Décision judiciaire de Conseil Constitutionnel, 25 février 1992 (cas Loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature)

Date de Résolution25 février 1992
Estado de la SentenciaJournal officiel du 29 février 1992, p. 3122
Numéro de DécisionCSCX9210392S
JuridictionConstitutional Council (France)
Nature Contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, lois organiques, des traités, des règlements des Assemblées

Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 24 janvier 1992, par le Premier ministre, conformément aux dispositions des articles 46 et 61 de la Constitution, de la loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Le Conseil constitutionnel,

Vu la Constitution ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment les articles figurant au chapitre II du titre II de ladite ordonnance ;

Vu l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'Etat ;

Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu l'ordonnance n° 58-1271 du 22 décembre 1958 portant loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu la loi organique n° 70-642 du 17 juillet 1970 relative au statut des magistrats, modifiée par la loi organique n° 80-844 du 29 octobre 1980 ;

Vu la loi organique n° 88-23 du 7 janvier 1988 portant maintien en activité des magistrats des cours d'appel et des tribunaux de grande instance, modifiée par l'article 7 de la loi organique n° 91-71 du 18 janvier 1991 ;

Vu l'article 65 de la loi de finances du 22 avril 1905 ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public modifiée par la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu, enregistrées au secrétariat général du Conseil constitutionnel le 23 janvier 1992, les lettres par lesquelles, d'une part, M Pierre Mazeaud, député, et, d'autre part, soixante-cinq députés, défèrent au Conseil la loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Le rapporteur ayant été entendu,

- SUR LES CONDITIONS D'INTERVENTION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL :

  1. Considérant qu'en vertu du premier alinéa de l'article 61 de la Constitution, les lois organiques, avant leur promulgation, doivent être soumises au Conseil constitutionnel, qui se prononce sur leur conformité à la Constitution ; que selon l'article 63, une loi organique détermine les règles d'organisation et de fonctionnement du Conseil constitutionnel et la procédure qui est suivie devant lui ; que, sur le fondement de ces dispositions, l'article 17 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 susvisée énonce que "les lois organiques adoptées par le Parlement sont transmises au Conseil constitutionnel par le Premier ministre" ;

  2. Considérant que pour les lois auxquelles la Constitution confère le caractère de lois organiques, la transmission obligatoire du texte au Conseil constitutionnel effectuée en application des dispositions précitées est exclusive de toute autre procédure ; qu'elle fait ainsi obstacle à ce que le Conseil constitutionnel puisse être saisi d'une loi organique sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution ;

  3. Considérant que le texte soumis à l'examen du Conseil constitutionnel regroupe, sous deux titres différents, un ensemble de 54 articles qui, à l'exception d'une disposition de l'article 24, ressortissent tous au domaine d'intervention de la loi organique ; que l'article 24 ne fait l'objet d'aucune contestation de la part des députés qui ont entendu saisir le Conseil constitutionnel de la loi organique ; que sont dès lors irrecevables les demandes par lesquelles, aussi bien soixante-cinq députés que l'un d'eux agissant individuellement, défèrent au Conseil la loi organique modifiant l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

    - SUR LA REGULARITE DE LA PROCEDURE LEGISLATIVE :

  4. Considérant que la loi organique a été adoptée dans le respect des règles de procédure fixées par l'article 46 de la Constitution ;

    - SUR L'ETENDUE DE LA COMPETENCE DE LA LOI ORGANIQUE S'AGISSANT DE LA FIXATION DU STATUT DES MAGISTRATS :

  5. Considérant qu'à l'exception de son article 9, qui modifie l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l'État et d'une disposition de l'article 24, le texte soumis à l'examen du Conseil constitutionnel a pour fondement le troisième alinéa de l'article 64 de la Constitution aux termes duquel "une loi organique porte statut des magistrats" ;

  6. Considérant qu'en spécifiant que ressortit au domaine d'intervention d'une loi ayant le caractère de loi organique, une matière que l'article 34 range par ailleurs au nombre de celles relevant de la compétence du législateur, le constituant a entendu par ce moyen accroître les garanties d'ordre statutaire accordées aux magistrats de l'ordre judiciaire ; que la loi organique portant statut des magistrats doit par suite déterminer elle-même les règles statutaires applicables aux magistrats, sous la seule réserve de la faculté de renvoyer au pouvoir réglementaire la fixation de certaines mesures d'application des règles qu'elle a posées ;

  7. Considérant, en outre, que dans l'exercice de sa compétence, le législateur organique doit se conformer aux règles et principes de valeur constitutionnelle ; qu'en particulier, doivent être respectés, non seulement le principe de l'indépendance de l'autorité judiciaire et la règle de l'inamovibilité des magistrats du siège, comme l'exige l'article 64 de la Constitution, mais également le principe d'égalité de traitement des magistrats dans le déroulement de leur carrière, qui découle de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

    - SUR LE TITRE Ier :

  8. Considérant que le titre premier intitulé "Dispositions permanentes" comporte 44 articles ; qu'exception faite de l'article 9, qui modifie l'article 1er de l'ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 susvisée, les différents articles du titre Ier se proposent de modifier ou compléter l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ; que le titre Ier se compose de sept chapitres distincts ;

    . En ce qui concerne le chapitre Ier :

  9. Considérant que le chapitre Ier regroupe, sous l'intitulé "Dispositions générales", quinze articles ;

    - Quant à l'article 1er :

  10. Considérant que l'article 1er, qui complète l'article 1er de l'ordonnance statutaire, énonce que : "Tout magistrat a vocation à être nommé au cours de sa carrière, à des fonctions du siège et du parquet" ; que ce texte, qui ne saurait être interprété comme faisant échec à la règle de l'inamovibilité des magistrats du siège, n'est pas contraire à la Constitution ;

    - Quant à l'article 2 :

  11. Considérant que l'article 2 substitue une nouvelle rédaction à celle de l'article 2 de l'ordonnance n° 58-1270 ; que les trois premiers alinéas de cet article déterminent les composantes de la hiérarchie du corps judiciaire et les principes qui gouvernent le passage du second au premier grade ainsi qu'à l'intérieur du premier grade, l'accès du premier au second groupe ; qu'eu égard à ces principes, le renvoi à un décret en Conseil d'État de la définition des "fonctions exercées par les magistrats de chaque grade et, au sein du premier grade de chaque groupe", ne constitue pas une méconnaissance par la loi organique de l'étendue de sa compétence ;

  12. Considérant qu'aux termes du cinquième alinéa de l'article 2 nouveau de l'ordonnance statutaire, "la durée des services effectués par tout magistrat nommé à une fonction qui ne peut être conférée qu'après inscription sur une liste d'aptitude spéciale est majorée d'une année pour le calcul de l'ancienneté requise pour l'avancement de grade et d'échelon" ; que, dans la mesure où la majoration d'ancienneté ainsi prévue s'applique à une catégorie de magistrats définie en fonction de critères objectifs, la différence de traitement qui en résulte ne porte pas atteinte au principe d'égalité ;

    - Quant à l'article 3 :

  13. Considérant que l'article 3 complète l'article 3 de l'ordonnance statutaire relatif à la liste des emplois de magistrats dits hors hiérarchie ; qu'une telle énumération ne contrevient à aucune disposition constitutionnelle ;

    - Quant à l'article 4 :

  14. Considérant que l'article 4 comporte trois paragraphes qui modifient l'article 9 de l'ordonnance statutaire, lequel a trait à l'incompatibilité des fonctions de magistrat avec l'exercice de certains mandats électifs ; que les paragraphes I et III relatifs à la situation des magistrats élus membres du Parlement européen n'appellent pas d'objections sur le plan constitutionnel ; que le paragraphe II qui, dans l'intention du législateur, a pour objet d'actualiser le régime des incompatibilités applicables aux magistrats élus dans une assemblée locale ne prend en compte ni la situation des magistrats qui seraient élus au Conseil de Paris ni celle des magistrats en service dans les territoires d'Outre-mer ; que cette double omission, qui est dépourvue de toute justification, méconnaît le principe d'égalité ;

  15. Considérant qu'il suit de là que le paragraphe II de l'article 4 doit être déclaré contraire à la Constitution ;

    - Quant à l'article 5 :

  16. Considérant que l'article 5 ajoute à l'ordonnance statutaire un article 12-1 en vertu duquel l'activité professionnelle de chaque magistrat fait l'objet d'une "évaluation" ; que celle-ci est effectuée dans le cadre d'une procédure dont l'article 12-1 détermine les caractéristiques essentielles ; que, dans ces conditions, en prévoyant qu'un décret en Conseil d'État fixera les conditions d'application de l'article 12-1, la loi organique n'est pas restée en deçà de sa compétence ; qu'il y a lieu de relever également que l'évaluation est applicable tant au magistrat en service dans le corps judiciaire qu'à celui qui en est détaché, ce qui est conforme au principe d'égalité ;

    - Quant à l'article 6 :

  17. Considérant que l'article 6 insère dans l'ordonnance statutaire un article 12-2...

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