Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 18 septembre 2018, 13-88.632, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Soulard (président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2018:CR01802
Case OutcomeCassation
Docket Number13-88632
Appeal NumberC1801802
CounselSCP Fabiani,Luc-Thaler et Pinatel,SCP Garreau,Bauer-Violas et Feschotte-Desbois,SCP Gatineau et Fattaccini,SCP Sevaux et Mathonnet
Date18 septembre 2018
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


-
La société City Jet Limited,


contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 8 octobre 2013, qui, pour travail dissimulé, l'a condamnée à 100 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ;






La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 juin 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, MM. Straehli, Cathala, Ricard, Parlos, Bonnal, Mme Ménotti, conseillers de la chambre, MM. Barbier, Talabardon, Mme de Lamarzelle, conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Caby ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de Mme le conseiller DURIN-KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle GARREAU, BAUER-VIOLAS et FESCHOTTE-DESBOIS, de la société civile professionnelle FABIANI, LUC-THALER et PINATEL, de la société civile professionnelle SEVAUX et MATHONNET et de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire Caby, Me FATTACCINI ayant eu la parole en dernier ;

Vu les mémoires, en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, 13 et 14 du règlement CEE n°1408/71 du 14 juin 1971, 12 du règlement n°574/72 du 21 mars 1972, 111-2, 111-3, 111-4, 112-1 du code pénal, L. 342-4 devenu L. 1262-3, L. 8221-1, L.8221-3, L. 8224-5 du code du travail, R. 330-2-1 du code de l'aviation civile, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs, violation de la loi ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré la société CityJet coupable des faits de travail dissimulé et l'a condamnée à une amende délictuelle de 100 000 euros, aux frais de publication d'un communiqué judiciaire et a confirmé le jugement sur l'action civile ;

"aux motifs propres au fond qu'il est constant comme ressortant des constatations de l'inspection du travail des transports que la compagnie CityJet Limited, société de droit irlandais siégeant à Dublin, filiale à 100% du groupe Air France depuis 2000, disposait depuis plusieurs années sur l'emprise de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle , en zone réservée à l'est de la plate-forme, de parcs de stationnement pour ses avions - des BAE 146 et AVRO RJ 85 portant le nom de la compagnie Air France et en dessous, en plus petit, « by CityJet » -, d'un magasin et d'un atelier de maintenance où étaient entreposés plusieurs véhicules portant le même logo, ainsi que de locaux en « algéco » de plain-pied à son enseigne, notamment des locaux de travail pour le personnel au sol et une salle de repos pour le personnel navigant, des « casiers lettres » au nom de chaque salarié basé en France, au nombre de 111 pour le personnel technique et de 146 pour le personnel commercial ; que la salle 021 de l'hôtel Marriott de Roissy-en-France était également affectée au repos des équipages de CityJet ; que, dans le cadre de plusieurs contrôles réalisés en février et mars 2007, les inspecteurs ont constaté la présence de six personnels au sol, Français demeurant en France, détenteurs de contrats de travail de droit irlandais et n'ayant fait l'objet de la déclaration unique d'embauche que depuis le 1er octobre 2006, bien qu'ils fussent affectés de manière permanente dans ces locaux où ils travaillaient depuis nombre d'années, comprises les deux responsables pouvant cependant être conduites à faire des déplacements professionnels à Dublin, Mmes Z..., salariée depuis 2001 et responsable des ressources humaines, et Grondin, chef d'escale ; qu'ils ont relevé que n'étaient établis ni registre unique du personnel, ni décompte de la durée de travail ; qu'il résulte des procès-verbaux de l'inspection du travail que l'ensemble de ces infrastructures formait une base d'exploitation munie des infrastructures et du personnel nécessaires ; que, complétant leurs propres constatations par l'audition de 24 membres du personnel navigant commercial et de 15 membres du personnel navigant technique en poste en France, les inspecteurs ont noté que ces agents bénéficiaient des casiers susvisés à Roissy ou à Orly tandis que les personnels navigants basés à Dublin n'en disposaient pas ; que le plus grand nombre du personnel navigant commercial avait passé un entretien d'embauche à Roissy, avait signé un contrat de travail irlandais par voie électronique ; que la plupart était, comme le personnel navigant technique, basé à Paris où ils habitaient, même si leur base d'exploitation était contractuellement fixée à Dublin avec une clause de mobilité, prenait et terminait en réalité son service à Orly ou à Roissy Charles de Gaulle , assurait des rotations entre Paris-Orly et London City, prenait connaissance via internet des plannings élaborés à Dublin, était régulièrement soumis à un système d'astreintes et à un système de « réserve chaude » (hot spare) impliquant de pouvoir rejoindre la base en moins d'une heure ; que ces agents recevaient des bulletins de salaire irlandais et n'étaient en principe pas inscrits au registre des personnels navigants de l'aviation civile française prévu par le code de l'aviation civile ; que leur couverture sociale était tantôt assurée par la sécurité sociale française, tantôt par un organisme irlandais, voire même pas assuré du tout, que certains avaient reçu les formulaires E 101 ou E 106, mais que tous déclaraient être, en cas d'arrêt maladie, indemnisés durant les comprenait deux parties, l'une correspondant au salaire fixe versée sur un compte bancaire français, l'autre versée sur un compte bancaire irlandais correspondant aux primes non imposables, leurs heures supplémentaires n'étant en tout cas pas comptabilisées ; qu'alors que l'entreprise ne disposait ni de comité d'entreprise, ni de représentant syndical, ni de délégué du personnel, ces salariés avaient tous été informés que l'organisation de leur service allait changer, puisque, dans un premier temps, il avait été demandé au personnel employé dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, de faire usage du « commuting » et, pour le personnel employé dans le cadre d'un contrat à durée déterminée, de s'installer à Dublin ou à Londres, cette option étant abandonnée dans un second temps pour les contrats à durée indéterminée mais maintenue pour les contrats à durée déterminée, et qu'enfin dans un dernier temps, les contrats à durée déterminée devaient être transformés en contrat à durée indéterminée et les salariés affiliés au régime de protection sociale français ; que, le 13 mars 2008, les services enquêteurs ont procédé à un contrôle analogue au départ de l'aéroport d'Orly et constaté que les 20 membres du personnel navigant de la compagnie CityJet Limited qui y travaillaient ce jour- là assuraient les rotations entre Paris Orly et London City ; que l'enquête de l'inspection du travail complétée par celle qu'ont effectuée à compter du 27 novembre 2007 les enquêteurs de la gendarmerie nationale sur réquisitions du parquet de Créteil, a révélé que, même lorsque leurs contrats de travail irlandais faisaient état d'une base d'opération effectivement située à l'aéroport de Dublin, les plannings et programmes montraient que les personnels navigants de la compagnie CityJet Limited, qui bénéficiaient d'ailleurs des onze jours fériés français, travaillaient en réalité uniquement au départ des deux aéroports parisiens de Roissy Charles de Gaulle ou d'Orly, mais nullement de Dublin ou de Londres ; que les personnels de la compagnie aérienne ont rapporté que la présentation de leurs plannings avait été modifiée pour transformer la mention de CDG (Roissy Charles de Gaulle ) en DBX et celle d'ORY pour Orly en LCX ; que, mieux encore, il n'a pas été contesté par les prévenus que l'espace vide devant la mention CDG figurant sur les copies des tableaux de service des pilotes et du personnel de cabine correspondait, selon les enquêteurs, au mot « base » effacé par apposition d'une fine couche de correcteur blanc sur les originaux ; que l'examen des divers contrats de sous-traitance produits au dossier a par ailleurs fait ressortir que l'importance de l'activité de la société CityJet Limited à l'aéroport d'Orly la contraignait à conclure, directement ou par l'intermédiaire de la société Air France, avec des entreprises extérieures pour le ravitaillement en carburant (SAP et GAO), le ménage des avions (ACNA), ravitaillement hôtellerie (OAT), le chargement et le déchargement des soutes (ISS ABILISS), l'assistance PAX mobilité réduite (PMR), le transport de passagers (INTRABUS) ; qu'une lettre du 25 avril 2008 a révélé l'existence d'un contrat d'occupation de diverses salles de l'hôtel Holiday INN avec la société CityJet Limited au profit de son personnel, depuis l'année 2002 ; qu'un courrier des aéroports de Paris, en date du 5 juin 2008, a établi que la société CityJet Limited disposait de locaux sur le site d'Orly puisqu'elle y louait cent quarante mètres carrés de bureaux et sanitaires, outre quarante-huit mètres carrés d'emplacements pour véhicules, élément supplémentaire, s'il en fallait encore, en faveur d'une implantation importante sur l'aéroport ; que référence faite aux énonciations du jugement déféré pour y retrouver la synthèse de leurs déclarations, que, toutes catégories confondues, les salariés ont en particulier reproché à leur employeur que « tout (ait été) fait pour (les) dégoûter et (les) inciter à quitter la société », qu'il leur « semblait que la direction (faisait) le forcing pour (les) inciter à quitter la compagnie par [une] augmentation d'activité » ; qu'ils ont dénoncé les pressions dont ils avaient fait l'objet en entretien individuel pour déclarer une domiciliation hors de France, la surveillance...

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