de la décision des juges ;

7°) de confirmer le jugement rendu par le tribunal administratif de Melun le 2 mars 2018 pour le surplus.




Il soutient que :

- s'agissant des préjudices patrimoniaux, la somme de 603 euros allouée au titre des dépenses de santé actuelles par les premiers juges ne peut être maintenue en l'absence de production des créances des organismes sociaux alors que seule la part non remboursée par ces organismes est susceptible d'être prise en charge par la solidarité nationale et, subsidiairement, en cas de production des justificatifs permettant de démontrer que cette somme est effectivement restée à sa charge, un abattement forfaitaire de 50 % doit être appliqué correspondant à la " contribution minimale " représentant les dépenses que l'hospitalisé aurait normalement supportées, qu'il soient ou non à l'hôpital, soit une somme maximale de 301,50 euros ;
- s'agissant de l'assistance par une tierce personne, il sollicite que la somme allouée à ce titre soit...

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