Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 26 mars 2014, 12-23.634, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Lacabarats
ECLIECLI:FR:CCASS:2014:SO00658
Case OutcomeCassation partielle
Appeal Number51400658
Date26 mars 2014
CounselMe Blondel,SCP Odent et Poulet
Docket Number12-23634
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2014, V, n° 85

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 1er juillet 2001 par la société Home expertise center en qualité de responsable informatique, a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 23 août 2006 et a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte est une démission et de le débouter de ses demandes d'indemnités de rupture alors, selon le moyen :

1°/ qu'eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/ 88/ CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié l'effectivité de son droit à congé lequel suppose que le salarié soit totalement dispensé directement ou indirectement, sauf cas exceptionnels, d'accomplir pour son employeur une prestation de travail même si elle n'est qu'éventuelle ou occasionnelle ; qu'en l'espèce, pour dire que la prise d'acte de la rupture par M. X...produit les effets d'une démission, la cour considère en substance que le salarié qui est contraint de prendre des congés de courtes durées, d'être toujours joignable et qui est appelé presque à chaque vacance sur son téléphone portable pour des questions liées au système informatique de l'entreprise est seulement soumis à des « tracas » qui pèsent sur l'organisation et le déroulement de ses congés, « tracas » qui ne peuvent justifier la rupture aux torts de l'employeur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel viole l'article L. 1231-1 du code du travail et l'article L. 1231-1 du même code interprété à la lumière de la directive 93/ 104/ CE du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, modifiée par la directive 2003/ 34/ CE du 22 juin 2000 et remplacée, à compter du 2 août 2004, par la directive 2003/ 88/ CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 ;

2°/ que selon l'article L. 6323-7 du code du travail, l'employeur informe chaque salarié par écrit annuellement du total des droits acquis au titre du droit individuel à la formation ; qu'en l'espèce, pour dire que l'employeur n'a pas manqué à ses obligations s'agissant du droit individuel à la formation et dire ainsi que la rupture produit les effets d'une démission, la cour d'appel retient que la mise en oeuvre du droit individuel à la formation relève de l'initiative du salarié et que M. X...n'a formulé aucune demande à ce titre ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si la société Home expertise center avait satisfait à son obligation d'informer annuellement le salarié de ses droits dans ce domaine, la cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article précité ;

3°/ que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité et les examens médicaux d'embauche, périodiques et de reprise du travail auxquels doivent être soumis les salariés concourent à la protection de leur santé et de leur sécurité ; qu'en l'espèce, tout en constatant que l'employeur n'a rempli en la matière ses obligations ni lors de l'embauche du salarié ni pendant les trois années qui ont suivi, la cour d'appel retient que le salarié ne peut se prévaloir utilement d'un tel manquement ; qu'en statuant ainsi, la cour ne tire pas les conséquences légales de ses constatations et viole les articles L. 1231-1 et L. 4121-1 du code du travail, ensemble les articles R. 4624-10 et suivants du même code ;

Mais attendu que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a retenu que les manquements de l'employeur étaient pour la plupart anciens, faisant ainsi ressortir qu'ils n'avaient pas empêché la poursuite du contrat de travail, a légalement justifié sa décision ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que le rejet du premier moyen rend le deuxième moyen sans portée ;

Mais sur le troisième moyen, qui est recevable :

Vu les articles L. 3141-3, L. 3141-22 et L. 3141-26 du code du travail ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement de congés payés, l'arrêt retient que celui-ci ne soutient pas que c'est en raison du refus de l'employeur qu'il a été privé de ses congés ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors que la mention sur les bulletins de paye d'un salarié du solde de ses congés payés acquis au titre de la période antérieure à la période de référence en cours à la date de la rupture vaut accord de l'employeur pour le report des congés payés sur cette dernière période, la cour d'appel, qui n'a pas vérifié si, comme il était soutenu, il ne résultait pas de son dernier bulletin de paye que le salarié avait acquis des jours de congés, dont un solde de vingt jours, qu'il n'avait pas pris, n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le quatrième moyen :

Vu l'article 66 de la convention collective nationale des entreprises d'expertises en matière d'évaluations industrielles et commerciales du 7 décembre 1976 ;

Attendu, selon ce texte, que pendant tout le temps où l'activité du collaborateur commercial ou technique serait limitée par l'interdiction de se replacer dans un autre cabinet d'expertise, il percevra une indemnité compensatrice qui ne pourra être inférieure pour ceux ayant moins de cinq ans d'ancienneté, au quart de la moyenne mensuelle des rémunérations que le collaborateur commercial ou technique aura perçues au cours des deux dernières années de présence dans l'entreprise, pour ceux ayant cinq ans ou plus d'ancienneté, au tiers de la moyenne mensuelle des rémunérations que le collaborateur commercial ou technique aura perçues au cours des deux dernières années de présence dans l'entreprise ; qu'il en résulte que l'indemnité est due pour chaque mois pendant lequel s'applique l'interdiction de concurrence ;

Attendu qu'en allouant une indemnité unique correspondant à un tiers d'un seul mois de salaire de l'intéressé, alors que l'interdiction de concurrence durait douze mois, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de sa demande portant sur un solde de congés payés et en ce qu'il limite à la somme de 1 500 euros la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 6 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société Home expertise center aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Home expertise center à payer à M. X...la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la prise d'acte de Monsieur Sébastien X... est une démission et de l'avoir débouté de ses diverses demandes d'indemnités de rupture à l'encontre de la société Home Expertise Conseils ;

AUX MOTIFS QUE la prise d'acte du salarié ne peut être imputée à l'employeur que si celui-ci a commis des manquements aux obligations essentielles qui découlent du contrat de travail d'une gravité suffisante ; L'employeur est obligé de fournir du travail au salarié en garantissant sa sécurité et de lui verser en contrepartie la rémunération convenue ; que l'obligation de fournir du travail impose à l'employeur de donner au salarié les moyens d'accomplir les tâches qu'il lui a confiées sans pour autant remettre en cause sa liberté de décider des investissements nécessaires à la bonne marche de l'entreprise en préservant sa santé financière ; que c'est également à l'employeur qu'il appartient d'apprécier dans quelle mesure le salarié s'est bien acquitté des tâches qu'il lui a confiées en fonction des moyens qu'il lui a donnés ; que l'obligation d'assurer la sécurité du salarié implique revêt de multiples aspects dont la protection de la santé physique et mentale du salarié que les conditions de travail ne doivent pas dégrader ; que la rémunération doit être versée intégralement et à la date convenue ; que cette obligation inclut tous les aspects de la rémunération notamment les primes et indemnités de congés payés ; qu'il convient d'apprécier les faits allégués par le salarié a la lumière de ces principes ; que la lettre du 23 août 2006 par laquelle M X...a rompu le contrat de travail reproche à l'employeur de nombreux faits qu'il convient d'évoquer successivement ; l°) refus d'embaucher un assistant pour pouvoir faire tourner le système en cas de problème en son absence et impossibilité corrélative de prendre des vacances pour assurer le fonctionnement de l'outil informatique ; que M X...précise à ce propos qu'il a été appelé sur son lieu de vacances " pour un plantage pourtant prévisible et annoncé " ; que l'employeur réplique que le recrutement d'un assistant n'était nullement nécessaire ; que le salarié ne l'a jamais formellement sollicité et qu'il n'a été véritablement dérangé que deux fois pendant ses vacances : en 2003 pour un dysfonctionnement qu'il a fait prendre en charge par un ami et en 2006 en raison d'une urgence liée à des intempéries ; que la société WEBNET qui est intervenue en septembre 2006...

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