Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 novembre 2019, 18-19.578 18-19.579 18-19.581 18-19.642 18-19.645 18-19.646, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Cathala
ECLIECLI:FR:CCASS:2019:SO01577
Case OutcomeRejet et cassation partielle
Date20 novembre 2019
Docket Number18-19579,18-19645,18-19646,18-19581,18-19578,18-19642
Appeal Number51901577
Subject MatterCONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Retraite - Indemnité de départ à la retraite - Avantage en concours avec un usage d'entreprise - Cumul - Possibilité - Conditions - Cas - Usage dit "coup de chapeau" pratiqué par l'établissement public la Monnaie de Paris - Portée
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)
CounselSCP Thouvenin,Coudray et Grévy,SCP Célice,Soltner,Texidor et Périer
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Vu la connexité, joint les pourvois n° 18-19.642, 18-19.645, 18-19.646, 18-19.578, 18-19.579 et 18-19.581 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, que MM. U..., T... et M..., qui ont été employés par l'établissement public la Monnaie de Paris, ont saisi la juridiction prud'homale en paiement de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété résultant de leur exposition aux poussières d'amiante ainsi que d'une indemnité de départ à la retraite ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches communes aux pourvois n° 18-19.578, 18-19.579 et 18-19.581, et sur la cinquième branche du pourvoi n° 18-19.578 de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à payer à MM. U..., T... et M... une indemnité de départ à la retraite, alors, selon le moyen :

1°/ que selon l'article L. 1211-1 du code du travail, le personnel salarié d'un établissement public industriel et commercial bénéficie des dispositions du livre II du code du travail, sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel ; qu'en l'espèce, les ouvriers d'Etat employés par l'EPIC La Monnaie de Paris relèvent du régime de retraite des ouvriers des établissements industriels de l'Etat selon lequel la pension de retraite est calculée sur la rémunération des six derniers mois, et bénéficient, en complément, d'un dispositif « coup de chapeau » consistant à revaloriser leur échelon et partant leur rémunération six mois avant leur départ en retraite ; que ce dispositif « coup de chapeau » qui constitue, comme l'indemnité de départ à la retraite prévue par l'article L. 1237-9 du code du travail, un complément de salaire lié au départ à la retraite a donc le même objet que cette indemnité de départ à la retraite ; qu'en affirmant le contraire, au motif inopérant qu'ils s'agit de deux avantages différents, certes liés au départ à la retraite, mais pouvant fonctionner de façon indépendante et selon leur mécanisme propre, la cour d'appel a violé les articles L. 1211-1 et L. 1237-9 du code du travail ;

2°/ qu'en cas de concours de normes, les avantages qui ont le même objet ne se cumulent pas, seul le plus favorable d'entre eux pouvant être accordé, peu important que les deux avantages aient une nature différente et n'obéissent pas au même régime ; que l'indemnité de départ à la retraite prévue par l'article L. 1237-9 du code du travail n'a pas pour objet de compenser un préjudice mais constitue un complément de rémunération attribué au salarié à l'occasion de son départ en retraite ; que le dispositif « coup de chapeau » dont bénéficient les ouvriers d'Etat de l'EPIC La Monnaie de Paris consiste à attribuer au salarié un échelon supérieur six mois avant son départ à la retraite, aux fins de majorer le montant de la rémunération prise en compte, dans le régime spécial de retraite des ouvriers d'Etat, pour déterminer le montant de la pension de retraite ; qu'il en résulte que ce dispositif « coup de chapeau » constitue également une gratification de fin de carrière et, partant, qu'il a le même objet que l'indemnité de départ à la retraite ; qu'en affirmant néanmoins que l'indemnité de départ à la retraite et le dispositif « coup de chapeau » n'ont pas le même objet car il s'agit d'avantages différents pouvant fonctionner de façon indépendante et selon leur mécanisme propre, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les comparer pour déterminer lequel serait le plus avantageux, la cour d'appel a violé l'article L. 1237-9 du code du travail, ensemble le principe de faveur ;

3°/ qu'en relevant que les salariés ayant déjà atteint le dernier échelon indiciaire ne bénéficient pas du « coup de chapeau », pour affirmer que le dispositif « coup de chapeau » n'a pas le même objet que l'indemnité légale de départ à la retraite et que ces deux avantages peuvent en conséquence se cumuler, cependant que les éventuelles différences quant aux conditions posées pour l'octroi d'un avantage ne modifient pas son objet et qu'en présence d'un concours de normes, le caractère plus favorable doit s'apprécier globalement pour l'ensemble des salariés, la cour d'appel a encore violé les articles L. 1237-9 du code du travail, ensemble le principe de faveur ;

4°/ que l'accord du 16 décembre 2008 sur les classifications, rémunérations et évolutions professionnelles prévoit que ses dispositions se substituent de plein droit à toute disposition statutaire portant sur les mêmes thèmes et que les parties se réfèrent, pour tout ce qui ne fait pas l'objet de cet accord, aux dispositions législatives et réglementaires applicables au personnel ouvrier de l'Etat ; que s'il n'exclut pas le paiement d'une indemnité de départ à la retraite, il ne prévoit pas non plus que les dispositions du code du travail sur l'indemnité de départ à la retraite s'appliquent aux ouvriers d'Etat ; qu'en retenant encore, pour conforter sa décision, que cet accord collectif ne comporte aucune disposition relative à une indemnité de départ à la retraite, la cour d'appel s'est fondée sur un motif radicalement inopérant, en violation de l'article L. 1237-9 du code du travail ;

5°/ qu'en affirmant encore que la suppression du pécule de départ en retraite ne peut remettre en cause les droits que les ouvriers d'Etat détiennent par application des dispositions du code du travail, cependant que l'abrogation de ce dispositif, par une décision ministérielle, est sans emport sur l'éventuel cumul entre l'indemnité de départ à la retraite et le dispositif du « coup de chapeau », la cour d'appel a encore statué par un motif inopérant et violé l'article L. 1237-9 du code du travail ;

Mais attendu que l'usage dit du « coup de chapeau » pratiqué par l'employeur en faveur de salariés n'ayant pas atteint le dernier échelon indiciaire et leur permettant de bénéficier, six mois avant leur départ à la retraite, à la fois d'une augmentation de salaire et d'une majoration consécutive du montant de leur retraite, et l'indemnité de départ à la retraite de l'article L. 1237-9 du code du travail versée par l'employeur à tout salarié quittant volontairement l'entreprise pour bénéficier d'une pension de vieillesse n'ont pas le même objet ; que c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que ces deux dispositifs pouvaient se cumuler ; que le moyen, qui, en ses troisième, quatrième et cinquième branches, critique des motifs surabondants, n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique des pourvois n° 18-19.642, 18-19.645 et 18-19.646 des salariés :

Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige, ensemble l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

Attendu que pour débouter les salariés de leurs demandes de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété, les arrêts retiennent que La Monnaie de Paris ne fait pas partie des établissements répertoriés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 qui a institué, en faveur des travailleurs qui ont été particulièrement exposés à l'amiante, sans être atteints d'une maladie professionnelle liée à cette exposition, un mécanisme de départ anticipé à la retraite avec mise en place du dispositif de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata), que le préjudice spécifique d'anxiété naît à la date à laquelle les salariés ont connaissance de l'arrêté ministériel d'inscription de l'établissement sur la liste des établissements permettant la mise en œuvre de l'Acaata, dans la mesure où la connaissance de l'arrêté identifie et concrétise la connaissance du risque par les salariés qui ont été particulièrement exposés, qu'en l'absence d'inscription à ce jour de l'Epic La Monnaie de Paris, sur la liste établie par arrêté ministériel, le préjudice d'anxiété allégué n'est pas né et n'est donc pas indemnisable en justice, à défaut de l'un de ses éléments constitutifs ;

Attendu, cependant, que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, pour manquement de ce dernier à cette obligation, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois n° 18-19.578, 18-19.579 et 18-19.581 ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déboutent MM. U..., T... et M... de leurs demandes de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété, les arrêts rendus le 16 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ces points, les causes et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

Condamne l'établissement public La Monnaie de Paris aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'établissement public La Monnaie de Paris à payer à MM. U..., T... et M... la somme globale de 1 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen commun produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour MM. U..., T... et M..., demandeurs aux pourvois n° X 18-19.642, A 18-19.645 et B 18-19.646

Le moyen fait grief à la cour d'appel d'AVOIR...

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