Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 21 octobre 2015, 14-19.807, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Louvel
ECLIECLI:FR:CCASS:2015:C101128
Case OutcomeCassation
Date21 octobre 2015
Appeal Number11501128
CounselSCP Bénabent et Jéhannin,SCP Piwnica et Molinié
Docket Number14-19807
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2016, n° 838, 1re Civ., n° 385

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches :

Vu les articles L. 211-4 et L. 212-1 du code du patrimoine, ensemble l'article L. 2112-1 du code de la propriété des personnes publiques ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Murat X..., descendant du général François X..., qui a commandé le corps du génie durant plusieurs campagnes napoléoniennes, a décidé d'aliéner en partie, à l'occasion d'une vente publique organisée en 2003, divers plans, dessins, croquis et cartes conservés par sa famille depuis le décès de son ancêtre, en 1833 ; que le ministre de la défense s'est opposé à cette vente et a assigné M. Murat X... en revendication de ces documents ; que le tribunal administratif initialement saisi a reconnu la qualité d'archives publiques à ces documents et enjoint à M. Murat X... de les restituer ; que le Tribunal des conflits, saisi par le Conseil d'Etat, a décidé que les tribunaux judiciaires étaient compétents pour connaître du litige opposant M. Murat X... au ministre de la défense ;

Attendu que, pour dire que les documents composant le fonds d'archives du général X... constituaient des archives privées et rejeter l'action en revendication du ministre de la défense, l'arrêt énonce, d'une part, que les documents étaient, en grande partie, des " doubles ou copies ", ainsi qu'il était d'usage d'en conserver sous l'Empire, d'autre part, que l'administration, en acceptant cette pratique au regard du fonds d'archives dont elle connaissait l'ampleur et la nature, avait, implicitement mais nécessairement, reconnu le caractère privé de ces archives et avait orienté sa revendication sélective dans le seul but de combler les manques dans les collections de l'Etat ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure le caractère public de ces archives, la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme il le lui était demandé, si les documents n'avaient pas été établis par le général X... et ses subordonnés dans l'exercice de leurs fonctions, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la cinquième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne M. Murat X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un octobre deux mille quinze.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour le ministre de la Défense

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les documents composant le fonds d'archives X... constituent des archives privées au sens des dispositions de l'article L. 211-5 du Code du patrimoine et d'avoir débouté le Ministère de la Défense de son action en revendication ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « le problème soumis à l'appréciation de la cour est de déterminer si les archives du général Murat X... constituent des archives publiques appartenant au Ministère de la Défense ou si elles constituent des archives privées appartenant à François Murat X... ;

Que le droit applicable à la matière est circonscrit aux quatre textes suivants :

- l'article L 2112-1 du code de la propriété des personnes publiques qui dispose que font partie du domaine public de la personne publique propriétaire « les biens présentant un intérêt public du point de vue de l'histoire, de l'art, de l'archéologie, de la science ou de la technique » ;

- l'article L 211-1 du code du patrimoine qui définit les archives comme « l'ensemble des documents, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l'exercice de leur activité » ;

- l'article L 211-4 du code du patrimoine qui définit les archives publiques comme « les documents qui procèdent de l'activité de l'Etat, des collectivités territoriales, des établissements et entreprises publiques, les documents qui procèdent de l'activité des organismes de droit privé chargés de la gestion des services publics ou d'une mission de service public, les minutes et répertoires des officiers publics et ministériels » ;

- l'article L 211-5 du code du patrimoine qui définit les archives privées comme « l'ensemble des documents définis à l'article L 211-1 qui n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L 211-4 » ;

Qu'en l'espèce, pendant la phase administrative de l'instance, avant que le tribunal des conflits ne tranche en faveur de la compétence du juge judiciaire, deux expertises avaient été confiées respectivement à Thierry A..., expert près la cour d'appel de Paris, et Fabrice B..., expert membre de la Compagnie Nationale des Experts ; qu'après que chacun d'eux ait souligné la très grande complexité quant à la qualification publique ou privée des archives litigieuses, les experts concluent ainsi leur rapport :

- Thierry A... : « Les archives Murat X... nous semblent bien devoir être considérées comme un fonds privé constitué en parallèle des versements réglementaires aux archives publiques » ;

- Fabrice B... : « Sauf à admettre que tout document rédigé par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions est un document public, l'ensemble de l'argumentation que nous avons développé nous fait pencher pour un fonds privé » ;

Que François Murat X..., intimé, conclut au caractère privé du fonds d'archives Murat X... en faisant valoir que :

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