CAA de VERSAILLES, 7ème chambre, 03/10/2019, 17VE02004, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeMme HELMHOLTZ
Judgement Number17VE02004
Record NumberCETATEXT000039335430
Date03 octobre 2019
CounselSELARL BDL AVOCATS
CourtCour administrative d'appel de Versailles (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Intuigo a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales ainsi que des pénalités auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2006 et 2007, ainsi que le remboursement d'un crédit d'impôt recherche au titre de l'année 2008 et, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de renvoyer à la juridiction pénale le soin d'apprécier l'inscription de faux à l'encontre de divers documents établis ou utilisés par l'administration fiscale au cours des différentes procédures de rectification dont elle a fait l'objet, ou de renvoyer sur ce point l'affaire au Tribunal des conflits.

Par une ordonnance n°1425082 du 1er juillet 2016, la présidente de la 7ème chambre du Tribunal administratif de Montreuil a refusé de transmettre la question de la constitutionnalité de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales qui lui avait été soumise par la SARL Intuigo.

Par un jugement n° 1425082 du 24 avril 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a déchargé la SARL Intuigo des pénalités pour manquement délibéré assignées à cette dernière au titre de ses exercices clos en 2006 et en 2007 et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 22 juin 2017 et le 11 septembre 2019, la SARL Intuigo, représentée par Me Lallement, avocat, demande à la Cour :

1°) de réformer toutes les dispositions du jugement du 24 avril 2017 qui lui font grief ;

2°) d'inscrire en faux certains documents ou à défaut, de transmettre cette demande à la juridiction pénale ou au Tribunal des conflits et de surseoir à statuer dans l'attente ;

3°) de lui accorder le remboursement intégral des crédits d'impôt recherche, d'un montant respectif de 754 116 euros, 577 484 euros et 562 616 euros dont elle dispose au titre de ses exercices clos en 2006, 2007 et 2008, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la décision à intervenir, ainsi que la décharge des pénalités qui lui ont été appliquées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 12 175 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SARL Intuigo soutient que :

- le jugement est irrégulier car les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens tirés de l'inscription de faux de certains documents utilisés par l'administration fiscale, du défaut de motivation de la proposition de rectification et du respect des droits de la défense et de l'atteinte à la décision du Conseil Constitutionnel n° 82-124 L ;
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le tribunal administratif ne s'est pas prononcé de manière motivée sur les moyens tirés de l'invocation du droit de l'Union européenne qu'elle avait soulevés ;
- il est entaché d'une contradiction de motifs ;
- l'administration a méconnu les dispositions des articles L. 60 et R. 60-1 du livre des procédures fiscales ;
- l'administration a porté atteinte aux droits de la défense et méconnu les dispositions des articles R. 45 B-1, L. 76 B du livre des procédures fiscales, ainsi que les stipulations de l'article 6-3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'administration, qui n'a pas répondu sous soixante jours au courrier du 3 février 2011, a méconnu les dispositions de l'article L. 57 A du livre des procédures fiscales ;
- la durée de la vérification de comptabilité a excédé les délais mentionnés à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ou, à tout le moins, méconnu les règles définies à l'article L. 51 de ce code ;
- l'expertise réalisée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie n'a pas été impartiale ;
- la proposition de rectification du 20 juin 2011, comme la réponse à ses observations sur cette proposition, méconnaissent les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, ainsi que le paragraphe 3 de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les rappels pour 2006 et 2007 sont intervenus après l'expiration du délai de reprise ;
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article 244 quater B du CGI dès lors qu'elle s'est écartée des taux fixés par ce texte en déterminant de manière arbitraire un taux de 40 % pour la prise en compte de ses dépenses de personnel ;
- l'administration ne pouvait remettre en cause l'éligibilité de ses projets au crédit d'impôt recherche dès lors que lui avait été accordé, par rescrit du 3 juin 2005, le statut de jeune entreprise innovante prévu à l'article 44 sexies-0 A du code général des impôts, notamment au vu du paragraphe 223 de l'instruction 13-L-11-10 ;
- elle entend se prévaloir du paragraphe 32 de l'instruction 4 A-3-12 du 21 février 2012 qui lui permet d'englober dans les travaux éligibles l'ensemble des travaux des ingénieurs de recherche, même si ceux-ci n'ont pas consacré 100 % de leurs travaux à la recherche ;
- les dépenses afférentes à ses ingénieurs stagiaires sont intégralement éligibles au crédit d'impôt recherche alors même que les stagiaires ne sont pas salariés de l'entreprise, dès lors que ceux-ci travaillaient en étroite collaboration avec les chercheurs pour assurer le soutien technique indispensable aux projets de recherches éligibles au crédit d'impôt de recherche ;
- les stagiaires étaient tous des élèves ingénieurs ou élèves en master informatique et la mise à disposition de l'administration des conventions de stages et des diplômes obtenus au terme du stage est établie par un constat de l'huissier de justice, l'administration l'ayant au demeurant elle-même reconnu dans sa réponse aux observations du contribuable ;
- l'affectation des stagiaires aux travaux de recherche et leur activité en collaboration sur le projet de recherche avec les ingénieurs est actée dans les rapports hebdomadaires constatés par l'huissier de justice ;
- la lettre du vérificateur du 5 novembre 2009, les propositions de rectification mentionnant l'absence de production des justificatifs des sous-traitants, l'expertise " pour établir un rejet ", la lettre du 11 juin 2010 rédigée par le personnel de l'administration centrale des impôts sur l'entête du ministère de la recherche et les mémoires de l'administration reprenant le contenu de ces documents sont des faux ;
- elle a fourni tous les justificatifs nécessaires aussi bien pour son personnel interne que pour ses sous-traitants agréés par le ministère de la Recherche, à savoir l'entreprise WZ consulting et Onyx Promavi, sous la forme de la présentation lot par lot du projet et des travaux, de l'affectation des ressources humaines lot par lot, du planning, des rapports hebdomadaires du travail effectué, des rapports d'étude détaillés, des prototypes de recherche, d'un CD-ROM contenant les programmes sources et de la justification des contrats, agréments, CV et diplômes des personnels de recherche.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi du 29 juillet 1881 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- les conclusions de Mme Danielian, rapporteur public,
- et les observations de M. A..., gérant de la SARL Intuigo.

Une note en délibéré présentée par *** a été enregistrée le ***.


1. Il résulte de l'instruction que la société à responsabilité limitée (SARL) Intuigo qui exerce une activité d'éditeur de logiciels, a sollicité les 4 juin 2007, 6 mai 2008 et 5 septembre 2009, le remboursement de trois crédits d'impôt recherche au titre des années 2006, 2007 et 2008, à hauteur, respectivement, de 156 313 euros, 154 450 euros et 562 616 euros. L'administration fiscale a fait droit à sa demande pour 2006, a limité le remboursement sollicité pour 2007 à 124 945 euros et a rejeté sa demande pour 2008. La société a ensuite fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur ces différents crédits d'impôts à compter du 11 septembre 2009. Le 15 octobre suivant, le service a saisi la délégation régionale à la recherche et à la technologie d'Ile-de-France afin de vérifier la réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt de la SARL Intuigo au titre de chacune des années concernées. A l'issue de ces contrôles, elle a estimé que seuls 40 % des travaux réalisés par cette société répondait à la définition des opérations de recherche au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts. Elle a, en outre, exclu des travaux ainsi reconnus éligibles au crédit d'impôt, les factures d'un montant total de 120 000 euros correspondant aux prestations réalisées en 2006 par la SARL Onyx Promavi, les charges de personnel afférentes à des stagiaires rémunérés par l'entreprise à hauteur de 11 753 euros, de 13 787 euros et de 4 463 euros en 2006, 2007 et 2008, ainsi que les factures afférentes aux prestations réalisées par l'entreprise individuelle de M. G... A... d'un montant de 755 820 euros HTTH, 731 655 euros HT et 673 080 euros HT au titre respectivement des années 2006 à 2008. Par une proposition de rectification du 21 décembre 2009...

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