Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 6 avril 2016, 14-23.938, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Frouin
ECLIECLI:FR:CCASS:2016:SO00743
Case OutcomeCassation partielle
Publication au Gazette officielBulletin d'information 2016 n° 849, V, n° 1250
Appeal Number51600743
Date06 avril 2016
CounselSCP Baraduc,Duhamel et Rameix,SCP Masse-Dessen,Thouvenin et Coudray
Docket Number14-23938
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la SNCF en qualité d'apprenti matériel à compter de septembre 1989 et affecté aux établissements du Mans ; qu'intégré au cadre permanent en septembre 1991, il a été promu agent de maîtrise en février 1999 et affecté à Saint-Brieuc ; qu'au moment de la saisine de la juridiction prud'homale, il occupait le poste d'horairiste AHT (Avis Hebdomadaire, Travaux), correspondant à la qualification E, niveau II, position 19, au sein du BHR (Bureau Horaire Régional) ; qu'il a exercé différents mandats de représentant du personnel à compter de 1994 ; qu'une mise à pied d'un jour ouvré avec sursis lui a été notifiée le 28 avril 2011 ; qu'estimant être victime d'une discrimination syndicale, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir son reclassement, des dommages-intérêts et l'annulation de la mise à pied ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le salarié doit être reclassé à la qualification F position 21 à compter du 1er septembre 2008 et à la position 22 à compter 1er juin 2011, d'ordonner en tant que de besoin ce reclassement et l'établissement de bulletins de salaire conformes sous astreinte, et de le condamner au paiement des arriérés de salaires correspondants, de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, alors, selon le moyen :

1°/ que l'existence d'une disparité de traitement ne peut laisser supposer l'existence d'une discrimination qu'à la condition que la situation de l'intéressé soit comparée à celle d'autres salariés placés dans une situation identique ou comparable à la sienne, c'est-à-dire avec des salariés ayant une ancienneté, des diplômes, des fonctions, une qualification et une expérience professionnelle analogues ; qu'en affirmant, pour faire droit à la demande de M. X... qu'il produisait des éléments sérieux de nature à caractériser une discrimination à raison de son activité syndicale sans même constater, ainsi qu'elle y était invitée par l'employeur, que les salariés avec lequel M. X... se comparait n'avaient pas une ancienneté, des diplômes, des fonctions, une qualification et une expérience professionnelle analogues, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

2°/ que l'accès à la qualification supérieure se fait en fonction des vacances au sein de cette qualification et en fonction des qualités et des connaissances nécessaires des agents dans la qualification à acquérir et ne revêt aucun caractère automatique ; que la société SNCF faisait valoir qu'il était impossible de comparer des évolutions de carrière, reposant sur l'acquisition de compétences particulières, sans avoir démontré au préalable disposer des compétences requises ; qu'en faisant droit à la demande de M. X... au motif qu'il établissait des éléments sérieux sans même rechercher si le salarié établissait disposer des compétences requises pour obtenir la qualification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

3°/ que lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en se fondant exclusivement sur les panels versés aux débats par le salarié sans même examiner les comparaisons de carrière de M. X... avec les parcours professionnels d'autres agents versées aux débats par l'employeur, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

4°/ que dans le cadre de leur appréciation de l'existence d'une discrimination syndicale, les juges du fond ne peuvent se substituer à l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction sur l'intéressé ; que la notation et l'avancement des agents relevant du pouvoir de direction de l'employeur, le juge ne peut dès lors se substituer à la SNCF et aux commissions de notation ; qu'en décidant que la notion de potentiel de validation à la qualification présidant à l'avancement était une notion purement subjective et qu'elle ne pouvait pas expliquer le déroulement de carrière de M. X..., cependant que l'employeur était seul juge des aptitudes du salarié à pouvoir exercer les fonctions relevant de la qualification revendiquée, la cour d'appel s'est substituée à la SNCF dans l'exercice de son pouvoir de direction en méconnaissance du principe précité, et en violation des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail ;

5°/ que par des écritures demeurées sans réponse, la SNCF expliquait que le retard dans le déroulement de sa carrière résultait du comportement du salarié qui avait notamment refusé de se rendre à un entretien annuel programmé avec son manager ; que par conséquent le refus de M. X... de se soumettre à la politique d'évaluation des performances rendait difficile son accès au collège cadre ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce moyen déterminant de nature à expliquer objectivement le déroulement de carrière de M. X..., la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a vérifié les conditions dans lesquelles la carrière du salarié s'était déroulée a, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, relevé que l'évolution de cette carrière révélait des disparités laissant supposer l'existence d'une discrimination par rapport aux salariés de l'entreprise se trouvant dans une situation comparable, et estimé, sans se substituer à l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction, que celui-ci n'apportait pas d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination justifiant ses décisions ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles 3 et 4 du chapitre 9 du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel, les articles 1 et 30 du RH 0144 relatif aux garanties disciplinaires et aux sanctions et l'article 3 du RN-GF-001 relatif aux délégations de pouvoir, pris en application de ce statut ;

Attendu que pour annuler la mise à pied avec sursis notifiée à M. X... et condamner la SNCF au paiement de dommages-intérêts pour sanction injustifiée, l'arrêt retient, d'une part, que les demandes d'explications adressées à l'agent n'énonçaient pas exactement le motif qui devait être finalement retenu, d'autre part, que seul le directeur de la région ou une personne qui aurait été « spécialement » désignée pour le remplacer, pouvait prononcer une sanction de niveau 4, et que le référentiel régional sur les délégations de pouvoirs invoqué par la société qui indique qu'en cas d'empêchement ou d'absence du directeur régional, tous ses pouvoirs sont exercés par le directeur délégué Infrastructure », ne valait pas désignation spéciale pour prononcer des sanctions disciplinaires de niveau 4 ;

Attendu cependant qu'il résulte des dispositions statutaires susvisées, d'une part, que si les motifs portés sur la notification de la sanction doivent correspondre aux griefs qui ont été exposés dans la demande d'explication préalable adressée à l'agent et lors de l'entretien préalable qui a suivi, il n'est pas exigé qu'ils soient exprimés dans des termes strictement identiques dès lors qu'ils visent les mêmes faits, et d'autre part qu'en l'absence du directeur de région tous ses pouvoirs dont celui de prononcer personnellement et sans délégation les sanctions relevant de sa compétence, sont exercés par le directeur délégué infrastructure ;

Qu'en statuant comme elle a fait, alors qu'il résultait de ses constatations que tant la demande d'explications que les motifs de la sanction visaient le comportement irrespectueux du salarié envers son supérieur hiérarchique à une date déterminée, et que l'absence du directeur régional le jour de la notification de la sanction n'était pas discutée, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il annule la mise à pied avec sursis notifiée le 28 avril 2011 à M. X... et condamne la SNCF lui payer 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour sanction injustifiée, l'arrêt rendu le 2 juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille seize.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la Société nationale des chemins de fer français.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir confirmé le jugement du 13 novembre 2012 ayant annulé la sanction disciplinaire en date du 28 avril 2001 dont a fait l'objet Monsieur Franck X... et d'avoir condamné la Sncf à verser à l'agent la somme de 3 000 € à titre de dommages et intérêts pour sanction injustifiée ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la mise à pied du 28 avril 2011 ; que Monsieur X... s'est vu notifié, le 28 avril 2011, une mise à pied d'un jour ouvré avec sursis au motif suivant : « le 11 février 2011, M. Franck X... lors d'un échange avec sa dirigeante...

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