Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 13 décembre 2017, 15-13.098, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Frouin (président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2017:SO02638
Case OutcomeRejet
CounselMe Haas,Me Le Prado
Publication au Gazette officielBull. 2017, V, n° 218
Appeal Number51702638
Date13 décembre 2017
Subject MatterCONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Immunité de juridiction - Organisme international - Banque des Etats de l'Afrique centrale - Etendue
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)
Docket Number15-13098
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris,11 décembre 2014), que M. Y..., cadre à la Banque de France, a été détaché auprès de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique Centrale (BEAC) en qualité de directeur adjoint de la formation à compter du 16 janvier 1993, avant d'être engagé directement par la BEAC, au moment où il a fait valoir ses droits à la retraite auprès de la Banque de France, en qualité de directeur de service au siège central à compter du 1er octobre 1999, selon un contrat à durée déterminée d'une durée d'un an renouvelé à plusieurs reprises ; qu'il a été mis fin à son contrat le 31 mars 2004 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence qu'il a soulevée et, en conséquence, de requalifier le contrat de travail à durée déterminée du salarié en contrat à durée indéterminée à compter du 16 janvier 1994, de dire la rupture du contrat de travail dépourvue de cause réelle et sérieuse, et de le condamner à payer au salarié diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une organisation internationale peut se prévaloir de l'immunité de juridiction lui bénéficiant, dès lors qu'est par ailleurs prévu un recours juridictionnel comportant, pour le requérant souhaitant soumettre à un tribunal un différend avec l'organisation internationale, des garanties d'impartialité et d'équité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les termes du statut de la Banque des Etats d'Afrique Centrale et l'article 8 de l'accord de siège, établissaient clairement l'existence, au profit de la Banque des Etats d'Afrique Centrale d'une immunité de juridiction, et que l'article 16 de l'accord de siège prévoyait, après un recours administratif obligatoire auprès du ministre des affaires étrangères (Minrex), la possibilité d'un recours à un tribunal arbitral, à condition que la banque renonce à son immunité ; que pour estimer cependant que la Banque des Etats d'Afrique Centrale ne pouvait en l'espèce se prévaloir de son immunité, et pour retenir ainsi la compétence du conseil de prud'hommes de Paris, la cour d'appel a déclaré que, si la Banque des Etats d'Afrique Centrale ne renonçait pas à son immunité, elle ne pourrait être attraite devant aucune juridiction ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait des constatations de la cour d'appel qu'un recours devant un tribunal arbitral, dont elle ne contestait pas l'indépendance et l'impartialité, était bien prévu par l'accord de siège instituant l'immunité de la banque, peu important à cet égard qu'il soit prévu que l'exercice de ce recours suppose la renonciation de la banque à son immunité, dans la mesure où il n'était nullement constaté que l'exercice de ce recours, par M. Y..., qui avait saisi le conseil de prud'hommes sans même attendre la décision préalable obligatoire du Minrex, se serait avéré impossible en raison d'un refus effectif quelconque de la banque de renoncer à son immunité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article 8 de l'accord de siège entre le gouvernement de la république du Cameroun et la Banque des Etats d'Afrique Centrale, prévoyant son immunité de juridiction, ensemble l'article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l'homme ;

2°/ qu'une organisation internationale peut se prévaloir de l'immunité de juridiction lui bénéficiant, dès lors qu'est par ailleurs prévu un recours juridictionnel comportant, pour le requérant souhaitant soumettre à un tribunal un différend avec l'organisation internationale, des garanties d'impartialité et d'équité ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les termes du statut de la Banque des Etats d'Afrique Centrale et l'article 8 de l'accord de siège, établissaient clairement l'existence, au profit de la Banque des Etats d'Afrique Centrale d'une immunité de juridiction, et que l'article 16 de l'accord de siège prévoyait, après un recours administratif obligatoire auprès du ministre des affaires étrangères (Minrex), la possibilité d'un recours à un tribunal arbitral, à condition que la banque renonce à son immunité ; que dès lors en déclarant « qu'il ressortait du dossier que, pendant au moins 3 ans, la BEAC avait refusé de lever son immunité de juridiction », et que ce refus privait M. Y... de toute « garantie de voir sa cause entendue par une juridiction camerounaise » et que la Banque des Etats d'Afrique Centrale n'avait pas renoncé au bénéfice de l'immunité de juridiction, de sorte qu'il existait pour M. Y... un risque de déni de justice fondant la compétence des juridictions françaises, sans expliquer en quoi la banque devait justifier a priori de sa renonciation à son immunité, avant qu'ait même été rendue la décision du Minrex devant obligatoirement être saisi avant tout recours devant le tribunal arbitral, la cour d'appel, qui ne contestait pas que M. Y... avait, comme souligné par la banque, saisi le conseil de prud'hommes de Paris sans attendre la réponse du Minrex qu'il avait dans un premier temps saisi, a, en statuant comme elle l'a fait, privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de l'accord de siège entre le gouvernement de la république du Cameroun et la Banque des Etats d'Afrique Centrale, prévoyant son immunité de juridiction, ensemble l'article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l'homme ;

3°/ qu'une organisation internationale peut se prévaloir de l'immunité de juridiction lui bénéficiant, dès lors qu'est par ailleurs prévu un recours juridictionnel comportant, pour le requérant souhaitant soumettre à un tribunal un différend avec l'organisation internationale, des garanties d'impartialité et d'équité ; qu'en l'espèce, la Banque des Etats d'Afrique Centrale faisait à cet égard valoir que la cour de justice de la Cemac, non soumise à l'immunité de juridiction imposée par les accords de siège aux Etats membres, était compétente pour trancher les litiges entre elle et ses agents, la cour d'appel, ayant elle-même relevé que la cour de justice de la Cemac était « une institution de la Communauté indépendante des Etats et des autres institutions et organes de la Cemac qui exerce des attributions juridictionnelles, consultatives et de contrôle » ; que pour estimer néanmoins que la Banque des Etats d'Afrique Centrale ne pouvait se prévaloir de son immunité de juridiction, la cour d'appel a déclaré que la convention du 5 juillet 1996 régissant la cour de justice de la Cemac disposait en son article 4 qu'elle « est juge, en premier et dernier ressort, des litiges nés entre la Cemac et les Agents des institutions de la Communauté, à l'exception de ceux régis par des contrats de droit local », et que « le contrat de travail à durée déterminée que Charles Y... avait conclu avec la BEAC, le 5 novembre 1999, ne faisait aucune référence à son éventuelle qualité d'agent de la Cemac et excluait, au contraire, expressément l'application du statut des agents d'encadrement supérieur, à l'exception des dispositions visées par les clauses 7, 8, 9 et 10 du contrat », et que s'« il ne précisait pas la loi applicable à son exécution [...], les parties s'accordaient pour reconnaître que cette loi [était] la loi camerounaise », de sorte que le contrat relevait du droit local et que M. Y... ne pouvait saisir la cour de justice de la Cemac de son différend avec la Banque des Etats d'Afrique Centrale ; qu'en statuant ainsi, cependant que la seule circonstance que M. Y... n'ait, pour l'essentiel, pas relevé du statut des « agents d'encadrement supérieur », ne permettait pas ipso facto d'exclure sa qualité d'agent de la Banque des Etats d'Afrique Centrale, au sens de l'article 4 de la convention du 5 juillet 1996 régissant la cour de justice de la Cemac, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de l'accord de siège entre le gouvernement de la république du Cameroun et la Banque des Etats d'Afrique Centrale, prévoyant son immunité de juridiction, ensemble l'article 6, § 1, de la convention européenne des droits de l'homme ;

4°/ qu'une organisation internationale peut se prévaloir de l'immunité de juridiction lui bénéficiant, dès lors qu'est par ailleurs prévu un recours juridictionnel comportant, pour le requérant souhaitant soumettre à un tribunal un différend avec l'organisation internationale, des garanties d'impartialité et d'équité ; qu'en l'espèce, la Banque des Etats d'Afrique Centrale faisait à cet égard valoir que la cour de justice de la Cemac, non soumise à l'immunité de juridiction imposée par les accords de siège aux Etats membres, était compétente pour trancher les litiges entre elle et ses agents, la cour d'appel, ayant elle-même relevé que la cour de justice de la Cemac était « une institution de la Communauté indépendante des Etats et des autres institutions et organes de la Cemac qui exerce des attributions juridictionnelles, consultatives et de contrôle » ; que pour estimer néanmoins que la Banque des Etats d'Afrique Centrale ne pouvait se prévaloir de son immunité de juridiction, la cour d'appel a déclaré que la convention du 5 juillet 1996 régissant la cour de justice de la Cemac disposait en son article 4 qu'elle « est juge, en premier et dernier ressort, des litiges nés entre la...

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