Décision judiciaire de Conseil Constitutionnel, 13 octobre 2014 (cas Loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt)

Date de Résolution13 octobre 2014
Estado de la SentenciaJORF n° 0238 du 14 octobre 2014 page 16656, texte n° 2
Numéro de DécisionCSCL1423966S
JuridictionConstitutional Council (France)
Nature Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l’article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, le 15 septembre 2014, par MM. Christian JACOB, Élie ABOUD, Benoist APPARU, Mme Laurence ARRIBAGÉ, MM. Olivier AUDIBERT-TROIN, Jean-Pierre BARBIER, Étienne BLANC, Jean-Claude BOUCHET, Xavier BRETON, Philippe BRIAND, Luc CHATEL, Guillaume CHEVROLLIER, Edouard COURTIAL, Mme Sophie DION, M. David DOUILLET, Mme Marianne DUBOIS, MM. Christian ESTROSI, Daniel FASQUELLE, Mme Marie-Louise FORT, MM. Marc FRANCINA, Claude de GANAY, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Mme Annie GENEVARD, MM. Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Daniel GIBBES, Franck GILARD, Philippe GOSSELIN, Serge GROUARD, Mme Françoise GUÉGOT, MM. Antoine HERTH, Patrick HETZEL, Guénhaël HUET, Sébastien HUYGHE, Mmes Valérie LACROUTE, Laure de LA RAUDIÈRE, MM. Guillaume LARRIVÉ, Charles de LA VERPILLIÈRE, Marc LE FUR, Philippe LE RAY, Céleste LETT, Mmes Geneviève LEVY, Véronique LOUWAGIE, MM. Gilles LURTON, Thierry MARIANI, Hervé MARITON, Alain MARLEIX, Olivier MARLEIX, Alain MARSAUD, Patrice MARTIN-LALANDE, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Mme Dominique NACHURY, M. Bernard PERRUT, Mme Josette PONS, MM. Christophe PRIOU, Didier QUENTIN, Frédéric REISS, Bernard REYNES, Martial SADDIER, François SCELLIER, Alain SUGUENOT, Lionel TARDY, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Jean-Marie TETART, Dominique TIAN, François VANNSON, Mme Catherine VAUTRIN, M. Jean-Pierre VIGIER et Mme Marie-Jo ZIMMERMANN, députés. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,

Vu la Constitution ; Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ; Vu le code rural et de la pêche maritime ; Vu le code de la santé publique ; Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 29 septembre 2014 ; Le rapporteur ayant été entendu ;

  1. Considérant que les députés requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ; qu’ils mettent en cause la conformité à la Constitution de certaines dispositions de ses articles 3, 4, 29, 32 et 48 ;

    - SUR CERTAINES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 3 :

  2. Considérant que le 2° de l’article 3 complète le titre Ier du livre III du code rural et de la pêche maritime par un chapitre V, comprenant les articles L. 315-1 à L. 315-6, qui institue le groupement d’intérêt économique et environnemental ; qu’aux termes des deux premiers alinéas de l’article L. 315-1 : « Peut être reconnue comme groupement d’intérêt économique et environnemental toute personne morale dont les membres portent collectivement un projet pluriannuel de modification ou de consolidation de leurs systèmes ou modes de production agricole et de leurs pratiques agronomiques en visant une performance à la fois économique, sociale et environnementale. La performance sociale se définit comme la mise en œuvre de mesures de nature à améliorer les conditions de travail des membres du groupement et de leurs salariés, à favoriser l’emploi ou à lutter contre l’isolement en milieu rural.« Cette personne morale doit comprendre plusieurs exploitants agricoles et peut comporter d’autres personnes physiques ou morales, privées ou publiques. Les exploitants agricoles doivent détenir ensemble la majorité des voix au sein des instances du groupement » ;

  3. Considérant que l’article L. 315-2 fixe les conditions que le projet pluriannuel doit remplir pour être reconnu comme groupement d’intérêt économique et environnemental ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 315-6 : « Tout ou partie des actions prévues dans le projet pluriannuel mentionné à l’article L. 315-1 et relatives à la production agricole peuvent bénéficier de majorations dans l’attribution des aides publiques. Les critères déterminant la majoration des aides publiques privilégient les exploitants agricoles » ;

  4. Considérant que, selon les requérants, en permettant que les groupements d’intérêt économique et environnemental puissent bénéficier de majorations d’aides publiques, les dispositions du premier alinéa de l’article L. 315-6 entraînent une rupture d’égalité entre les agriculteurs qui se groupent au sein d’une telle structure et ceux qui choisissent de s’organiser selon un autre mode ; que le choix de faire varier les aides publiques en fonction d’un mode d’organisation ne serait pas en rapport avec le but poursuivi dès lors que les agriculteurs qui ne seront pas organisés selon les règles prévues par les dispositions contestées peuvent néanmoins satisfaire à des critères de performance économique, sociale et environnementale équivalents à ceux auxquels doivent satisfaire les groupements d’intérêt économique et environnemental ; qu’en ne précisant pas les critères selon lesquels les majorations d’aide publique sont attribuées, les dispositions de l’article L. 315-6 méconnaîtraient également le principe d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ;

  5. Considérant qu’aux termes de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » ; que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;

  6. Considérant qu’il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que le plein exercice de cette compétence, ainsi que l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ;

  7. Considérant, d’une part, qu’il ressort des deux premiers alinéas de l’article L. 315-1 que toute personne morale comprenant plusieurs exploitants agricoles peut être reconnue comme un groupement d’intérêt économique et environnemental, quel que soit le mode d’organisation des exploitations et la forme juridique de cette personne morale ; que, par suite, le grief tiré de ce que les dispositions contestées entraîneraient des différences de traitement selon les modalités d’organisation des exploitations agricoles manque en fait ;

  8. Considérant, d’autre part, que la définition des critères d’attribution des aides publiques ne met en cause aucun des principes fondamentaux ou règles que la Constitution place dans le domaine de la loi ; que le grief tiré de ce que le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence doit être écarté ;

  9. Considérant que les dispositions du premier alinéa de l’article L. 315-6 du code rural et de la pêche maritime, tel qu’il résulte du 2° de l’article 3 de la loi déférée, qui ne sont pas inintelligibles et ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, doivent être déclarées conformes à la Constitution ;

    - SUR LE PARAGRAPHE VII DE L’ARTICLE 4 :

  10. Considérant que le paragraphe VII de l’article 4 a pour objet de modifier les dispositions du chapitre II du titre IX du livre IV du code rural et de la pêche maritime relatives à la désignation des assesseurs des tribunaux paritaires des baux ruraux ; qu’il prévoit une désignation de ces assesseurs par ordonnance du premier président de la cour d’appel prise après avis du président du tribunal paritaire des baux ruraux sur une liste dressée par l’autorité compétente de l’État sur la base des propositions des organisations syndicales représentatives ;

  11. Considérant que les députés requérants soutiennent que les dispositions du paragraphe VII de l’article 4, introduites en deuxième lecture, n’assurent pas une représentation équilibrée des propriétaires bailleurs et des preneurs et méconnaissent, par voie de conséquence, les exigences d’indépendance et d’impartialité qui résultent de l’article 16 de la Déclaration de 1789 ;

  12. Considérant qu’il ressort de l’économie de...

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