Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 16 décembre 2008, 07-21.943, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Favre
Case OutcomeRejet
CounselMe Foussard,Me Le Prado
Docket Number07-21943
Date16 décembre 2008
Appeal Number40801376
Subject MatterDROIT MARITIME - Navire - Epave maritime - Opérations de suppression des dangers - Prise en charge par l'Etat - Recours de l'Etat - Détermination
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2008, IV, n° 214
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le second moyen :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Versailles, 11 octobre 2007), que le porte-conteneurs Sherbro, propriété de la société SCAC Delmas-Vieljeux, armé par ses soins et exploité par la société maritime Delmas-Vieljeux ayant perdu en mer, après avoir quitté le port du Havre, des conteneurs dont certains contenaient des produits toxiques ou dangereux, les autorités maritimes françaises ont, après avoir enjoint au navire de se dérouter sur le port de Brest, mis en demeure les sociétés maritimes Delmas-Vieljeux et SCAC Delmas-Vieljeux, au visa de l'article 16 de la loi du 7 juillet 1976, devenu l'article L. 218-72 du code de l'environnement, d'abord de prendre toutes les mesures nécessaires pour lutter contre la pollution représentée par les produits tombés en mer et puis, avec la société Ciba-Geigy, aux droits de laquelle se trouve la société Syngenta crop protection (société Syngenta), en qualité de chargeur, au visa de la loi du 24 novembre 1961, de faire procéder sans délai à la récupération des épaves maritimes provenant du navire, échouées sur le littoral français ; qu'ultérieurement, l'Etat et la société Syngenta ont assigné la société Bolloré, qui vient aux droits de la société SCAC Delmas-Vieljeux, en remboursement des frais engagés en vue de prévenir et de réparer les conséquences du sinistre ;

Attendu que la société Bolloré reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à l'Etat la somme de 475 595,90 euros à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 1993, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aux termes de l'article 1 de la loi n° 61-1262 du 24 novembre 1961 relative à la police des épaves maritimes, lorsque le propriétaire d'une épave est inconnu ou lorsque, dûment mis en demeure, directement ou en la personne de son représentant, il refuse ou néglige de procéder aux opérations de sauvetage, de récupération, d'enlèvement, de destruction ou à celles destinées à supprimer les dangers que présente cette épave, l'Etat peut intervenir d'office, aux frais et risques du propriétaire ; qu'aux termes de l'article 1-4 du décret n° 61-1547 du 26 décembre 1961 fixant le régime des épaves maritimes, constituent des épaves les marchandises jetées ou tombées à la mer ; qu'aux termes de l'article 5 du même décret lorsqu'une épave maritime présente, en totalité ou en partie, un caractère dangereux pour la navigation, la pêche ou l'environnement, l'accès à un port ou le séjour dans un port, le propriétaire de l'épave a l'obligation de procéder à la récupération, l'enlèvement, la destruction ou toute autre opération en vue de supprimer le caractère dangereux de cette épave ; qu'aux termes de l'article 9 du même décret, dans le cas où l'épave constitue un danger grave et imminent pour la navigation, la pêche, l'environnement, l'accès à un port ou le séjour dans un port, l'autorité compétente peut faire procéder immédiatement, aux frais et risques du propriétaire, à la récupération, l'enlèvement, la destruction ou à toutes opérations nécessaires en vue de supprimer le caractère dangereux de tout ou partie de l'épave ; qu'il résulte de ces dispositions combinées, exclusive du droit commun de la responsabilité civile, que seul le propriétaire des épaves est tenu à réparation envers l'Etat ou l'autorité compétente qui auraient procédé aux opérations destinées à en supprimer les dangers ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

2°/ que, dans ses écritures d'appel, la société Bolloré, rappelant que, dans sa télécopie du 16 décembre 1993, elle s'était engagée seulement "à payer sur justificatif, les frais raisonnables qui auront pu être engagés pour notre compte par ces administrations", a soutenu que son engagement avait pour seul objet les dépenses engagées pour son compte, et non pas celles avancées pour le compte de tiers qui pourraient être également tenus envers les services de l'Etat, et notamment les propriétaires des marchandises récupérées à la mer et sur les rivages, lesquels étaient responsables de leur récupération, en application des dispositions de la loi n° 61-1262 du 24 novembre 1961 et du décret n° 61-1547 du 26 décembre 1961 ; qu'en se fondant cependant sur les termes de cette télécopie, pour retenir que la société Bolloré ne contestait pas devoir financer les opérations de récupération et de nettoyage, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'engagement pris par la société Bolloré n'était pas limité aux dépenses engagées pour son compte, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, que la loi du 24 novembre 1961, qui rend le propriétaire d'une marchandise tombée d'un navire à la mer débiteur envers l'Etat des conséquences des opérations de sauvetage, de récupération, d'enlèvement, de destruction ou de celles destinées à supprimer les dangers que présente cette épave que l'Etat a mises en oeuvre, ne fait pas obstacle au droit que l'Etat, qui a procédé à de telles opérations, tient des articles 1382 et suivants du code civil, de rechercher la responsabilité de celui qui est à l'origine du sinistre ; qu'ayant relevé que la perte des conteneurs par le navire avait eu pour origine une faute imputable à l'armateur qui n'avait pas mis en oeuvre un arrimage et un saisissage permettant d'assurer la stabilité des conteneurs en pontée même par gros temps, la cour d'appel a, à bon droit, dit recevable la demande d'indemnisation de l'Etat à son encontre ;

Attendu, d'autre part, que le second grief critique un motif surabondant ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que le premier moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Bolloré aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Bolloré et la condamne à payer à l'agent judiciaire du Trésor la somme de 2 500 euros et à la société Syngenta Crop protection la somme de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize décembre deux mille huit.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me LE PRADO, avocat aux Conseils pour la société Bolloré

PREMIER MOYEN DE CASSATION

LE MOYEN reproche à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR, en confirmant le jugement déféré, et pour condamner la société BOLLORE au paiement de diverses sommes, rejeté la demande d'annulation du rapport d'expertise judiciaire ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE, « sur le rôle du Bureau VERITAS, il n'est pas contesté que le Bureau VERITAS était la société de classification du navire SHERBRO et qu'elle est intervenue de façon régulière...

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