Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 15 juin 2016, 15-86.043, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Guérin
ECLIECLI:FR:CCASS:2016:CR03069
Case OutcomeCassation partielle
Docket Number15-86043
CitationA rapprocher :Crim., 18 janvier 2016, pourvoi n° 05-86.447, Bull. crim. 2006, n° 22 (cassation), et les arrêts cités
Date15 juin 2016
CounselSCP Foussard et Froger,SCP Nicolaÿ,de Lanouvelle et Hannotin,SCP Waquet,Farge et Hazan
Appeal NumberC1603069
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin criminel 2016, n° 186
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- M. Antoine X...,
- M. Marie-Xavier Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 16e chambre, en date du 30 septembre 2015, qui dans l'information suivie contre eux des chefs de corruption, complicité d'obstacle à la manifestation de la vérité, escroquerie en bande organisée et recel d'abus de biens sociaux, a prononcé sur leurs demandes d'annulation d'actes de la procédure ;


La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 mai 2016 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Sadot, conseiller rapporteur, MM. Soulard, Steinmann, Mmes de la Lance, Chaubon, M. Germain, Mmes Planchon, Zerbib, conseillers de la chambre, Mmes Chauchis, Pichon, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Lemoine ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de M. le conseiller SADOT, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle NICOLAŸ, DE LANOUVELLE et HANNOTIN, de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocats en la Cour, les conclusions de M. l'avocat général LEMOINE, Me WAQUET et Me FOUSSARD ayant eu la parole en dernier ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 17 décembre 2015, joignant les pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;

Vu les mémoires personnel, ampliatifs et en défense produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 8 novembre 2013, au vu d'une note d'information de la cellule TRACFIN signalant certaines anomalies affectant le fonctionnement des comptes bancaires de la société Bijouterie 6 Paradis, ayant son siège à Marseille et dont le gérant est M. C..., le procureur de la République a ouvert une information judiciaire des chefs d'association de malfaiteurs et de blanchiment commis en bande organisée ; que le juge d'instruction a délivré une commission rogatoire au service national de la douane judiciaire et a, en outre, autorisé la surveillance de plusieurs lignes téléphoniques de M. C... ; que l'interception de plusieurs communications, ainsi qu'un contrôle fiscal et les investigations distinctes, engagées dans le même temps par le service régional d'enquête des douanes de Marseille, ont permis la révélation de faits susceptibles de recevoir la qualification d'abus de biens sociaux, imputables au gérant de la société précitée, et de divers éléments comptables anormaux, parmi lesquels la passation d'une écriture comptable " caisse " d'un montant de 450 000 euros affectée au bilan en contrepartie d'une traite impayée à la société Rolex France ; que, dans certaines de ses conversations téléphoniques avec son avocat, M. X..., transcrites et versées au dossier, M. C... évoquait la difficulté causée par l'écriture comptable susvisée à l'occasion des visites des agents chargés du contrôle fiscal, et l'aide pouvant être apportée, dans la gestion de ce contrôle, par un haut fonctionnaire des finances publiques, relation de Maître X..., ultérieurement identifié comme étant M. Y... ; qu'après communication du dossier au procureur de la République ordonnée par le magistrat instructeur le 21 mars 2014, la saisine de ce dernier a été étendue, par réquisitoire supplétif du 4 avril 2014, aux faits d'abus de biens sociaux commis au préjudice de la société Bijouterie 6 Paradis et recel, corruption passive commise par des personnes exerçant une fonction publique, corruption et complicité de corruption active commises par les particuliers, travail dissimulé, obstacle à la manifestation de la vérité ; que, par acte du même jour, le juge d'instruction a délivré une commission rogatoire complémentaire afin d'étendre la délégation de la douane judiciaire à ces faits nouveaux ;

Attendu que M. X... et M. Y..., mis en examen le 27 mai 2014, ont présenté, respectivement les 30 juin et 25 novembre 2014, des requêtes en annulation d'actes de la procédure ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation proposé par la société civile professionnelle Waquet, Farge et Hazan, pour M. X..., pris de la violation des articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2, 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, préliminaire, 100, 100-5, 100-7, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

" en ce que l'arrêt attaqué a limité la nullité prononcée à certaines transcriptions de correspondances entre l'avocat et son client et rejeté le surplus de la requête ;

" aux motifs qu'il est constant que M. X... exerçait la profession d'avocat aux moment des interceptions téléphoniques et qu'à ce titre, il assurait une mission de conseil et d'assistance M. C... à l'occasion du contrôle fiscal dont sa société faisait l'objet ; que la qualité de cliente ne sera pas discutée concernant Mme Karine D... eu égard à ses qualités de conjointe du gérant, de salariée et d'ancienne gérante de la société ; qu'en application des dispositions de l'article 100-5 du code de procédure pénale, les conversations de l'avocat, qui ont été surprises à l'occasion d'une mesure d'instruction régulière, ne peuvent être transcrites et versées au dossier si elles relèvent de l'exercice des droits de la défense et qu'en application de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée le 28 mars 2011, en toutes matières les correspondances entre l'avocat et son client sont couvertes par le secret professionnel, de sorte qu'elles ne peuvent être transcrites que s'il apparaît que leur contenu est de nature à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction ; qu'il est demandé au titre de la confidentialité des correspondances, l'annulation de la totalité des transcriptions ou résumés de celles-ci, alors qu'il convient d'examiner le contenu des transcriptions pour déterminer si elles sont de nature à faire présumer la participation de M. X... à une infraction ;

" 1°) alors que les dispositions des articles 100 et 100-7, alinéa 2, du code de procédure pénale, qui, en matière d'écoute et d'enregistrement de correspondances d'un avocat émises par la voie des télécommunications, d'une part, ne posent aucune limite de fond particulière, d'autre part, ne prévoient pas de garanties spéciales de procédure protectrices du secret professionnel des avocats (ou une garantie insuffisante), portent atteinte au droit au respect de la vie privée, au secret des correspondances, aux droits de la défense et au droit à un procès équitable, protégés par les articles 2, 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité des textes précités qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé au Conseil constitutionnel, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;

" 2°) alors que les dispositions des articles 100 et 100-5, alinéas 1 et 3, du code de procédure pénale, en ce qu'elles autorisent, en vertu d'une jurisprudence constante, la transcription et le versement au dossier des correspondances entre l'avocat et son client de nature à faire présumer la participation de l'avocat à une infraction, et sans prévoir de garanties spécifiques protectrices du secret professionnel des avocats, permettant un contrôle préalable des transcriptions envisagées, en sus du contrôle général confié au seul juge ayant ordonné la mesure, portent atteinte au droit au respect de la vie privée, au secret des correspondances, aux droits de la défense et au droit à un procès équitable, protégés par les articles 2, 4 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'en conséquence, la déclaration d'inconstitutionnalité des textes précités qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé au Conseil constitutionnel, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;

" 3°) alors que la confidentialité des échanges entre un accusé et son avocat figure parmi les exigences élémentaires du procès équitable dans une société démocratique ; que, si des mesures portant atteinte à ce principe de confidentialité et au secret professionnel de l'avocat peuvent être prévues, c'est à la condition qu'elles soient impérativement assorties de garanties spéciales de procédure, que la mesure puisse être considérée comme nécessaire dans une société démocratique et qu'elle soit proportionnée ; que tel n'est pas le cas des écoutes incidentes, faute de garanties spéciales de procédure adéquates et alors qu'aucun indice préalable de commission d'une infraction par l'avocat écouté ne venait justifier cette mesure ; qu'en refusant néanmoins d'annuler les interceptions litigieuses, la chambre de l'instruction a méconnu les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme " ;

Attendu que, pour refuser d'annuler les procès-verbaux de transcription de l'ensemble des conversations téléphoniques entre M. C... et son avocat, surprises lors de la surveillance de la ligne téléphonique du premier, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en statuant ainsi, et dès lors que même si elle est surprise à l'occasion d'une mesure d'instruction régulière, la conversation entre un avocat et son client ne peut être transcrite et versée au dossier de la procédure que s'il apparaît que son contenu est de nature à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction, et que se trouvent ainsi garantis les droits de la défense et au respect de la vie privée, la chambre de l'instruction n'a méconnu aucun des textes conventionnels et légaux visés au moyen ;

D'où il suit que le moyen, devenu sans objet en ses première et deuxième branches à la suite de l'arrêt du 6 avril 2016 ayant dit n'y avoir lieu de transmettre au Conseil constitutionnel les questions...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT