Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 26/04/2018, 15BX02295, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeMme GIRAULT
Date26 avril 2018
Record NumberCETATEXT000036848815
Judgement Number15BX02295
CounselCABINET CLAISSE & ASSOCIES
CourtCour administrative d'appel de Bordeaux (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Eiffage TP SO a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le département des Landes à lui verser la somme totale de 1 189 941,59 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 29 août 2012, en règlement du marché de travaux relatif à la réalisation de trois ouvrages d'art et à la réhabilitation d'une ancienne décharge dans le cadre de l'opération de franchissement routier Est de l'agglomération dacquoise.

Par un jugement n°1301975 du 7 mai 2015, le tribunal administratif de Pau a condamné le département des Landes à verser à la société Eiffage TP SO une indemnité de 435 669 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 29 août 2012.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 2 juillet 2015 et le 20 juin 2016, le département des Landes, pris en la personne du président du conseil départemental, représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau en date du 7 mai 2015 ;

2°) de réduire le montant de la condamnation à de plus justes proportions correspondant à la réalité du préjudice allégué ;

3°) de mettre à la charge de la société Eiffage TP SO la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Il soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur l'irrecevabilité opposée concernant la demande indemnitaire afférente à l'immobilisation des équipes d'exécution et d'encadrement ainsi que du matériel pendant 9 jours en raison des délais d'intervention des sociétés ERDF et SNCF. Le jugement attaqué n'est donc pas suffisamment motivé ;
- s'agissant des surcoûts de main d'oeuvre d'exécution, s'il ne conteste pas la qualification de sujétions imprévues, la société Eiffage ne peut solliciter le règlement des heures effectuées par les agents d'exécution des sociétés Sendin, Mills et APLM dès lors qu'elle ne justifie pas d'un titre pour agir pour le compte de ces sociétés, qui sont des prestataires ou des sous-traitants. En outre, au regard du nombre d'heures prévues dans l'offre du groupement et du nombre d'heures comptabilisées et rémunérées, le différentiel doit être ramené à 181,55 heures, soit un surcoût de 6 281,23 euros, largement inférieur à la somme de 89 169,44 euros allouée par le tribunal administratif. Le reliquat de la somme demandée n'est nullement justifié, alors que le tribunal administratif ne pouvait se borner à reprendre la somme recommandée par l'avis du comité consultatif de règlement amiable des marchés publics ;
- s'agissant des surcoûts liés à la hausse du prix des aciers, il ne peut être fait application de la théorie de l'imprévision, celle-ci ne concernant que les évènements imprévisibles et extérieurs aux parties et entraînant un bouleversement de l'économie du contrat. En l'espèce, la variation du cours de l'acier n'était pas imprévisible puisqu'elle était prévue par le contrat, qui comporte une clause de révision des prix. De plus, le surcoût ne représente qu'un " déficit " de 6,5% du montant total du marché, ce qui ne caractérise pas un bouleversement de son économie au regard du seuil de 10% habituellement retenu par la jurisprudence. Enfin, le montant de l'indemnité due en application de la théorie de l'imprévision ne peut couvrir la totalité du préjudice allégué, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal. De plus, s'agissant d'un professionnel avisé, il incombait à la société Eiffage SO d'intégrer cet aléa dans la révision du prix ;
- quant aux demandes réitérées par l'intimée devant la cour, s'agissant des surcoûts de personnel d'encadrement, comme l'a relevé le tribunal, les coûts allégués ont été compensés par une réduction du délai global de réalisation des travaux de génie civil qui ont été achevés début juin 2011 alors que le planning prévisionnel prévoyait un achèvement à la fin du mois de septembre 2011. En tout état de cause, les documents produits ne sont pas insuffisants pour établir la réalité des surcoûts allégués en l'absence de cohérence entre les noms figurant dans le schéma organisationnel du plan d'assurance qualité (SOPAQ) avec ceux des personnes finalement intervenues sur le marché. Cette discordance démontre que les salariés initialement prévus ont travaillé pour un autre chantier. Par ailleurs, les bulletins de paie produits ne permettent pas d'établir un travail à temps plein sur le chantier en l'absence de précisions sur l'affectation des intéressés. Ces coûts supplémentaires ne sont donc pas justifiés ;
- s'agissant des coûts supplémentaires de matériels de coffrage, si le calendrier prévisionnel prévoyait une réalisation simultanée des culées des deux ouvrages, le bordereau des prix unitaires joints à l'offre prévoit deux séries de prix distinctes pour les coffrages. En toute hypothèse, la société n'aurait pu techniquement utiliser les mêmes matériaux de coffrage pour les deux ouvrages qui présentent des géométries différentes tant pour les pieux de la culée que pour les piles et les fûts architecturés. Le coût supplémentaire du troisième moule de préfabrication pour la réalisation des dalles des tabliers est imputable au choix tardif du sous-traitant et au retard qui en a découlé dans le planning de production des dalles. Les factures produites pour justifier ces dépenses ne sont pas cohérentes. En tout état de cause, il n'est pas établi que ces prestations aient été validées par le maître d'oeuvre ;
- s'agissant des coûts supplémentaires de matériaux de levage, le gain entre la somme perçue pour une durée de quinze mois et la durée effective du chantier qui a été de douze mois compense largement la dépense supplémentaire ;
- s'agissant des coûts supplémentaires des travaux de forage de pieux sur l'OA Sud, le groupement s'est engagé à ne pas générer de plus-value par rapport à la solution initiale du marché. En tout état de cause, le prix comprenait les frais de déplacement de l'atelier ;
- s'agissant des prix nouveaux, la fermeture de l'accès à la culée C2 de l'OA Nord a nécessité une surface réduite de grilles de sorte que le coût des deux grilles de sécurité supplémentaires a été compensé. En ce qui concerne la réparation du câble ERDF arraché, la responsabilité incombe à la prestataire puisqu'elle n'a pas respecté les recommandations d'ERDF. En ce qui concerne les aciers spéciaux, la mise en place de coupleurs est un choix de la société qui ne peut donner lieu à rémunération complémentaire, la fourniture et la mise en oeuvre des coupleurs étant rémunérée par les prix des armatures comme le rappelle le bordereau des prix unitaires. Il en va de même de la mise en place de boîtes d'attente qui est également un choix constructif ;
- s'agissant de la révision des prix, la société a approuvé le CCAP lors du dépôt de son offre. L'avenant dont se prévaut la société ne peut être utilement invoqué puisqu'il n'a jamais été approuvé par le département. En outre, cet avenant serait illégal puisqu'il modifie les conditions financières du marché ;
- le pourcentage des frais généraux est de 13,7% et non 14,1%.


Par deux mémoires en défense et un bordereau de production de pièces, enregistrés le 6 mai 2016 et le 26 août 2016, la société Eiffage génie civil, venant aux droits de la société Eiffage, représentée par MeB..., conclut :

- à la réformation du jugement du tribunal administratif de Pau du 7 mai 2015 en tant qu'il n'a pas accueilli l'intégralité de sa demande ;
- à la condamnation du département des Landes à lui verser la somme de 994 934,19 euros hors taxes, soit 1 189 941,59 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires à compter du 29 août 2012 ;
- à ce que soit mise à la charge du département des Landes la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que le timbre fiscal.


Elle fait valoir que :

- elle a été confrontée à des difficultés imprévues ouvrant droit à indemnisation en vertu de la théorie de l'imprévision ;
- le marché, qui devait être notifié le 1er juin 2010, n'a été notifié que le 17 juin 2010 avec date d'effet au 21 juin suivant. Ce retard a impliqué de modifier le calendrier d'exécution afin de pouvoir respecter les dates de lancement des ouvrages. Une fois ce nouveau calendrier remis le 27 juillet 2010, le groupement a été avisé de difficultés concernant des libérations d'emprises faisant obstacle au respect de ce nouveau calendrier. Le groupement a donc remis le 25 août 2010 un nouveau calendrier d'exécution intégrant l'ensemble de ces difficultés et assorti de réserves concernant les conditions économiques d'exécution des appuis. En conséquence de quoi, la date de démarrage notifiée par le maître d'ouvrage, le 23 août 2010, réduit le délai d'exécution, fixé à sept mois dans le calendrier prévisionnel établi par le maître d'oeuvre, à quatre mois. Afin de respecter les dates de lançage prévues par le marché, le groupement a dû proposer de nouvelles modalités d'exécution du marché qui nécessitaient des moyens humains et matériels supplémentaires, modifiant ainsi les conditions économiques de son offre ;
- afin de pouvoir respecter les délais, le nouveau calendrier d'exécution a supprimé le délai de consolidation des sols sous les plateformes de lançage. Le groupement a avisé la maîtrise d'oeuvre des risques induits par la suppression de ce délai. Cette dernière a eu des...

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