Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 juin 2014, 12-28.740 12-28.741 12-28.742, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Lacabarats
ECLIECLI:FR:CCASS:2014:SO01090
CitationSur le respect du principe de l'égalité des armes par l'aménagement légal des règles de preuve en matière de discrimination , à rapprocher :Soc., 28 janvier 2010, pourvoi n° 08-41.959, Bull. 2010, V, n° 28 (rejet). Sur l'effet de l'amnistie de sanctions disciplinaires ou professionnelles dans le cadre d'une action en discrimination, à rapprocher :Avis de la Cour de cassation, 21 décembre 2006, n° 06-00.014, Bull. 2006, Avis, n° 12. Sur le principe selon lequel les dispositions concernant l'amnistie n'ont pas, par elles-mêmes, pour objet d'interdire qu'il soit fait référence à des faits qui ont motivé une condamnation amnistiée, cf. : Cons. const., 7 juin 2013, décision n° 2013-319 QPC
Case OutcomeCassation
Date04 juin 2014
Docket Number12-28742,12-28740,12-28741
CounselSCP Coutard et Munier-Apaire,SCP Gatineau et Fattaccini
Appeal Number51401090
Subject MatterCONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Discrimination entre salariés - Preuve - Charge - Etendue - Exercice des droits de la défense - Effets - Référence à des faits ayant motivé une sanction amnistiée - Conditions - Détermination - Portée CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 § 1 - Equité - Egalité des armes - Violation - Défaut - Cas - Aménagement légal des règles de preuve en matière de discrimination au travail
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBull. 2014, V, n° 132

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Vu leur connexité, joint les pourvois n° N 12-28.740, P 12-28.741 et Q 12-28.742 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que MM. X..., Y... et Z..., salariés de la société CMD exerçant divers mandats de représentants du personnel, ont saisi le 28 janvier 2009 la juridiction prud'homale d'une demande portant sur la discrimination syndicale dont ils estimaient être victimes ; que, par arrêt du 15 avril 2011, la cour d'appel a ordonné une expertise en limitant la comparaison de l'évolution des rémunérations à la période postérieure au 17 mai 2002, compte tenu de la loi d'amnistie du 6 août 2002 ; que, par arrêt du 28 septembre 2012, la cour d'appel a accueilli la demande et a procédé à la reclassification des trois salariés à un coefficient supérieur pour la période du 17 mai 2002 à la fin de l'année 2008 ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident des salariés, qui est préalable, pris en sa première branche, dirigé contre l'arrêt du 15 avril 2011 :

Vu les articles L. 2141-5, L. 2141-8, L. 1134-1 et L. 1134-5 du code du travail, ensemble l'article 133-11 du code pénal, l'article 12 de la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu que, pour limiter la période sur laquelle porte l'action en discrimination à la période postérieure au 17 mai 2002, la cour d'appel a retenu que les différentes lois d'amnistie promulguées en 1981, 1988, 1995 et 2002 interdisent à l'employeur de faire état des éventuelles sanctions disciplinaires qui auraient pu être infligées aux salariés pendant la période couverte par ces lois d'amnistie et qui auraient pu expliquer de manière objective une différence de traitement avec d'autres salariés et que la seule manière de concilier la recherche des éléments permettant de comparer l'évolution de la situation des salariés avec le principe de l'égalité des armes est de limiter les investigations de l'expert à la période postérieure au 17 mai 2002 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les dispositions concernant l'amnistie n'ont pas, par elles-mêmes, pour objet d'interdire à un employeur qu'il soit fait référence devant une juridiction à des faits qui ont motivé une sanction disciplinaire amnistiée dès lors que cela est strictement nécessaire à l'exercice devant la juridiction de ses droits à la défense, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen du pourvoi incident des salariés :

Vu l'article 625 du code de procédure civile ;

Attendu que la cassation, par arrêt de ce jour, de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Douai le 15 avril 2011 entraîne l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt du 28 septembre 2012 qui en est la suite, l'application ou l'exécution ;


PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi incident et sur le pourvoi principal de l'employeur :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;

CONSTATE l'annulation de l'arrêt du 28 septembre 2012 ;

Condamne la société CMD aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société CMD à payer à MM. X..., Y... et Z... la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille quatorze.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société CMD, demanderesse au pourvoi principal n° N 12-28.740.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué du 28 septembre 2012 d'AVOIR dit le salarié victime de discrimination syndicale, condamné la société CMD à payer à Monsieur X..., à titre de réparation du préjudice subi du fait de la discrimination syndicale, le rappel de salaire sur la base du coefficient 270 à compter du 17 mai 2002 et jusqu'à fin décembre 2008, ainsi que la somme de 3.000 ¿ au titre du préjudice moral et la même somme au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et d'AVOIR condamné la société CMD aux dépens de première instance et d'appel, comprenant le coût total de l'expertise judiciaire,
AUX MOTIFS QUE « L'article L. 2141-5 du code du travail dispose que : "Il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail." L'article L. 1134-1 du même code dispose que: "Lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n" 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles." L'expert a réalisé les tableaux comparatifs demandés par la Cour et ces tableaux sont repris aux pages 43 à 66 de son rapport. L'exactitude des informations contenues dans ces tableaux n'est remise en cause par aucune des parties. Procédant à l'analyse de ces tableaux, et sur la base des chiffres contenus dans ceux-ci, M. Jean-Christophe X... et les deux autres salariés également concernés ont eux-mêmes élaborés 4 autres tableaux qui sont les suivants, précision étant donnée que pour ces tableaux, les chiffres apparaissant aux lignes « + forte », « + faible », « médiane» et « moyenne» ont été calculés au vu des chiffres mentionnés pour les autres salariés, à l'exclusion de Messieurs Y..., X... et Z...:
Analyse des taux d'augmentation de rémunération figurant au tableau 2.1 du rapport d'expertise (exprimés en %) :


Entre le 01/01/2003
et le
01/01/2004 Entre le
02/01/2004
et le 01/01/2005
Entre le
02/01/2005 et le
01/01/2006
Entre le 02/01/2006
et le
01/01/2007 Entre le
02/01/2007
et le 01/01/2008
Entre le
02/01/2008 et le
01/01/2009
Entre le 02/01/2009
et le
31/12/2009

+ faible 3, 15
2, 01
2, 01 0, 61
1, 81
1, 11 1

+ forte
13, 52
6, 38 5, 59
13, 06
7, 62 9, 44
4, 30

médiane
8, 33 4, 20
3, 80
6, 84 4, 72
5, 28
2, 65

moyenne 5, 13
2, 81
2, 70 3, 55
4, 22
4, 32 1, 51

Monsieur
X... 3, 70
4, 13
2, 53 2, 59
3, 50
6, 51 1

Monsieur
Y... 3, 41
2, 01
2, 53 2, 37
8, 33
2, 64 Retraite au
30/09/08
NON CONCERNE


Monsieur
Z... 3, 66
2, 02
2, 53 2, 59
10, 37
9, 04 1


Analyse des taux d'augmentation de rémunération figurant au tableau 2.2 du rapport d'expertise (exprimés en %) :


Entre le 01/01/2003
et le
01/01/2004 Entre le
02/01/2004
et le 01/01/2005
Entre le
02/01/2005 et le
01/01/2006
Entre le 02/01/2006 et le
01/01/2007
Entre le 02/01/2007
et le
01/01/2008 Entre le
02/01/2008
et le 01/01/2009
Entre le
02/01/2009 et le
31/12/2009

+ faible
2, 68 2, 01
2, 01
0, 61 2, 08
1, 31
1

+ forte 10, 86
6, 38
5, 59 13, 06
7, 62
9, 44 4, 30

médiane
6, 77
4, 20 3, 80
6, 84
4, 85 5, 38
2, 65

moyenne
4, 92 2, 98
2, 87
3, 81 4, 72
4, 30
1, 65

Monsieur X...
3, 70
4, 13 2, 53
2, 59
3, 50 6, 51
1

Analyse des taux d'augmentation de rémunération figurant au tableau 2.3 du rapport d'expertise (exprimés en %) :


Entre le
01/01/2003
et le 01/01/2004
Entre le
02/01/2004 et le
01/01/2005
Entre le 02/01/2005
et le
01/01/2006 Entre le
02/01/2006
et le 01/01/2007
Entre le
02/01/2007 et le
01/01/2008
Entre le 02/01/2008
et le
01/01/2009 Entre le
02/01/2009
et le 31/12/2009

+ faible
2, 79
2, 02 2, 01
0, 61
1, 81 1, 11


+ forte
13, 52 5, 42
5, 59
9, 95 7, 29
8, 83


médiane 8, 155
3, 72
3, 80 5, 28
4, 55
4, 97

moyenne
5, 73
2, 86 2, 87
3, 27
3, 61 4, 25


Monsieur
Y... 3, 41
2, 01
2, 53 2, 37
8, 33
2, 64 Retraite au
30/09/08
NON CONCERNE

Analyse des taux d'augmentation de rémunération figurant au tableau 2.4 du rapport d'expertise (exprimés en %) :

Entre le
01/01/2003
et le 01/01/2004
Entre le
02/01/2004 et le
01/01/2005
Entre le 02/01/2005
et le
01/01/2006 Entre le
02/01/2006
et le 01/01/2007
Entre le
02./01/2007 et le
01/01/2008
Entre le 02/01/2008
et le
01/01/2009 Entre le
02/01/2009
et le 31/12/2009

+ faible
3, 25
2, 01 2, 01
0, 61
2, 08 1, 31
1

+ forte
10, 86 5, 53
5, 59
9, 95 8
8, 25
4, 24

médiane 7, 055
3, 77
3, 80 5, 28
5, 04
4, 78 2, 62

moyenne
4, 98
3, 23 3, 11
4, 21
2, 95 2, 23
1, 44

Monsieur
Z... 3, 66
2, 02
2, 53 2, 59
10, 37
9, 04 1

Ces tableaux constituent les annexes 1 à 4 du dire daté du 24 janvier 2012 transmis par l'avocat de M. Jean-Christophe X... à l'expert. Ce dernier, dans sa note en expertise n° 2 datée du 26 janvier 2012, et sur ces annexes, a précisé (au point 2.2 de sa note intitulé "attendus développés en réponse par l'expert") qu'il n'avait pas d'observation particulière à formuler "principalement au motif que s'il formulait des observations et/ou des remarques celles-ci pourraient être considérées comme "dire le droit" et/ou comme allant au-delà de la mission confiée à l'expert". Il a repris ces annexes au dire daté du 24 janvier 2012 en annexe 16 de son rapport d'expertise. Ces annexes ont également été intégrées dans les conclusions de M. Jean-Christophe X.... Les chiffres qui y ont été mentionnés n'ont fait l'objet, en ce qui concerne leur exactitude matérielle, d'aucune...

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