Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 19 février 2019, 18-83.360, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Soulard
ECLIECLI:FR:CCASS:2019:CR00181
Case OutcomeAnnulation partielle
Publication au Gazette officielBull. crim. 2019, n° 39
CitationN1 >Sur la nécessite d'impartialité du juge, à rapprocher : Crim., 21 août 1990, pourvoi n° 90-84.352, Bull. crim. 1990, n° 305 (dessaisissement de juridiction) ;2e Civ., 14 septembre 2006, pourvoi n° 04-20.524, Bull, 2006, II, n° 222 (cassation) ;Soc., 8 avril 2014, pourvoi n° 13-10.209, Bull. 2014, V, n° 98 (cassation) N2 >Sur les pouvoirs du magistrat délégué en situation de supplément d'information ordonné par la chambre de l'instruction, à rapprocher : Crim., 21 novembre 2000, pourvoi n° 00-85.875, Bull. crim. 2000, n° 345 (rejet) ;Crim., 12 novembre 2014, pourvoi n° 14-84.182, Bull. crim. 2014, n° 230 (cassation partielle sans renvoi), et les arrêts cités
Appeal NumberC1900181
Docket Number18-83360
Date19 février 2019
CounselSCP Piwnica et Molinié,SCP Waquet,Farge et Hazan
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)
Subject MatterCONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6, § 1 - Tribunal - Impartialité - Défaut (non) - Caractérisation - Cas
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° F 18-83.360 FS-P+B+I


N° 181


SM12


19 FÉVRIER 2019


ANNULATION PARTIELLE


M. SOULARD président,



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E



________________________________________



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


_________________________



LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :


ANNULATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par Mme Murielle Y..., contre l'arrêt n° 2018/140 de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Dijon, en date du 16 mai 2018, qui, dans l'information suivie contre elle du chef d'enlèvement de mineur de quinze ans suivi de mort, a prononcé sur sa demande en annulation de pièces de la procédure ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 22 janvier 2019 où étaient présents : M. Soulard, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, M. Straehli, MM. Ricard, Parlos, Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de Lamarzelle, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Desportes ;

Greffier de chambre : Mme Bray ;

Sur le rapport de Mme le conseiller DURIN-KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES, Me PIWNICA et Me WAQUET ayant eu la parole en dernier ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 4 juillet 2018, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;

Vu les mémoires en demande et complémentaire, en défense, et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite de la disparition de Grégory M..., alors âgé de quatre ans, fils de M. Jean-Marie et de Mme Christine M..., dont le corps entravé par des cordelettes a été découvert le 16 octobre 1984 dans le cours d'eau de la Vologne, sur la commune de Docelles, une information a été ouverte le lendemain pour assassinat ;

Que le 1er novembre 1984, sur la base d'une commission rogatoire délivrée le 17 octobre 1984, Murielle Y..., mineure comme étant née le [...], a été entendue dans un premier temps sous le statut de témoin à partir de 15 heures, puis le 2 novembre de 9 h 30 à 13 h 30, avant d'être placée en garde à vue en application de l'article 154 du code de procédure pénale à partir de 13 h 30, et entendue à plusieurs reprises, la mesure ayant été prolongée sur autorisation du juge d'instruction d'un nouveau délai de 24 heures à compter du 3 novembre à 9 h 30 ;

Qu'après dessaisissement de la chambre d'accusation de Nancy et transmission de la procédure à la chambre d'accusation de Dijon, un supplément d'information a été confié à son président, M. Maurice Simon, par arrêt du 25 juin 1987, et ce jusqu'en 1990, date à laquelle il a été remplacé par M. Martin ; qu'une décision de non-lieu a été rendue le 3 février 1993 suivie de plusieurs arrêts prononçant un non-lieu puis ordonnant la réouverture sur charges nouvelles ; qu'un nouvel arrêt de non-lieu a été prononcé le 11 avril 2001 ;

Qu'un arrêt du 3 décembre 2008 a ordonné la réouverture sur charges nouvelles et prescrit un supplément d'information confié au président de la chambre de l'instruction aux fins de procéder à une mesure technique puis de réaliser toutes autres investigations utiles à la manifestation de la vérité ; que, par arrêt du 20 octobre 2010, la chambre de l'instruction a fait partiellement droit à une demande d'expertise ;

Que, par arrêt du 28 septembre 2011, Mme Barbier, président de la chambre de l'instruction, a été désignée pour poursuivre l'exécution du supplément d'information et des actes complémentaires ordonnés ; que, par décision du 26 septembre 2012, la chambre de l'instruction, faisant droit à d'autres demandes d'actes, a confié leur mise en oeuvre ainsi que toutes autres investigations utiles à la manifestation de la vérité qui en découleront, à Mme X... ;

Que le 28 janvier 2016, le fils de M. Simon a remis à la justice des carnets intimes de son père, décédé en 1994, lorsqu'il a appris la réouverture de l'information judiciaire, et que cinq carnets rédigés entre le 15 juin 1987 et le 25 janvier 1990, contenant des annotations personnelles, ont été retranscrits à la demande du juge d'instruction, les éléments en rapport avec la procédure ayant été versés au dossier de l'information retranscrits sous les numéros D7946 à D8125 ;

Qu'un arrêt du 24 mai 2017 a également ordonné la réouverture, sur charges nouvelles, d'une information suivie des chefs de complicité d'assassinat, non-opposition à la réalisation d'un crime, non-assistance à personne en danger, non-dénonciation d'un crime, close par arrêt du 11 octobre 1988, et ordonné la jonction de ladite procédure avec la procédure en cours du chef d'assassinat ;

Que Mme Y... a été mise en examen le 16 juin 2017 du chef d'enlèvement de mineur de quinze ans suivi de mort et a déposé deux requêtes en annulation de pièces de la procédure le 1er décembre suivant ; qu'il a été notamment demandé l'annulation du placement en garde à vue de 1984 et des auditions au cours de cette mesure, celle des actes de procédure diligentés par M. Simon ainsi que la nullité des actes accomplis par Mme X... ;

En cet état :

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 173, 173-1, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense et du droit à la présomption d'innocence :

"en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à l'annulation d'actes de la procédure ;

"aux motifs que sur la régularité des actes effectués sur supplément d'information exécuté par M. le président de chambre Simon ; qu'au préalable, il convient de rappeler que M. le président Simon a été désigné par l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Dijon du 25 juin 1987 (SI 010 SI D11) pour accomplir le supplément d'information ordonné, et qu'il a été remplacé par M. le président Martin pour raisons médicales par arrêt du 19 septembre 1990 (SI DI069) ; que par ailleurs, l'arrêt de non-lieu rendu par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Dijon le 3 février 1993 l'était sous la présidence de M. Martin, M. Simon n'étant pas dans la composition ; qu'enfin le 28 janvier 2016, le fils de M. le président Simon a remis à la justice des carnets intimes de son père décédé le [...] , ayant appris la réouverture de l'information judiciaire ; que ces pièces (5 carnets n° 14 à n° 18) sont versées au dossier d'information sous les numéros D7946 à D8125 et contiennent effectivement des annotations personnelles rédigées par M. le président Simon du 15 juin 1987 au 25 janvier 1990 ; que l'impartialité du magistrat s'entend d'une impartialité objective et non d'une impartialité subjective, la liberté de conscience, de penser et d'exprimer des opinions n'étant pas interdite, seule est prohibée une partialité se traduisant en acte, guidée non pas par la logique du dossier mais par une absence de neutralité ; qu'il appartient donc au requérant de prouver que le juge a violé l'exigence de neutralité et les dispositions relatives à l'article 6, § 1, de la CEDH ou de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; qu'en l'espèce il appartient à la requérante de préciser quel acte particulier, effectué traduirait une partialité avérée soit dans le choix de l'acte lui-même soit dans son accomplissement ; que dès lors une requête visant tous les actes accomplis par un magistrat sans visa d'actes particuliers et sans démonstration de la partialité soupçonnée, est par nature irrecevable ; qu'en l'occurrence, Murielle Y... soulève comme acte partial, la nullité du procès-verbal de sa déposition de témoin du 21 octobre 1987 (SI D157) et la nullité de l'arrêt de non-lieu rendu par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Dijon le 3 février 1993 (SI D1447) ainsi que les actes subséquents aux deux actes visés ; que de la partialité alléguée de M. le président Simon, il y a lieu d'observer que l'intéressé exprime en toute liberté, de manière abrupt, ses impatiences, ses appréciations, ses convictions y compris politiques et ses réflexions sur le dossier et les différents protagonistes mais aussi sur son entourage professionnel dans des carnets intimes, par nature, voués à rester privés et non à une quelconque divulgation et encore moins à être annexés dans un dossier d'instruction ; qu'en l'espèce, les deux passages visés par la requête de Murielle Y... s'ils traduisent une perception extrêmement négative de la famille Y..., manifestent surtout une contrariété du président devant une absence à une convocation ; qu'ainsi le passage cité "je redoute soit une manifestation familiale des voyous Y... soit un rassemblement de presse télécommandé par Me Prompt" (19 janvier 1989 D8034) s'avère précédé des propos suivants "Nuit mouvementée dans l'appréhension il faut bien dire de l'audition de Murielle Y... prévu pour ce jour, à 10 heures. Je redoute soit une manifestation familiale des voyous Y... soit un rassemblement de presse télécommandé par Me Prompt" ; que par ailleurs ce passage est suivi des considérations suivantes : "A 10 heures, et après une entrevue assez rapide avec le premier président qui voudrait bien qu'on en finisse avec l'affaire M..., nous recevons Edith et moi, la visite de Me De Montille avocat dijonnais des Y... qui nous annonce que ni Muriel Y... ni Mme Marie Ange Y... veuve T... remariée A... ne se présenteront parce que enceintes toutes deux de quatre mois et demi ! Y a-t-il eu un seul et même donneur. En tout cas quelle harmonie ! Décidément tous les procédés sont bons. Visite au PG qui lui veut que l'on aille jusqu'au bout et me révèle que lorsque M. le procureur Simard...

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