Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 12 septembre 2018, 17-83.793, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Soulard (président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2018:CR01753
Case OutcomeRejet
Date12 septembre 2018
Docket Number17-83793
CounselSCP Célice,Soltner,Texidor et Périer,SCP Lyon-Caen et Thiriez
Appeal NumberC1801753
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. Joël X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de CAEN, chambre correctionnelle, en date du 15 mai 2017, qui, pour atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et abus de confiance, l'a condamné à deux ans d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve, à une interdiction professionnelle définitive, a ordonné la confiscation des scellés et a prononcé sur les intérêts civils ;









La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 13 juin 2018 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Y..., conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Hervé ;

Sur le rapport de Mme le conseiller Y..., les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, de la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général VALAT ;

Vu les mémoires en demande, en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que le procureur de la République, saisi par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, des conditions dans lesquelles avait été réalisée, au regard des règles des marchés publics, la rénovation de plusieurs logements de fonction du centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen, a ouvert une information des chefs d'atteinte à la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et de détournement de fonds publics ; que les investigations conduites dans ce cadre ont révélé que, nommé le 1er février 2007 en qualité de directeur général du CHU, M. X... a, dès avant sa prise de fonction, contacté le cabinet d'architecte de M. Philippe A... afin de lui demander de travailler sur le projet de rénovation de son futur logement de fonction à partir des plans qu'il lui a lui-même fournis ; que ce cabinet a réalisé plusieurs prestations, avant de signer, le 24 avril 2007, sans qu'ait été mise en oeuvre une quelconque procédure de publicité et de mise en concurrence avec le CHU, un premier marché de maîtrise d'oeuvre d'un montant de 31 262 euros portant sur des travaux intérieurs et extérieurs du pavillon de fonction occupé par M. X..., suivi de trois avenants, dont les deux derniers ont été visés par celui-ci, portant la rémunération du maître d'oeuvre à la somme de 63 763,21 euros HT, l'estimation prévisionnelle des travaux passant de 284 200 euros HT à 625 120 euros HT ; qu'un second marché de maîtrise d'oeuvre d'un montant de 6 686 euros HT a également été conclu, l'estimation des travaux étant de 66 860 euros ; que par ailleurs, en vue de la rénovation du logement de fonction du directeur-adjoint du CHU, M. Z... B..., M. A... a conclu, dans les mêmes conditions, un marché de maîtrise d'oeuvre le 4 juin 2008, qui a été contresigné par M. X..., le montant total des travaux ayant été évalué à la somme de 317 112,42 euros HT ;

Que le demandeur, pour financer les travaux, a eu recours au marché à bons de commande passé aux fins d'entretien des locaux de l'établissement hospitalier par le CHU avec différentes entreprises, ce qui a généré, outre un fractionnement du montant global des rénovations, des surfacturations et des surcoûts liés à l'inadaptation des prestations et matériaux prévus dans le marché mais également au comportement des époux X... qui, choisissant des matériaux de prix, ont, à plusieurs reprises, fait détruire et recommencer certains travaux ;

Attendu qu'à l'issue de l'information, M. X... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir à Caen, entre 2007 et 2009, en sa qualité de directeur général du CHU de CAEN, exerçant les fonctions de représentant ou agent d'établissement public ou agissant pour leur compte, procuré ou tenté de procurer à autrui un avantage injustifié au cabinet d'architecture A... et à diverses entreprises par un ou des actes contraires aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et à l'égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public, et ce particulièrement en ne respectant pas les principes généraux de la commande publique résultant notamment de l'article 1er du code des marchés publics, concernant des études et travaux d'architecte et d'entreprises effectués pour le logement de fonction du directeur-adjoint du CHU, M. Z... B..., ainsi que pour son propre logement de fonction, et pour avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, détourné au préjudice d'autrui des fonds qui lui avaient été remis et qu'il avait acceptés à charge d'en faire un usage déterminé, à savoir en procédant à des travaux abusifs, excessifs et disproportionnés dans son logement de fonction de directeur général du CHU, dont le coût final n'aurait pas dû dépasser le plafond du seuil fixé par le code des marchés publics, à savoir 210 000 euros HT au-delà duquel une publicité et un appel d'offre sont d'ailleurs prévus et qui en tout cas n'auraient pas dû dépasser la somme de 284 200 euros HT qui était le chiffre figurant dans l'acte d'engagement officiel du cabinet d'architecture A..., le surplus de dépense au delà de 284 200 euros, soit la somme de 355 733 euros, ayant été ainsi détourné puisque le montant total des travaux a été de l'ordre de 639 913 euros et ce au préjudice du CHU de Caen ;

Que, par jugement en date du 24 mai 2016, le tribunal correctionnel l'a déclaré coupable de l'ensemble de ces faits et l'a condamné à trente-six mois d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis avec mise à l'épreuve, à une interdiction professionnelle définitive, à cinq ans de privation de ses droits civils, civiques et de famille, a ordonné la confiscation des scellés et a prononcé sur les intérêts civils ; que le prévenu et le ministère public ont interjeté appel de cette décision ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 121-1 du code de l'organisation judiciaire, 510 et 592 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a été rendu notamment par Mme Lepeltier-Durel , "désignée par ordonnance de M. le premier président de la cour d'appel de Caen, en date du 15 décembre 2017";

"alors que la composition des chambres de cour est fixée par ordonnance du premier président de chaque cour ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la cour d'appel était notamment composée de deux conseillers, dont l'un d'eux aurait été désigné par une ordonnance postérieure à l'arrêt rendu ; qu'en cet état, la Cour de cassation n'est pas en mesure de s'assurer de la régularité de la composition de la cour d'appel" ;

Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de l'erreur matérielle manifeste affectant la mention de l'arrêt selon laquelle un conseiller, siégeant à l'audience, a été désigné par ordonnance de M. Le premier président de la cour d'appel de Caen, en date du 15 décembre 2017, soit à une date postérieure à l'audience ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et 4 du protocole additionnel n° 7 à ladite convention, 121-6, 121-7, 432-14 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit d'octroi d'avantage injustifié et l'a condamné pénalement et civilement ;

"aux motifs que sur l'avantage injustifié procuré au cabinet A... pour la maîtrise d'oeuvre du logement de fonction situé au [...] , estimant comme il a pu lui-même l'indiquer devant le magistrat instructeur, que « ça fait partie du statut du directeur d'avoir un logement confortable », M. X... lance un programme de travaux importants pour rénover son logement de fonction et permettre dira-t-il, à son épouse et leur trois enfants de venir s'y installer à ses côtés à compter du mois de septembre 2007 ; que pour ce faire, le cabinet M. Philippe A..., architecte d'intérieur, signe avec la direction du patrimoine et des infrastructures (DPI) du CHU de Caen, le 24 avril 2007, un premier marché de maîtrise d'oeuvre (un acte d'engagement) d'un montant de 31 262 euros hors taxe (HT) portant sur des travaux d'aménagement intérieurs et extérieurs du pavillon de fonction du directeur général situé au [...] , suivi de deux avenants portant la rémunération du maître d'oeuvre à 68 763, 21 euros HT, l'estimation prévisionnelle des travaux passant de 284200 euros HT à 625 120 euros HT ; qu'un second contrat de maîtrise d'oeuvre d'un montant de 6 686 euros HT est signé le 29 juillet 2008, l'estimation des travaux étant de 66 860 euros HT ; qu'il est établi par l'enquête et l'information judiciaire qu'avant même sa prise de fonction à Caen, M. X... alors directeur de l'hôpital du Havre, a été mis en relation avec M. A... par M. C..., architecte avec qui l'hôpital du Havre avait pu travailler, que dès le début de l'année 2007 M. A... a commencé à travailler sur le projet de rénovation du futur logement de fonction du [...] à partir des plans que lui a fournis M. X..., que M. A... a soumis des projets d'esquisse aux époux X... aux fins de répondre à leur demande de rénovation et de réaménagement du pavillon de fonction et qu'il a dressé le 7 février 2007, un « diagnostic avant études » ; enfin, M. A... a adressé le 20 février 2007 un courrier à Mme Catherine D... (directrice de la DPI) en indiquant : « pour faire suite à la demande de M. X... de réaliser la maîtrise d'oeuvre des travaux de réfection et extension de la maison qu'il doit occuper prochainement, vous trouverez ci-joint le contrat de mission y faisant référence ; je vous remercie de me retourner un exemplaire de ce contrat dûment signé » ; que pour...

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