Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 3 février 2016, 14-18.600, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Frouin
ECLIECLI:FR:CCASS:2016:SO00272
CitationSur la rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur faisant suite à une action en justice du salarié, à rapprocher : Soc., 9 octobre 2013, pourvoi n° 12-17.882, Bull. 2013, V, n° 226 (3) (cassation partielle), et l'arrêt cité
Case OutcomeRejet
Date03 février 2016
Docket Number14-18600
CounselSCP Célice,Blancpain,Soltner et Texidor,SCP Fabiani,Luc-Thaler et Pinatel
Appeal Number51600272
Subject MatterPROTECTION DES DROITS DE LA PERSONNE - Libertés fondamentales - Domaine d'application - Droit d'agir en justice - Droit exercé par le salarié - Atteinte - Détermination - Portée
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin d'information 2016, n°844, chambre sociale, n° 878

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 avril 2014), qu'engagé le 9 décembre 1983 par la société KPMG en qualité de responsable mission révision pour occuper en dernier lieu les fonctions de directeur régional, M. X... a saisi, le 4 mars 2010, la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation de son contrat de travail ; que mis à pied à titre conservatoire le 23 mars 2010, il a été licencié pour faute grave par lettre du 7 avril 2010 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité du licenciement et de le condamner à payer au salarié diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut, en l'absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, annuler un licenciement ; que le licenciement échappe à la nullité si le comportement qui le motive constitue, de la part du salarié, un abus dans l'exercice de cette liberté ; que la lettre de licenciement reprochait au salarié d'avoir, en sa qualité de directeur de région appelé à jouer un rôle déterminant dans le projet « AK », cherché à compromettre ledit projet et, après avoir en vain tenté d'obtenir une rupture négociée, saisi directement le juge prud'homal d'une demande de résiliation judiciaire, sans l'avoir jamais avisé du moindre désaccord sur le projet ni sur l'exécution de son contrat ; qu'au soutien de ses écritures, la société avait souligné que cette demande de résiliation judiciaire, fondée sur une prétendue perte de responsabilités résultant de la mise en place du projet « AK », avait été formulée avec la plus parfaite mauvaise foi, dans la mesure où l'intéressé, qui était sur le point de créer sa propre entreprise, au demeurant avec d'autres salariés de la société KPMG, n'avait saisi le juge prud'homal qu'après son échec à obtenir une rupture négociée et concomitamment à un départ qui, en tout état de cause, était acquis ; que la cour d'appel a estimé que les griefs qui étaient formulés à l'appui de la demande de résiliation judiciaire n'étaient pas fondés et que le salarié avait bien commencé à travailler à la création de sa société plusieurs mois avant son licenciement ; qu'en s'abstenant néanmoins de rechercher si sa demande de résiliation judiciaire n'avait pas été formée de mauvaise foi et ne révélait pas, en conséquence, l'exercice abusif par le salarié de son droit de saisir le juge prud'homal d'une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1121-1 du code du travail et de l'article 6, § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que les juges ne peuvent dénaturer les pièces du dossier ; que la lettre de licenciement ne faisait pas grief au salarié d'avoir saisi la juridiction prud'homale mais d'avoir présenté une demande aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, alors qu'il était responsable d'un projet capital, sans avoir préalablement avisé la société KPMG d'un éventuel désaccord sur quelque sujet que ce soit, en particulier sur ledit projet ; que la lettre de licenciement soulignait cette demande n'était pas « répréhensible en elle-même » ; qu'en considérant que la lettre de licenciement aurait reproché au salarié d'avoir saisi la juridiction prud'homale, la cour d'appel l'a dénaturée en violation du principe susvisé et de l'article L. 1232-6 du code du travail ;

3°/ que lorsque la lettre de licenciement invoque plusieurs motifs parmi lesquels l'exercice d'une action en justice, les juges ne peuvent prononcer la nullité qu'après avoir recherché si c'était ladite action qui était à l'origine de la rupture du contrat ; qu'en l'espèce la lettre de licenciement reprochait au salarié, indépendamment des conditions dans lesquelles il avait formé une demande de résiliation judiciaire, l'insuffisance de résultats de sa région depuis plusieurs exercices, la sous-évaluation volontaire des charges présentées et la grave méconnaissance des règles internes en matière de provision ; qu'elle lui reprochait aussi de n'avoir « cessé de compromettre » le projet « AK », destiné à répondre aux normes d'expertise comptable et de commissariat aux comptes, ce alors qu'il avait été investi de responsabilités particulières à ce titre ; qu'en s'abstenant de rechercher si, en l'état des autres griefs faits au salarié, c'était l'action intentée devant les juges prud'homaux qui avait motivé la rupture du contrat de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-6, L. 1121-1 du code du travail, et de l'article 6, § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu qu'ayant retenu, hors toute dénaturation, que l'employeur reprochait au salarié dans la lettre de licenciement d'avoir saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation de son contrat de travail, la cour d'appel, qui a ainsi implicitement mais nécessairement écarté la preuve d'un abus ou d'une mauvaise foi de ce dernier dans l'exercice de son droit d'ester en justice, en a exactement déduit que ce grief, constitutif d'une atteinte à une liberté fondamentale, entraînait à lui seul la nullité du licenciement, de sorte qu'il n'y avait pas lieu d'examiner les autres griefs invoqués par l'employeur pour vérifier l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il...

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